Il y a des jours où la vie file, tranquille, sans anicroches. Vous-même et tous ceux qui vous entourent font ce qu’ils doivent faire, s’il y une joie ou du plaisir, vous en jouissez sans arrière-pensée, s’il y a un petit problème, vous le résolvez facilement, s’il y a un gros problème vous vous y attaquez immédiatement, avec décision. Mais quand il y a dissensions, litiges, catastrophes annoncées, le pire qui puisse s’y ajouter, c’est d’avoir raison.
Voilà des années que je conduis ma propre voiture. Au début, j’ai eu des petits accrochages, en ville plutôt, mais jamais rien d’important. Si j’avais tort, et bien mon assurance faisait son devoir. Si j’avais raison, elle le faisait déjà un peu moins bien, se contentant de la partie épistolaire, mais me laissant combattre contre l'indolence de la partie adverse. Rien de vraiment traumatisant dans tout cela, car les affaires d’aile ou de pare-choc ne sont jamais dramatiques. La leçon que j’en ai très vite tiré, cependant, c’est que je préférais nettement être dans mon tort, car il me suffisait d’aller porter la voiture chez le carrossier, d’organiser ma vie différemment pendant quelques jours, et tout finissait là.
En plus, au fil des années, l’expérience m’a appris, - comme à tout conducteur qui se respecte, je suppose -, que l’important c’est d’éviter les accidents, quels qu'ils soient et à tout prix. Non seulement il faut conduire correctement car on n’a pas le droit d’être un risque ambulant, mais, en plus, il faut prévoir les réactions des autres et leurs éventuelles erreurs ou distractions, et surtout s’ôter de la tête que « le droit » et « la raison » seront vos alliés. Le gros problème, c’est que seule l’expérience est capable de vous enseigner cette évidence, et me revoilà donc à combattre pour les « raisons » de la génération suivante, plus grosses que les miennes en son temps parce qu’il s’agit de « raisons masculines ». Et non seulement c’est épuisant, mais c’est coûteux. Ce n’est pas par hasard que les compagnies d’assurance offrent des tarifs majorés pour les jeunes ou, pour certaines, des tarifs réduits pour les femmes.
Ici, je me suis limitée au chapitre des accidents de la route, mais, bien souvent, avoir raison est une cause de stress, et, même à petite dose, cela vous empoisonne l’existence. Cela signifie qu’il faut fatiguer pour le prouver, pour faire valoir ses droits. Parfois cela donne naissance à des froids, des inimitiés, vous faisant même des ennemis, car personne n’aime que ce soit les autres qui aient raison, les témoins des propres erreurs sont toujours gênants. Et quand, à priori, vous êtes contraint à évaluer ou même à donner votre avis négatif à propos d’un choix, d’une situation, futurs, souhaitez de toutes vos forces que le sort se garde de vous donner raison ! Avoir raison face à un échec, quel plaisir, quelle satisfaction cela apporte-t-il ? Car, bien loin de vous savoir gré de votre prévoyance ou de votre bon sens, on vous accusera presque d’être un oiseau de mauvaise augure ou d’avoir eu une influence négative. Bien sûr, il existe des circonstances où il est très important de lutter pour démontrer qu’on a raison, il y a même des cas où une issue victorieuse, lumineuse, récompense vos efforts au centuple, mais en général il s’agit de cas où c’est vous qui, délibérément, avez entrepris la lutte pour obtenir le meilleur, parfois même contre des avis défavorables ou contre vents et marées.
Pour le reste et surtout quand il y a des risques, croyez-moi, dans la vie il vaut mieux avoir tort. Le tort, on peut essayer de le réparer, mais la raison c'est le début d'un chemin de croix.
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Commentaires et Mises à jour :
Re: Tort ou raison ?
Pierre, merci pour ton témoignage.
Après avoir publié mon article, écrit, il est évident, sous un coup d'humeur, je me suis rappelée un grand nombre de circonstances où, malheureusement, j'ai eu raison. Toi, tout comme moi dans mon article, tu évoques un accident de la route, évènement lié au hasard. Mais dans la vie, il y a des tas de circonstances où il faut prendre des risques. Ce que je n'aime pas, ce sont les risques idiots (quels que soient le genre), dont les conséquences fâcheuses sont prévisibles à 99 %. Il serait donc normal de les éviter ou d'en modifier la portée. Et quand, au contraire, tout finit bien, rien ne peut nous faire plus plaisir que d'avoir eu tort dans nos prévisions.
Tort ou raison ?
Tu as touché du doigt un problème crucial, ImpasseSud. Je n'ai pu m'empêcher, en lisant ton article, d'avoir une pensée profonde pour des gens qui sont restés dans mon estime. Un couple simple et humble, dont le mari semblait avoir accompli l'apogée de sa carrière puisqu'il venait de quitter un poste de directeur du CHD de la Réunion, brillamment réussi, pour une affectation similaire à Tahiti. Son départ fut fêté avec joie et regret. Il sont partis prendre leur congés en France métropolitaine, voir leurs familles respectives, avant la grande aventure du pacifique!
Mon coeur fut serré et j'en ai voulu à ce camion fou qui leur a coupé la route, sur une nationale de France, les envoyant immédiatement dans " l'autre monde " sans sommation, eux qui avaient tort de se trouver sur son chemin.
Tu parlais d'avoir toujours tort et eux avaient raison! Celui qui avait tort, s'en est sorti, donc ImpasseSud, tu as raison...il vaut mieux avoir tort parfois!