L’épidémie progresse (1) et les médias s’en repaissent, comme d’habitude : avant-hier, j’ai entendu un journaliste définir cette boulimie comme « première vague de pandémie médiatique ». L’OMS continue à lancer ses avertissements à échelons, impuissante comme d’habitude. Quant aux gouvernements, pris de court comme d’habitude, et effrayés par les possibilités de panique, ils s’affèrent à bafouiller dans le flou, mais d’un ton catégorique, cela va de soi. Au sein de l’Union Européenne, aucune réaction commune, comme d’habitude. Chaque pays a fourni ses propres informations, mais suite aux comportements disparates adoptés lors de la catastrophe de Tchernobyl ou de l’épidémie de SRAS, personne ne sait à quoi se fier. Par contre, ce qui est unanime à ma connaissance, c’est le fait qu’aucun des Etats européens n’a eu le courage de prendre immédiatement la « seule décision » en mesure d’arrêter la contagion, ou presque.
Dans le cas présent,
vu que dès le début on connaissait les foyers de la maladie,
vu que dès le début on connaissait le mode de contagion (voies respiratoires),
vu que dès le début on connaissait le temps d’incubation (environ 7 jours dont au moins 1 durant lequel on est déjà contagieux),
vu qu’au début il n’y avait aucun cas en Europe,
il suffisait que chaque pays mette immédiatement sur pied un système de quarantaine pour tous ceux qui arrivaient des régions infectées, sur des navires de croisière ou dans des casernes avec des unités sanitaires sur place. Sept à dix jours de quarantaine, ce n’est pas si terrible.
Pourquoi cet état de non-prévention camouflée sous de le terme de "vigilance" ? Quel type de vigilance ? L'alerte des services hospitaliers des maladies infectieuses ? Ne le sont-ils pas constamment ? Masques à bord des avions en provenance du Mexique, éventuel remplissage de fiches, distribution de feuillets avec des « normes de précautions », mais sans aucun contrôle à l'arrivée (en tous cas ni à Madrid, ni à Milan ) ? Réclamer tardivement l’interruption éventuelle des rapports aériens avec le Mexique ? A condition que cela serve à quelque chose, car il y a toujours moyen d'arriver d'ailleurs.
Au lieu d'une sérieuse attaque frontale, on a préféré enrober les cas, éviter les permanences en premières des "Une" pour leur donner moins d'importance. Ensuite, on a laissé que ces gens-là rentrent dans leurs familles, qu’ils utilisent les transports en commun, qu’ils aillent au travail, qu’ils fassent leurs courses dans les supermarchés, etc… en somme que, en cas d'incubation silencieuse ou de maladie à ses débuts, ils aillent la diffuser autour d’eux, inconscients de jouer le rôle de l’ « untore » (celui qui propage les germes d'une maladie) pour reprendre le mot du célèbre roman d’Alessandro Manzoni, « Les Fiancés », à propos d’une épidémie de peste au XVIIe siècle.
Maintenant, au point où nous en sommes, avec quelques cas un peu partout en Europe, je crains qu’il n’y ait plus grand-chose à freiner. Même si cette grippe n'est, comme on nous l'affirme, ni particulièrement virulente ni obligatoirement mortelle, les classiques épidémies annuelles n'étaient-elles pas déjà plus que suffisantes ? Vu le niveau de nos connaissances actuelles, vu nos possibilités planétaires d'information en temps réel, n'y a-t-il pas une bonne dose d'imbécilité dans le fait de laisser qu'une épidémie se propage sans rien faire de concret pour l'enrayer ?
Heureusement, il semble qu’il existe déjà deux antiviraux apparemment en mesure de la soigner. Les comptoirs pharmaceutiques qui les fabriquent doivent se frotter les mains, et les Bourses s'en donnent à coeur-joie, car pour pour elles, tout n'est qu'un jeu. Mais si les choses devaient s’aggraver, espérons qu’il y en ait assez pour tout le monde. En Italie, par exemple, le gouvernement a annoncé qu’on dispose de 40 millions de doses de Tamiflu. De quoi tranquilliser les Italiens, donc ! Mais ce qu'il oublie de préciser, c'est qu’il n’y a qu’ 1 million de doses prêtes à l’utilisation, en gelules : tout le reste se trouve sous forme de poudre, en vrac dans de grands barils, et il faudrait au moins quatre semaines pour les mettre en gélules. Acheté par l'Italie en 2005 (suite à l’alarme de la grippe aviaire), on aurait délibérément décidé de laisser ce médicament en l’état pour des questions économiques, parce que la mise en capsules coûte cher et que celle-ci ne permet plus de retarder la date de péremption.
