Que vous ne connaissiez pas Giorgino n’a aucune importance, il vous suffit de savoir qu’il s’agit d’un personnage réel. 39 ans, beau gosse, des cheveux châtains dont une mèche souple retombe sur de magnifiques yeux bleus, un sourire charmeur, extrêmement brillant et sympathique, Francesco Giorgino est non seulement professeur universitaire, mais vice rédacteur en chef du service journalistique à RAI 1 (télévision publique italienne) et conducteur du journal de 13 heures. On raconte qu’un certain M. Ber*lusconi ne serait pas étranger à sa rapide ascension au sein du gotha de l’information. Cependant, dans le climat plutôt sombre qui règne en Italie, il fait tache parmi l’ensemble de ses collègues, pour la plupart rampants, craintifs ou sans vergogne, car il continue à dire ce qu’il pense. En mai dernier il semble même qu’il soit allé un peu trop loin en accusant publiquement son directeur de manipulations de l’information car il a disparu du jour au lendemain. Oh ! on s’est contenté de le suspendre. Depuis quelques jours cependant, Giorgino a retrouvé son poste, et au cour du JT d’hier. il a recommencé…. à propos du vol de la flamme olympique.
Ce vol a eu lieu à Trente, lundi soir, alors que, dans les mains de la championne italienne du 1.500 mètres, elle poursuivait son Tour d’Italie à travers les rues de la ville, avant d’arriver à Turin le 10 février prochain pour l’ouverture des XXe Jeux Olympiques d’hiver. Quatre « désobéissants » la lui ont carrément arrachée des mains et se sont enfuis avec. Bien entendu, entre coureurs de toute sorte et la police présente sur les lieux, il n'a pas fallu plus de quelques minutes pour la récupérer. On l’a donc remise dans les mains de notre championne qui a repris sa course à l’endroit où elle avait été interrompue.
Inutile de dire qu’un tel incident a soulevé un immense chœur de protestations, et notre championne a commenté : « Je n’ai pas vraiment eu peur, j’ai plutôt été surprise. Toucher à la flamme olympique est un geste absurde, qui démontre une grande ignorance : c’est un symbole universel de paix….. La flamme est un symbole pour tout le monde, des enfants aux personnes âgées, je ne pensais pas que quelqu’un pouvait l’attaquer ».
Les quatre « désobéissants » ont été arrêtés et ils sont en prison. Mais, contrairement à l’ensemble des JT qui mettent désormais tous les mécontents dans le camp des méchants, savez-vous comment Giorgino a conclu son récit ? En ajoutant que si les « désobéissants » avaient fait cela, c’était pour protester contre la caravane des sponsors qui suit cette fameuse flamme dans toutes les villes.
« Giorgino », ai-je pensé immédiatement, « tes heures sont comptées ! »
En attendant, il fallait que j’en ai le cœur net. Comment se faisait-il qu’on nous fasse part des « motivations » qui avaient déclanché cet acte ? C’est ainsi que j’ai eu la confirmation que Giorgino avait frappé juste, une fois encore. Dans la quinzaine de journaux en ligne que je suis allée consulter, il n’y avait pas un seul mot à propos de cette « motivation ». Par contre, j’y ai découvert que, sans qu’aucun JT n'en ait parlé, le passage de la flamme et de sa caravane de sponsors avait déjà été contestée dans quatre villes dont Gênes, que le Val di Suza refuse son passage, et que, pour finir, c’était surtout la fête de Coca-Cola, sponsor officiel de ces JO, et de bien d’autres marques.
Coca-Cola, symbole universel de paix ? Demandez aux habitants de
Surtout, qu’on ne se fasse pas d’idées fausses, Giorgino n’est ni un activiste ni un saint. C’est au contraire un personnage qui soigne énormément son image. Mais profiter du piston dont on jouit probablement en sous-main pour être un peu plus honnête que les autres, ce n’est quand même pas si mal. Alors Bravo Giorgino !
Mots-clefs : Europe, Société, Médias, Multinationales, Italie
Commentaires et Mises à jour :
Re: par pure curiosité
Je te propose celle-ci, celle-ci et celle-là
Qu'en penses-tu ? En ai-je fait une bonne description ? :-)))
Hymnes nationaux, lever des couleurs, médailles, défilés, uniformes, et que le meilleur gagne, ça vous rappelle rien ? Ce n'est pas par hasard que les jeux sont régulièrement détournés pour des motifs politiques. Sans parler des jeux de Berlin qui furent l'apogée des JO "pacifiques", la guerre froide, le black power, le terrorisme et maintenant les grandes multinationales les ont utilisés pour des motifs ni pacifiques ni sportifs.
Faire des JO un symbole de paix est absurde. C'est une transposition de la guerre où personne ne meurt, certes, mais sûrement pas un modèle pour la paix. Le jour où les athlètes seront applaudis pour eux-même et pas pour la nation qu'ils représentent je serais convaincu.
Je ne parle pas de la partie sportive qui m'émeut souvent. Le spectacle de ces athlètes qui consacrent toute leur vie à cette seule émotion de la victoire est prenant. C'est le décorum qui m'écoeure.
Alors, si j'étais plus jeune et plus fougueux, je me mettrais à courrir derrière le porteur de la flamme, déguisé en clown Ronald (celui du Mc Do) obèse en portant un hamburger orné d'une fausse flamme en plastique. Il est urgent que les JO s'éloignent autant du nationalisme que du mercantilisme. Les athlètes viennent en leur nom et la télé paye pour le spectacle. Et rien d'autre.
Re:
La suite...
Hier il y a eu de nouvelles protestations sur le parcours de la flamme olympique, à Bergame, à Milan et à Brescia, qui ont contraint les organisateurs à des modifications. Je l'ai appris par un JT et on a même interrogé une des protestataires qu'on a laissé dire qu'on ne peut pas associer les JO à la paix quand parmi les sponsors il y a des vendeurs d'armes.
Giorgino n'avait-il pas raison ? Non seulement il est toujours en place, mais il a fait tache d'huile. N'a-t-il pas démontré que pour garder sa place, il n'est pas nécessaire de se comporter en courtisan de bas de gamme.
par pure curiosité