Ces derniers temps, je suis avec beaucoup d’intérêt ce qui se passe ici. J’aime la sincérité du ton. Je laisse parfois un petit mot, mais pas aussi souvent que je le voudrais parce que, par principe, je n’aime pas imposer les récits probablement ennuyeux de mon expérience. Si on peut effectivement transmettre des conseils pratiques ou techniques, je pense qu’il est bien difficile et bien présomptueux de s’immiscer dans l’état d’âme d’une jeune mère.
Par contre, ce que je sais, c’est que tout ce que je lis dans ces billets, je l’ai éprouvé, et je ne dois pas être la seule. Le temps qui vole parce que s’occuper d’un enfant (et là je me réfère à ses besoins physiques) c’est très prenant. Il s'agit d'un apprentissage sur le tas, où on a parfois peur de ses propres gestes. Même quand tout va bien, c’est un « emploi » sans horaires et sans règles fixes, dans lequel il faut cependant faire entrer tout le reste, c’est-à-dire les horaires et les besoins des autres membres de la famille et les extras, c’est-à-dire les visites (famille au sens large et amis) de gens que l’on aime bien, mais qui viennent quand même casser un rythme et un équilibre déjà si fragiles. On se retrouve donc bien souvent dans une situation ambiguë où bonheur intense et difficultés énormes sont intimement mêlés, le tout vous jetant parfois dans un désarroi insensé et agressif dont on se sent coupable, alors que l’on ne rêve que de douceur et de paix, pour ne pas perdre un seul instant de l’éveil de ce petit être qui vient juste de se détacher de vous, et qui en un seul instant a changé votre rapport avec le monde entier.
Mais le temps n’attend pas, et alors on apprend vite, les moments de confusion s’espacent et on s’organise. En dehors des petits accrochages de santé du bébé, on affiche même volontiers ce beau visage fier particulier aux jeunes mères. Certaines d’entre elles reprennent très tôt le chemin de leur travail, s’engageant sans le savoir dans une course contre la montre qui durera pendant des années, mais d’autres restent à la maison. Et le laps de temps qui manque aux premières pour souffler de temps à autre finit par peser aux secondes. Non pas qu’une mère au foyer ait peu à faire, - celles qui ont élevé leurs enfants en restant chez elles savent au contraire qu'on n'a jamais fini -, mais c’est le vide de contacts qui s’installe peu à peu. Cet enfant qui grandit et qui commence même à prendre de l’autonomie, surtout dès qu’il va à la maternelle, ces journées pleines sans rencontrer personne, ou personne d’autre que des jeunes mères qui vous racontent ce que vous leur racontez, ces longs après-midi où on languit après le retour d’un homme que son travail retient parfois très tard, cette absence de véritable conversation parce ce n’est pas ce dont a envie un homme fatigué ou qui a parlé toute la journée, finissent par vous donner l’impression de manquer d’air, surtout si vous avez eu l’habitude d’une vie active avant la naissance. Car ce n’est pas parce que vous avez eu un enfant que le monde a cessé de vous intéresser, que vos passions sont mortes. Et ce ne sont pas quelques heures de shopping ou une occupation choisie comme bouche-trou qui combleront ce vide. Même les week-ends les meilleurs sont impuissants à effacer ce malaise. Ce dont on a besoin, c’est de se rapporter personnellement à d’autres êtres humains, d’un regard sur le monde extérieur et du regard du monde extérieur sur soi-même, en tant qu’individu et non pas en tant que mère de famille ou femme d’untel.
Et voilà qu’un ordinateur et une connexion à Internet sont tout à fait ce qu’il vous faut, toujours disponibles, à "vos" heures, ces petites demi-heures ou même ces dix minutes que vous récupérez ici et là. Il n’y a pas besoin de faire de programmes, pas besoin de s’organiser, pas besoin de prendre un rendez-vous, pas besoin de s’habiller, pas besoin de trouver quelqu’un pour garder votre enfant, rien à demander à personne. A l’autre bout de la connexion, le monde est à votre disposition, la presse si on en a envie et une masse d’informations, mais aussi le moyen de vous défouler, de raconter quelque chose ou de poser des questions, etc. Mais il y a surtout tous ceux qui deviennent petit à petit vos amis virtuels, avec leurs causettes, leurs problèmes, leurs récits, leurs états d’âme, leurs réflexions, leurs difficultés, leur poésie, etc. Et vous découvrez même, ô bonheur ! qu’ils sont venus vous lire, venus voir comment vous allez, qu’ils suivent votre vie avec intérêt, qu'ils vous ont laissé un petit mot.
En fait ils sont entrés dans votre monde un peu clos exactement de la façon dont vous le désiriez, sans vous déranger, sans rien bousculer. Bébé pleure, qu’à cela ne tienne, vous avez tout à coup plus de patience pour le bercer, pour lui parler, pour jouer avec lui. Votre homme rentre tard, vous avez encore un sourire de réserve, même pour lui demander de vous aider … Et tout ça, simplement parce qu’Internet vous permet d’exister.