Chaque époque perçoit ses malheurs selon les critères d'importance et de grandeur en cours. Si les pandémies du Moyen-âge étaient dues à l’ignorance, les problèmes de santé d’aujourd’hui sont, pour la plupart, dus à la vénalité, à l'avidité des riches. C’est à se demander à quoi sert l’instruction pour tous si elle ne sert pas à affiner nos propres perceptions, nos propres jugements ; si, malgré elle, nous continuons, comme des moutons ignares, à accepter qu'on nous tienne constamment sous le règne de la peur, nous incitant ensuite, en nous désorientant, à vivre dans un carnaval permanent ! Faut rigoler, faut rigoler… dit la chanson !!! Alors Vive le 1er mai et tous ses grands concerts live à ciel ouvert où chacun pourra, en s’éclatant (combien je déteste cette expression !), arroser ses voisins de gouttelettes de salive... Saines ou contaminées ? Qui vivra verra !!!!!
(1) Infographie régulièrement mise à jour sur Le Temps, sources AFP/OMS
Mots-clefs : Société, Médias, Sujets brûlants, Union Européenne, Italie, Europe, Amérique du Nord, USA
Commentaires et Mises à jour :
Re:
"Le partage des antiviraux atténuerait la pandémie"
C'est tout du moins ce pensent les chercheurs qui ont travaillé sur des simulations de pandémie après l'épidémie de la SARS. Lire l'article dans Le Monde.
Dans cet article, on reconnaît finalement que le trafic aérien est un facteur déterminant de la diffusion de la maladie. Et que vu qu'on ne peut pas bloquer le trafic mondial qu'il faudrait "Eventuellement, une surveillance accrue des vols directs en provenance des zones touchées peut s'avérer utile. D'ailleurs, on peut observer aujourd'hui que presque tous les cas "importés" du Mexique proviennent de vols directs..."
En attendant à Hong-Kong, on n'a pas hésité à mettre les gens en quarantaine.
Quant aux antiviraux, il est évident que sur la Planète, leur stock est différent d'un pays à l'autre. Toujours dans le cadre d'une simulation, le partage des antiviraux dans toues les régions du monde diminuerait fortement le nombre des personnes touchées par la pandémie.
Si le mode de contagion s'est révélé exact (il n'était pas nécessaire d'être chercheur pour le voir), espérons qu'on tienne compte de la théorie favorable du partage des antiviraux, bien que le concept de "partage" soit loin d'être à la mode... libérale.
Italie, cas fantôme ou cas miraculeux ?
Depuis hier à midi, tous les médias italiens annoncent, avec délectation semble-t-il, que l'Italie a finalement "son" cas, mais qu'il est déjà guéri. Seulement que personne d'autre que l'Italie ne semble être au courant, ni la presse étrangère, ni l'OMS. Rentré du Mexique le 23 avril, le "malade" aurait été hospitalisé le 30 et était déjà guéri le 2 mai. Même s'il s'agit d'un cas réel mais bénin, pourquoi n'a-t-il pas été signalé à l'OMS ?
Dans ce pays où presque tous les médias sont au service (direct ou indirect) de Berlusconi, où un autre son de cloche est immédiatement recouvert des invectives les plus infâmantes, où personne ne fait état de la situation, où on nous laisse dans un flou sans information sérieuse ou normes de prévention, et où, pour devancer ses désirs, on est prêt à inventer un miracle (je ne plaisante pas !), je ne sais plus que croire.
Mise à jour du 04.03.2009 : en fait le patient a appris qu'il avait eu la grippe A par la télé. Alors était-ce bien ça ?
On a tout fait pour avoir une pandémie ? On l'a !!!
.... et Novartis vient d'annoncer que son vaccin est prêt. Une belle affaire de gros sous !!! Moi, je suis scandalisée, et toujours plus furieuse !
La pandémie ne peut désormais plus être enrayée
"16 JUILLET 2009 | GENÈVE -- Avec l’évolution de la pandémie 2009, les données nécessaires pour évaluer les risques, dans les pays touchés et au niveau mondial, changent. La pandémie, dans les pays déjà touchés et dans les autres, ne peut désormais plus être enrayée." Lire la suite ici
A se demander à quoi sert l'OMS ! Et si, en matière de contagion, on n'en est pas revenu au Moyen-âge.
A voir !
De son côté, hier, le sous-secrétaire à la santé du Ministero del Welfare italien (en Italie, le ministère de la santé a été supprimé par le gouvernement actuel) a recommandé à tous ceux qui rentraient du Mexique de rester au moins 7 jours chez eux. Vu le coût de la recommandation, ne pouvait-il pas la faire dès qu'on a commencé à parler de la possibilité d'une pandémie ?