A mon avis, toute comme la liberté et l’égalité, la « justice » n’est qu’un concept inaccessible. La plupart des torts infligés, surtout quand ils ont touché des personnes, est absolument irréparable quand le mal est fait. Payer le dû que vous réclame la société ne vous absout en aucun cas, quand le mal est fait. Alors quand il y a eu génocide, nettoyage ethnique…. Faut-il baisser les bras pour autant ? L’Occident a cru bon de créer
« Scheveningen, c’est la plage de
L’heure du foot
A l’intérieur, les plus hauts moments de tension ont lieu autour des matchs de foot. Foot à cinq. Une fois, Mladen Natelic, dit « Tuta », a commis une mauvaise faute sur Vojislav Seselj, dit « Voja » ; en se jetant à terre de tout son poids, il a fait trembler la salle de sport. Jambe qui saigne, coup de sifflet pour la faute et la polémique de toujours entre Croates et Serbes à propos de ceux qui tapent le plus et les premiers. C’est comme de revenir au Stade Maksimir de Zagreb au cours du match historique entre
En cette année 2008, au centre sportif de la prison hollandaise de Scheveningen en Hollande, la jambe qui saigne, c’est celle du corpulent Seselj, Serbe parmi les Serbes, ancien vice-premier ministre de Milosevic, ancien secrétaire du parti ultranationaliste et ultra radical en deuxième position aux élections de ce dimanche en Serbie, mais prêt à former sa majorité de gouvernement. Contre lui, les mises en boîte de ce maigrichon de Natelic, Croate d’Herzégovine, moins intellectuel mais nationaliste tout aussi acharné des récentes guerres des Balkans. Une ébauche de l’antique esprit yougoslave, fait d’ironie, mise en boîte et cohabitation essentielle. Comme si les deux groupes « sportifs » de l’heure de la promenade, retombés dans l’enfance du collège carcéral, tous accusés de crimes de guerres, voulaient revenir à
Les cellules de Scheveningen sont confortables.
Chambre à coucher, petit séjour avec une chaise, une table, la télévision et, sur demande, un ordinateur. Dans la salle commune, un téléphone à carte. Un logement décent trois étoiles. Les douches, malheureusement, sont en commun, tout comme l’espace que, de
Les soins personnels. J’ai entendu la femme d’un détenu illustre demander à son mari, au téléphone, s’il avait fait sa lessive et repassé ses chemises. Si jamais un jour ces gens-là recouvrent leur liberté, ils seront certainement des hommes plus humbles.
Repas aux horaires d’hôpitaux. Ou la cantine de la prison ou, à tes frais, une commande hebdomadaire de matières premières. Ceux qui en sont capables cuisinent. Les plus doués sont les Croates, peut-être à cause de leur voisinage avec l’Italie, et les Serbes qui ont été soldats. Cellule et sieste durant les heures de repas des surveillants, puis sports, heure de promenade et autres activités. Par exemple, Seselj et Natelic qui sont dans la même section, jouent aux échecs pendant des heures. A présent, le leader ultranationaliste serbe est bien embêté. Il vient de perdre son Croate préféré, condamné définitivement à 25 ans de prison et transféré, pour expier sa peine, dans une prison du nord de l’Italie. Une nouvelle !
En prison, ces gouvernants accusés d’avoir armé des assassins et des criminels miraculeusement transformés en patriotes, ce bel échantillonnage de protagonistes de dix ans de carnage balkanique, tendent à ressembler à autant de Peter Pan de
Quinze « hôtes » par bloc, à Scheveningen, détention rigoureusement interethnique, espaces communs, et puis, durant les deux heures journalières de promenade dans la cour, les rencontres avec leurs collègues des autres sections. Si ce n’est pas de
On me raconte que Milosevic aussi jouissait d’une grande considération parmi les autres détenus. Il en a fait du bruit, en mars 2006, le faire-part du décès de Milosevic, mort en prison le jour d'avant, accompagné des condoléances pour leur « compagnon de L
Une curiosité pour nous Italiens-Vaticanisés : les chambres carcérales pour rapports sexuels, pour favoriser, autant que possible, leurs pratiques entre personnes de sexes différents. Petite cellule étroite, mais avec un lit à deux places. Le détenu avec sa compagne en visite se présente au surveillant, retire des draps propres et s’enferme dans l’alcôve carcérale. Une heure, ce qui n’est pas peu. On me dit qu’à présent les enfants de Scheveningen sont nombreux. Un papa joue avec son petit garçon en visite et, en bon Croate, il le câline avec des « mon petit Oustachi ». L’enfant, désormais éduqué à l’école de Yougo-Scheveningen, se moque de lui : « Non, moi petit Tchetnik », à semer la confusion entre les nationalismes qui ressemblent désormais à des caricatures contraposées. Quand la sonnerie pousse le groupe des visiteurs vers le chemin de la sortie, la femme bosniaque, encombrée d'un autre enfant de Scheveningen en route, a du mal à tirer derrière elle le petit garçon de trois ans qui finit avec bonheur dans les bras du Serbe « Tchetnik » qui s’en charge. Yougo-Scheveningen résiste également hors des murs de la forteresse, semblables à ceux du Moyen-âge. Tout le monde a le numéro de téléphone de tout le monde. Après le carnage sur le terrain, les échanges de solidarité carcérale sont impératifs, en même temps que l’échange de courtoisies à l’intérieur.
