J’ai beaucoup aimé l’article de Rémy Ourdan, paru dans Le Monde du 14 novembre dernier : « Le prix des morts inutiles ».  Il met en évidence le fait que face à une situation critique ou même dramatique, face à la guerre, tous les hommes, même les militaires, n’ont pas le même comportement. Certains continuent à faire des cartons parce que la définition même du mot « guerre » leur en donne l’occasion, ou, plus exactement, les couvre, tandis que d’autres ne font la guerre que pour chercher à ramener la paix.

Telle est la différence entre deux colonels américains en Iraq. D'un côté, le colonel Bryan P. McCoy qui aime répéter la phrase suivante : « Ce sera fini lorsque le dernier mec combattant pour Saddam aura des mouches traversant ses globes oculaires. Sherman a dit que la guerre, c'est la cruauté. Il n'y a aucune raison de la redéfinir. Plus cruelle elle est, plus vite elle est finie.". De l’autre, le colonel Chris Hugues qui, face à une foule iraquienne menaçante, donne aux soldats de son bataillon un ordre bien différent : "Un genou à terre ! Armes pointées vers le sol ! Sourires !". Le premier obtient une recrudescence de la violence à Fallouja et un nombre impressionnant de morts, Iraquiens et Américains. Le second étonne la foule, abaisse le niveau d’agressivité et quand les soldats font signe qu’ils vont quitter les lieux, la foule les accompagne à grand renfort de félicitations pour leur victoire contre le régime de Saddam et de tapes fraternelles dans le dos.

Le colonel McCoy s’était déjà « distingué » pour la brutalité injustifiée de son bataillon au Kosovo, puis en Afghanistan, et maintenant il continue en Iraq.

Alors, est-ce l’occasion qui fait le larron ou le larron qui cherche des occasions ? Mon but n’est pas d’entrer dans des considérations manichéennes, et je suis loin de croire qu’il n’existe aucune rédemption possible. Je sais très bien également que les hommes « bons » ne font pas que le bien et qu’eux aussi font des erreurs. Mais il ne fait aucun doute qu’il existe des êtres humains qui, dès qu’ils ont un pouvoir entre les mains, l’exercent de façon arrogante voire sadique, dispensant autour d’eux douleur et haine.

Mais à quoi bon ces considérations ! En Iraq, les Américains ont recommencé à bombarder. De nuit, ils bouclent des quartiers entiers, jetant les femmes et les enfants dans la rue. Je voudrais pouvoir rassurer Riverband qui se trouve là-bas, la serrer dans mes bras, lui dire que rien de tout cela n’est vrai, qu’il ne s’agit que d’un cauchemar et que, quand elle se réveillera, son pays sera sur le chemin de l’espoir, de la reconstruction, d’un avenir meilleur. Comme si le cauchemar précédent, avec ses interminables pannes d’électricité, son eau au compte goutte, ses brutalités, etc… ne suffisait pas. C’est grâce à un générateur qu’elle tient son blog :

“You really can't appreciate light until you look down upon a blackened city and your eyes are automatically drawn to the pinpoints of brightness provided by generators… it looks like the heavens have fallen and the stars are wandering the streets of Baghdad, lost and alone.”   

(Il vous est impossible d'apprécier vraiment la lumière jusqu'au moment où vous regardez du haut en bas une ville plongée dans le noir et que vos yeux sont attirés automatiquement par les plus petits points lumineux fournis par des générateurs… C’est comme si le ciel était tombé et que les étoiles vagabondaient dans les rues de Bagdad, égarées et seules.)

Ce soir, si vous regardez le ciel,  pensez-y.

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