Même ceux qui ne l’on jamais parcourue ont déjà entendu parlé de la Via Appia, cette ancienne voie romaine aujourd’hui route nationale. qui relie Rome à Brindisi. Ce n’est qu’une minuscule portion de l'immense réseau (150.000 kilomètres?) de voies de communication dont disposait l’Empire Romain au moment de son apogée. Une partie d'entre elles a été reprise par l’Europe du Moyen Age où les gens n’avaient pas peur de voyager malgré l’inconfort et les bandits de grand chemin. Les meilleurs exemples qu’il en reste aujourd’hui sont la « Via Francigena » et le « Chemin de Saint Jacques de Compostelle ».  

La première prend ce nom à la fin du premier millénaire : aux alentours de l’an 990, Sigeric, archevêque de Canterbury, se rendit à Rome pour recevoir l’investiture. Il mit deux mois pour parcourir les 1.600 kilomètres qui séparent les deux villes, et durant son voyage de retour, il annota  minutieusement dans son journal tous les détails relatifs aux 80 étapes qui la composent. Elle fut ensuite empruntée par les marchands, mais aussi par tous ceux qui, pèlerins ou croisés, désiraient se rendre à Jérusalem et allaient s’embarquer à Brindisi. Le second a plusieurs tracés qui partent tous de la France ou de l’Espagne, pour aboutir à Saint Jacques de Compostelle, ce lieu de la Galice où on aurait découvert, en période d’occupation arabe, le tombeau de l’apôtre de Jésus, « Jacques le Majeur”, évènement suivi de la "reconquête". 

Ces différents parcours font désormais partie des « Itinéraires Culturels du Conseil de l’Europe », et ils ont vu naître un regain d’intérêt après des siècles d’abandon, suite aux Journées mondiales de la jeunesse à Saint Jacques de Compostelle en 1989 pour le second, et au Jubilé de l’an 2000 pour la première. Pour ma part, je serais heureuse d'avoir l’occasion de parcourir à pied un tronçon de l'une de ces voies, dégustant à petites doses un peu de cette paix et de ce silence dont ils doivent être emprunts et qui manquent tellement à la vie d’aujourd’hui. Alors, je n’ose pas imaginer la joie que j’éprouverais en découvrant une petite tranche des 45.000 kilomètres de routes tracées par les Incas, et que l’Equateur, après le Pérou, a décidé de restaurer.

La voie principale mesurait 6.600 kilomètres et leur permettait d’aller de Pasto (au sud de la Colombie) jusqu’au Nord de l’Argentine. Le réseau routier inca s’est développé au fur et à mesure que l’Empire s’étendait. Son but était de permettre l’établissement de relations commerciales entre les populations, et de contrôler les vallées et les rivières qui fécondent la région. Les voies mesuraient jusqu’à 3 mètres de large et s’adaptaient à la géographie de la zone qu’elles traversaient. Elles étaient faites de blocs de pierre, encore visibles aujourd’hui, maintenus par un mélange d’argile, de graviers et de plâtre qui remplissait la même fonction que le ciment utilisé à l'heure actuelle dans la construction.  Grâce au “Chemin de l’Inca”, les messagers de l’Empire, qui étaient d’excellents coureurs, pouvaient parcourir jusqu’à 200 kilomètres par jour et relier la côte du Pacifique aux Andes en quelques heures. “Ils ont fait le chemin en marchant”, écrivait le poète espagnol Antonio Machado (1835-1939). On dit que l’Inca pouvait, dans les montagnes, déguster du poisson frais et des spondyles (coquillages) pêchés le jour même. Tous les 5 kilomètres, le long du chemin, se dressent des petites constructions, les "tambos", sorte d’auberges royales où les "chasquis" (les infatigables coureurs) se reposaient et remettaient les messages au coureur suivant. Les tambos situés tous les 20 kilomètres sont plus importants.

Cinq siècles plus tard, on est en train de redécouvrir d’immenses vestiges de ce réseau. Aujourd’hui, au Pérou, on peut déjà  parcourir à pied  l’Incañan (le sentier impérial), qui se trouve à 4.000 mètres d’altitude, et en Equateur, il y a deux ans, on a instauré le projet « Route de l’Inca ». « La consigne est que les pays qui ont hérité du Chemin de l’Inca se doivent de le restaurer. »  

En attendant, moi, ça me fait rêver.

 
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