Les manières courtoises
Pas un anniversaire ou une fête du calendrier qui ne devienne l’occasion d’une Yougo-Courtoisie. Pour son récent anniversaire, Ante Gotovina, le général croate, ancien caporal de
Il y a quelques temps, me raconte une de mes « sources », quelqu’un a assisté à un litige à l’intérieur de la partie serbe qui, grâce à l’ex Procureure Carla Del Ponte, est largement majoritaire. Un ancien administrateur local discute avec une ancienne autorité du gouvernement national : « Pourquoi as-tu toujours rejeté mes demandes de financement pour restructurer les écoles maternelles et primaires ? » « Si tu nous avais demandé d’améliorer les prisons, les fonds, on te les aurait donné tout de suite. Tu ne croyais quand même pas que la fête finie on nous renverrait à l’école ? »
Boutade amère qui cache d’énormes souffrances, pour les Balkans tout entier, mais aussi à l’intérieur de Yougo-Scheveningen. Encore plus de bouches amères après le test belgradois des récentes élections serbes, avec la participation annexe des résistants serbes du Kosovo, en suivant les mêmes personnages qu’hier, ceux qu’on n’arrive vraiment pas à se figurer comme les constructeurs d’un avenir crédible pour ces pauvres Yougo-Balkans ; à Belgrade comme à Bruxelles. Tandis que pour former le nouveau gouvernement serbe, la seule certitude qui émerge, c’est le dédouanement, non seulement mais pas tant des « nationalistes », ou encore des soi-disant « philo européistes », du Parti socialiste qui fut celui de Slobodan Milosevic. »
Ennio Remondino, «
Traduction de l’italien par ImpasseSud
Par rapport aux crimes commis, y a-t-il dans tout cela la moindre justice ?
Mise à jour du 22.07.08 : Lire le premier commentaire
Mots-clefs : Justice, Guerres, Europe, Sujets brûlants, Société
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Karadzic enfin arrêté
Lire l'article dans Le Monde : Le Serbe Radovan Karadzic, inculpé de génocide, a été arrêté
"Le président de Bosnie-Herzégovine, Haris Silajdzic, a souligné qu'"il s'agit au moins d'une satisfaction pour les familles des victimes" mais que "le projet de nettoyage ethnique [entrepris par Karadzic et Ratko Mladic] est toujours vivace". "Justice a finalement été faite. Le criminel sera finalement confronté à ses faits", a déclaré à l'AFP à Sarajevo une responsable de l'association des Mères de Srebrenica. Le parti au pouvoir en République serbe de Bosnie s'est réjoui de cette nouvelle : "Il est important qu'il soit traduit en justice pour en finir avec la honte pesant sur les Serbes, qui sont les otages de sa culpabilité.
L'arrestation de Karadzic, "un jour très important pour la justice internationale"
L'inculpé, qui sera très vite transféré à la prison de Scheveningen pour y être jugé devant le Tribunal International, a qualifié la situation de "farce". Je ne sais pas si c'est vraiment le cas, mais cela me donne envie d'aller lire le "Paix et Chatiment" de Florence Hartmann, où l'auteure, ancienne correspondante en ex-Yougoslavie du journal Le Monde de 1990 à 2000 et porte-parole de Carla Del Ponte de 2000 à 2006 révèle "les attitudes équivoques des puissances démocratiques face à une justice internationale émergente".