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Considérations sur l'homme... sans considérations politiques.

Quelqu’un se souvient-il d’« Exodus », ce beau film d’Otto Preminger (1960), qui raconte « plus ou moins » la naissance de l’Etat d’Israël, avec Paul Newman et Eve Marie Saint ? La première fois que je l’ai vu j’étais assez jeune, et je l’ai pris pour une page d’histoire, avant que, plus tard, je ne m’intéresse vraiment à la question et que je ne découvre l'exacte réalité sur la création d’Israël. Le souvenir que j’en garde est cependant indélébile. Comme à chaque fois que je me laisse prendre par un film, mon enthousiasme d’alors fut immédiat, non pas pour l’histoire en elle-même mais pour le message d’espérance dont il était porteur. J’imaginais, et j’imagine encore ce que pouvait représenter alors, pour les Juifs rescapés des camps de concentration, pour tous ceux qui s’étaient cachés pendant la guerre, pour tous ceux dont les familles subissaient depuis des siècles les pogroms et les persécutions en tout genre, cette "terre promise" où finalement ils seraient chez eux, dont on ne pourrait plus jamais les chasser. D’autre part, les kibboutz, où tout le monde était logé à la même enseigne, où hommes et femmes participaient dans une égale mesure à un effort commun de création, me semblaient un bel exemple d’égalité et de fraternité. Tout était organisé et dirigé par des hommes instruits, responsables et prêts à se sacrifier, dans le but de créer une société dans laquelle l’homme ne perdrait plus jamais sa dignité. Bien sûr, il y avait beaucoup de romantisme dans cette perception de l’adolescente que j’étais, mais aujourd’hui encore, je suis persuadée qu’au-delà du contexte de sécurité, il y avait réellement un peu de tout cela dans les espoirs de ceux qui décidèrent de rejoindre ce pays. Et pourtant, un peu plus de cinquante ans après sa fondation, Israël n’est pas exactement le pays que l’on nous dépeint, où la plupart des gens sont aisés. Il y a 16 % de chômeurs, et un grand nombre de pauvres et de laissés-pour-compte, il y a des gens qui n’ont pas l’eau courante, pas de quoi nourrir leurs enfants, pendant qu'une couche de privilégiés s’enrichit. Les batailles de celles qu’on appelle « les Lionnes », mais dont les médias ne parlent pas, en sont la preuve.

 

« Les Lionnes » ont encore frappé, en silence, pointant avec décision sur un des organes vitaux d’un système économique qui, en Israël, tient en échec des centaines de milliers de personnes : les banques. Ayala Sabag et ses compagnes, toutes des Katamonim*, les quartiers les plus pauvres de Jérusalem où la faim n’est pas une statistique mais un facteur constant de la vie quotidienne, ont confisqué le matériel publicitaire de la Jerusalem Bank et de la Discount Bank pour protester « contre les taux d’intérêt et les commissions très élevés qui enrichissent les Instituts bancaires et appauvrissent le peuple ». Et elle ont essayé d’entrer dans le siège central de la HaPoalim Bank, près de l’île piétonne BenYehuda, mais elles ont été arrêtées par les gardiens.

 

Ce qui guide ces femmes, ce n’est pas un mouvement organisé et pas même les travaillistes de Shimon Peres ou les leader de Meretz (la gauche sioniste), qui aujourd’hui n’ont qu’un vague souvenir des luttes ouvrières et du socialisme. C’est le désespoir, un désespoir profond, provoqué par la politique du ministre des finances Netanyahu qui coupe les subsides aux Israéliens pauvres mais assigne des quotas généreux du budget public à la défense et à la colonisation des Territoires palestiniens occupés. Il y a plus d’un an, Vicky Knafo faisait à pied le chemin de sa ville de Mitzpeh Ramon à Jérusalem pour faire entendre la voix des mères-single, contraintes à se débrouiller suite aux coupures des subsides aux familles nombreuses passés de 3.091 shekels (= 560 €) à 1.836 shekels.

