Le regard des adorateurs est unique et identique, quel que soit le pays ou la culture. Il y a quelques semaines de cela, au cours d’une émission quotidienne d'approfondissement sur l’actualité que je suis bien volontiers pour son éclectisme et son sérieux, la journaliste qui la dirige recevait l’ambassadeur de Libye en Italie, pour obtenir des éclaircissements (la vidéo en it.) relatifs aux récents accords entre Kadafi et Berlusconi. Notre ambassadeur, ...
... un homme souriant d’environ quarante-cinq ans, le regard étonnement brillant, n’a jamais désigné son dictateur de président d’une autre façon qu’en l’appelant « il Leader ». « Il leader » par-ci, « il Leader » par-là. Pas le moindre « il Signor Kadafi », « Mouammar Kadafi », « il Colonello », « il Presidente », ou « il nostro Presidente ». Non ! « Il leader » et basta. Notion absolue, sans appel ni besoin d’explication.
La conversation était intéressante car les contentieux et intérêts communs à l’Italie et à la Libye sont d’importance, mais la journaliste, toujours excellente et qui ne perd jamais ses moyens, était sur le point d’éclater de rire, prise par un fou-rire irréfrénable qu’elle a sublimé comme elle a pu.
Ce regard étonnement brillant, cependant, pour ne pas dire magnétisé, hypnotisé, c’est le même que l’on retrouve ici chez tous les fans (le seul substantif approprié, à mon avis) de Berlusconi dès qu’on prononce son nom, qu'il s'agisse des jeunes femmes à qui il a fait cadeau d'un ministère, des membres de son parti ou du simple pékin. Cela va au-delà de l’admiration ou même du clientélisme. Il s'agit d'une foi, d'une fidélité, d'un amour aveugles, inconditionnels, sans plus aucun sens critique, de la réalité ou du ridicule. Populisme franchement lamentable et incompréhensible, quand, comme aujourd'hui, on ne fait pas partie de la clique extrêmement restreinte des riches entrepreneurs dont il défend les intérêts en même temps que les siens ou de ceux qu’il a aidé personnellement à émerger.
Toutefois, bien que l’Italie actuelle n’ait plus grand-chose d’une véritable démocratie vu que le peuple n'y élit même plus ses représentants au Parlement mais seulement des partis, il ne s'agit pas d'un retour au fascisme où le peuple parlait du « Duce » presque avec vénération. Entre temps, sa passion pour les Etats-Unis a américanisé les expressions. Alors, tout à coup, je me demande pourquoi ces mêmes fans n’ont pas encore eu l’idée de s'approprier, eux aussi, de cet appellatif exclusif parce qu'insécable et absolu de « Il leader » ? Cela lui ferait sans aucun doute plaisir, mais, en même temps, cela permettrait à ses opposants d'y ajouter toutes les notes satiriques sérieuses* qu'ils désirent.
* En opposition/complément avec le monde de la satire qui s'adresse déjà à lui en l'appelant "Sire".
Commentaires et Mises à jour :
"Trublion imprévisible et égoïste"
C'est ainsi que le "Palmarès Euro Tribune" 2008 a défini le "leader" italien, le relégant à la dernière place des 27 dirigeants de l'UE : lire l'article ici
"Le jury était composé de douze journalistes issus de neuf pays différents, et qui travaillent aussi bien pour la presse écrite que pour la radio ou la télévision. Ils ont tous attribué une note de un a dix sur différents critères, tels que le sens du leadership ou la sincérité de l'engagement européen, mais également sur les réponses apportées à plusieurs grands évènements de l'année 2008 : la crise financière, le conflit en Géorgie, le traité de Lisbonne et la lutte contre le réchauffement climatique."
La réponse de l'Italie à la crise est éloquente ! Sans oublier la suppression de toutes les subventions votées par la gouvernement précédents pour tous qui passaient aux énergies alternatives et à tout ce que cela implique, ou encore le veto dont Berlusconi menace l'UE si on ne lui accorde pas des accommodements sur le paquet "énergie-climat".
Leggere La scelta di una giuria di giornalisti europei : le foto