Je peux me tromper, mais il me semble que les attentats de Madrid ont atteint chacun d’entre nous de façon bien plus profonde que ceux du 11 septembre. Pour ma part, cette fois-ci je me suis sentie réellement concernée, tout comme beaucoup d’Européens. J’en veux pour preuve que tout le monde en parle, tout le monde a une opinion, personne ne reste indifférent, et on entend et on lit de tout, différents avis et leurs contraires, toujours appuyés, l’un et l’autre, par un raisonnement valable. La question posée aujourd’hui par Le Monde n’est qu’un indice de plus dans cette situation qui a effectivement des aspects ambigus.
La première décision du nouveau gouvernement espagnol a été d’annoncer son intention de retirer ses troupes d’Irak dès le mois de juin. Cette décision vous paraît arriver…
1) au bon moment, le nouveau gouvernement répond au souhait des Espagnols ?
2) un peu tôt, cela pourrait être interprété comme un signe de faiblesse par les terroristes ?
Pour ma part, je suis d’accord avec la première proposition. Bien sûr, à priori cela n’implique pas forcément que ceux qui choisissent la deuxième réponse ait tort, ou que moi-même je sois en tort par rapport à eux. Certains diront même que les deux réponses sont valables, et ils ont raison. Mais la question est là, justement. Dans la vie, il y a des situations où la rhétorique n’est plus de mise, où les décisions ne relèvent plus d’un jeu, mais où il faut savoir se situer, savoir ce que l’on veut. Comme on dit, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
Lors de la catastrophe de Nassiriya, en Iraq, où périrent 19 carabiniers italiens, les réflexions qui m’ont le plus choquée ont été celles qui ont nié le droit à la protestation, disant que « ce n’était pas le moment des polémiques », alors que toute l’Italie était profondément bouleversée, et d’autant plus bouleversée que la majorité des Italiens aussi est contraire à la participation à la guerre en Iraq. Alors, croyant choisir la voie de la décence et du respect, tout le monde s’est tu. Mais moi je ne pouvais pas m’empêcher de penser : « Mais alors, le « bon » moment pour protester, pour choisir, c’est quand ? Quand la vie aura repris son cours, que tout le monde aura oublié et que d’autres morts viendront s’ajouter aux premiers ? »
La catastrophe espagnole, hélas, est d’une toute autre portée. D’une part, elle s’est produite en Europe et, ensuite, elle a tué des civils. En Espagne, cependant, personne n’a demandé le silence politique, le respect des morts. Au contraire, les Espagnols ont réagi, en bloc, demandant la vérité, avec beaucoup d’autorité et une grande dignité. Et ensuite, ils ont agi en conséquence, immédiatement, en optant pour ce qu’ils croyaient juste, depuis plus d’un an. Quand l’erreur est flagrante, je ne crois pas que le plus important soit de savoir ce qu’en penseront les autres, mais plutôt d’essayer de la corriger, justement, pour rendre ces morts un peu moins inutiles. Et ceci, même la droite espagnole l’a compris. Elle a perdu aux élections, mais il ne me semble pas qu’elle ait eu la mauvaise foi d’avancer la deuxième réponse. Aujourd'hui, je serais fière d’être Espagnole, car l'Espagne a démontré que la démocratie n’est pas morte.
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Il est très bien également que l'Espagne saisisse cette occasion pour se rapprocher à nouveau de l'UE dont elle s'était éloignée.
La proposition 1 me semble également en effet prépondérante, et l'attitude du 'peuple' espagnols constructive, patriotique, démocratique. Oui.