 

Ayala Sabag et les autres « Lionnes » n’ont aucune préparation politique et les Katamonim n’ont jamais été un lieu d’élection de la gauche, au contraire, on y soutient Sharon, car on n’a qu'une faible notion  de la situation réelle. Aujourd’hui, sans aucun point de repaire à gauche, les « Lionnes » font des gestes symboliques et des « expropriations prolétariennes ». Au début du mois de février, elles se sont emparées des provisions de pain à Beer Sheba (Neghev) et à Jérusalem, et elles les ont distribuées dans les quartiers pauvres de leur ville, en réaction contre la décision du gouvernement d’augmenter de 30% le prix de la farine. Ensuite elles ont pris tout ce qu’elles ont trouvé dans certains supermarchés et elles l’ont distribué aux plus nécessiteux. Quelques jours plus tard, elles ont interrompu le service de l’eau courante dans deux quartiers aisés de Jérusalem – Bet HaKerem et Rehavia –  « pour que les riches se rendent compte de ce qu’éprouvent les pauvres quand, suite aux impayés, la mairie ferme leurs robinets ». Dans les Katamonim, la moitié des quartiers est sans eau depuis longtemps.

 

Trop occupés à raconter les promesses de Sharon et les fausses raisons des colons, les médias n’ont pas le temps de se pencher sur les protestations de cette partie de la société israélienne écrasée par le poids de la récession, alors que dans de nombreuses petites villes où le déficit des comptes publiques est désormais endémique, les employés communaux ne reçoivent plus leur salaire depuis des mois – pour certains depuis plus d’un an et demi – et vivent d’aumônes. Les Juifs ultra orthodoxes réussissent à affronter la pauvreté grâce à un réseau de solidarité entre les religieux, assurant au moins un repas par jour aux personnes âgées et aux enfants. Les laïcs, au contraire, doivent s’arranger comme ils peuvent avec les prix élevés des denrées alimentaires. Pour des centaines de milliers d’Israéliens, tout le reste, c’est-à-dire les vêtements et les divertissements, n'est plus qu’un rêve. En septembre dernier, le salaire moyen brut était de 7.075 shekels (= 1.250 €). En novembre, il n’était plus que de 6.819 shekels, et 27% des travailleurs israéliens gagne la moitié d’un salaire moyen (données du Bureau Central de statistiques).

 

Pendant ce temps-là, à Efrat, Maale Adumim, Ariel, Immanuel, Elon Moreh et dans toutes les colonies juives (sauf celle de Beitar Elite), le standard de vie est élevé et les préfabriqués sont peu à peu remplacés par de vraies maisons. Ceci grâce aux encouragements et aux subsides du gouvernement, aux détractions fiscales, aux écoles et aux transports presque toujours gratuits.  

Alors, en Israël comme ailleurs, les pauvres attendent désormais que les gens aisés comprennent leur protestation et solidarisent avec eux…..

(Sources : Il Manifesto)
 


Un pays neuf où tout était à construire, des personnes instruites qui savaient ce qu’est la souffrance et qui avaient carte blanche, d'énormes financements, loin de la bureaucratie et des lourdeurs des structures d’un vieux pays, des gens de toutes les nationalités arrivés pleins d’espoir et prêts à tous les efforts….. Ne devait-on pas s'attendre à une société meilleure ? Au lieu de cela, un peu plus de cinquante ans plus tard, Israël en est au même point que les plus vieux pays du monde. Tout y est identique : l’injustice, la pauvreté, les privilèges, la cruauté, les abus, les mensonges, le vol, l’arrogance, l’indifférence….

 

Et on reproche aux pays du Tiers-Monde d'être incapables de s'en sortir... N'est-ce pas plutôt que l’homme, hélas, est incapable de faire le moindre progrès ?

 

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* Quartiers pauvres du vieux Jérusalem.

 

Petite anecdote entendue ces jours-ci au cours d’une émission historique sérieuse : les parents de Sharon, originaires de l’Azerbaïdjan, tous les deux avec une profession libérale, ont émigré en Palestine avant la création d’Israël. C’était, paraît-il, des gens plutôt fermés et désagréables, liant peu. Comme tous ceux qui arrivaient, ils ont commencé par habiter dans un kibboutz. Au moment de la distribution des terres, ce sont les seuls qui ont immédiatement entouré leur terrain avec une palissade, cherchant à l’occasion à grignoter quelques centimètres sur les terrains voisins….

 

Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 27 Février 2004, 18:18 dans la rubrique "Actualité".