Commentaires et Mises à jour :
Re:
La distance a aussi ses inconvénients. On n'a personne sous la main pour vous donner un petit coup de main de quelques heures quand on en a besoin, et en plus famille et amis, toujours à cause de la distance, transforment leurs visites en un véritable débarquement, en groupes et pour visiter la pays. Et là aussi c'est le cauchemar, car le grand chambardement vous contraint à jongler entre les uns et les autres, sans vraiment satisfaire personne et surtout pas vous-même, car votre enfant devient plus difficile et vous ne pouvez pas profiter pleinement des gens qui vous sont chers et que vous voyez rarement. Mais peut-on y faire quelque chose?
Pour revenir au sujet de mon article, je pense aujourd'hui que j'aurais certainement eu beacoup moins de moments de blues si j'avais eu Internet quand mes enfants étaient petits et que moi aussi j'avais arrêté de travailler. Mais je me demande aussi si ce problène n'est pas né justement à cause du fait qu'aujourd'hui les femmes travaillent pratiquement toutes avant d'avoir des enfants. Certaines font un travail harassant qu'elles auraient certainement plaisir à pouvoir abandonner. Mais pour une bonne partie d'entre elles, il s'agit d'un métier ou d'une profession qu'elles ont choisi, où elles trouvent un certain interêt (peu importe lequel), et qui vient à manquer quand on se retrouve seule au foyer. En fait, ma mère qui n'a jamais travaillé, avait du mal à me comprendre, même si elle m'a élevée avec les mêmes droits que les garçons.
Re: Re:
oui!!!!....si j'avais eu Internet......
Je travaillais , mais je "ne perdais pas de temps".
Je "récupérais mes filles" le plus rapidement possible.
Avec le recul , je me dis que j'aurais pu "me" laisser plus de temps!!!
Et je le fais maintenant:-)
Si j'avais eu internet ???????????
J'avais 20 ans et j'étais étudiante et complètement paumée avec ce petit bébé.
Mon seul repère était "j'élève mon enfant" de Laurence Pernoud.
je l'ai lu et j'ai décrété que j'étais absolument nulle comme mère, non! Je ne stérilisais pas le couteau qui coupait l'orange, Non! Mon bébé ne s'endormait pas paisiblement après la tétée, elle se tortillait comme un beau diable et je me sentais de plus en plus nulle.
je suis absolument certaine que si j'avais eu internet, je me serais retrouvée sur un forum et j'aurais posé plein de questions et l'on m'aurait répondu que les coliques idiopathiques duraient environ trois mois chez certains nourissons et qu'il était inutile de stériliser le couteau et qu'être triste ne signifiait pas que je n'aimais pas mon enfant mais que je traversais comme beaucoup d'autres mères un épisode appelé: "baby blues".
je remercie encore ce médecin qui m'a déclaré que je n'avais pas l'instinct maternel, je n'avais pas l'expérience........je suis sûre que d'autres mères sur les forums me l'auraient dit.
Re: Si j'avais eu internet ???????????
Sarah, si tu avais eu Internet, tu en aurais également profité pour causer d'autre chose que de bébé, et cela aurait soulagé ton désarroi intime, peut-être ta solitude profonde. (Le "baby-blues" se réfère exclusivment au cafard des quelques jours qui suivent l'accouchement, suite à une chute hormonale. Là, tu es entrée dans "mon" domaine :-)))).) )
Je comprends très bien qu'une jeune mère puisse se retrouver complètement désorientée, d'autant plus si son entrourage la culpabilise sans arrêt. Mais la solitude et la tristesse sont autre chose, et elles apparaissent même pour le deuxième enfant, alors qu'on est incontestablement plus experte. Quand on a eu une vie active, on échappe difficilement à la solitude des longues journées sans véritables contacts avec le monde extérieur.
Quant à l'instinct maternel, je me suis toujours demandée ce que c'était. Le rapport privilégié qui se crée entre une mère et son enfant n'est-il pas le même si la personne qui s'en occupe avec amour n'est pas sa mère? C'est donc un rapport qui se construit jour après jour.
baby blues!
Un désarroi profond.........je fantasme sur l'internet à cette époque parce qu'il me semble que j'aurais pu parler de ce qui m'arrivait et que d'autres auraient pu me répondre....
A cette époque, l'instinct maternel était une évidence pour les personnes et les médecins (ceux que je connaissais en tout cas)et il n'y a rien de pire que de lancer des évidences à la face d'autres en difficulté.
Oui! L'amour est une construction patiente jour après jour, c'est ça l'amour!
Je n'ai jamais repris le "travail", mais c'est vrai qu'Internet et maintenant ce blog me permettent de souffler. Et la distance me permet de prendre du recul face à ma tribu plus qu'envahissante !