Marco Pantani, le fameux « pirate » au crâne chauve, à la bandana jaune pour Le Tour de France et rose pour le Giro d'Italia, le dernier champion cycliste qui a su rendre au cyclisme l’aspect épique de ses origines, le grimpeur inoubliable du Col du Galibier, a été retrouvé mort, le jour de la Saint-Valentin, dans une chambre d’hôtel à Rimini. Dans la pièce détruite sous l’effet d’une violente colère, des feuilles de papier éparses, ici et là, avec des phrases amères : « Ils ne s’en sont pris qu’à moi » était écrit sur l’une d’elle. Une dizaine de flacons également, anxiolytiques, antidépresseurs, sédatifs hypnotiques. Mort par overdose ou suicide, l’autopsie le dira peut-être, mais à vrai dire, peu importe. Il reste la dure vérité qui commence à voir le jour maintenant que le voile de l’hypocrisie s’est déchiré. Marco Pantani est mort seul, loin de tous, tué par quelque chose de bien plus cruel que la dépression. Il n’avait que 34 ans.
Il s’agit du même Marco Pantani qui, en 1998, gagna l’un derrière l’autre le Giro d’Italia et le Tour de France, celui que les Français acclamèrent sur les Champs-Elysées en hurlant « Pantani, Pantani ! ». dans un long cri rythmé. On n’avait pas vu de telles scènes depuis le temps de Fausto Coppi. C’était un grimpeur à l’antique. Sa façon de se mettre debout sur ses pédales, petit et léger comme il était, la force qu’il déployait dans les montées, laissant tout le monde derrière lui, qui communiquait un enthousiasme contagieux même à ceux qui étaient devant leur télé. Eux aussi, ils se levaient.
C’est pour cette raison que Pantani a été l’un des coureurs les plus aimés du dernier cyclisme, celui de la décadence et de la tentative de régler les comptes avec un monde qui changeait de façon vertigineuse. A son fan-club, sur Internet, il y avait plus de 100.000 inscrits. C’est pour cela que son arrestation durant le Giro de 1999, avant l’étape des Alpes de Madonna di Campiglio, quand il était maillot rose et pratiquement sûr de la victoire, se déroula sous l’oeil des caméras entre carabiniers et journalistes. Hématocrite trop élevé, à 52%. Cet épisode correspond au début de la grave crise dont le cyclisme ne s’est toujours pas relevé. « Tous les passionnés, déjà à cette époque-là, connaissaient les effets de l’Epo qui épaissit le sang à tel point que certains cyclistes, pour ne pas mourir, devaient se lever la nuit pour pédaler sur leur cyclette, dans une cruelle course de hamster. »
De là est partie la descente aux enfers, entre décision d’abandon, puis reprises, puis une nouvelle accusation de doping, suivie d’un non-lieu mais après qu'il ait été une fois encore traîné dans la boue, puis les dépressions et la drogue. Tout d’abord une foule d’amis et une fiancée, et ensuite plus personne.
Le cyclisme ne m’intéresse pas, mais cette mort me bouleverse pour toute l’horreur dont elle est porteuse. Elle est l’emblème du sport d’aujourd’hui. L’impossibilité de gagner quoi que ce soit par simple mérite, fait de capacités personnelles et d’un entraînement acharné. Tout cela ne suffit plus. Après avoir encouragé le doping de façon éhontée, forçant même les athlètes à se droguer, aujourd’hui on lui fait une chasse que l’on veut faire croire purificatrice. Mais il n’en est rien. Les corps et les esprits des sportifs sont soumis à l’esclavage, entre les diètes d’une intransigeance exclusivement rentable, dont le moindre écart vous rejette dans le néant, et les psychologues qui modèlent leur cerveau. Ce ne sont plus que des animaux de cirque ou de laboratoire, des monstres, qu'on nous présente ensuite comme l’image de la réussite. Mais dans leur regard il n’y a plus de joie, mais seulement la rage de tout posséder, avec, bien souvent, l’hébétude de ceux qui ne savent plus qui ils sont.
Dans les yeux de Marco Pantani, au temps de ses victoires, il y avait de la joie. Il faut croire qu'il n’était probablement pas fait pour un sport où, pour reprendre la phrase tellement juste d’un journaliste, « sur la ligne d’arrivée, on regarde son médecin au lieu de sourire à sa fiancée ».
(Sources : Il Manifesto, Il Corriere della Sera)
Commentaires et Mises à jour :
Re:
L'article de Libération fait bien le tour de la question. Ce qui est factice cependant, ce sont les projets des ministres. Aucun pays, aucun sport n'est prêt à renoncer aux records, aux champions nationaux à exhiber. Et alors faisons l'autruche. A vrai dire, les succès sportifs ne m'intéressent pas du tout, mais ce qui me dérange, c'est que c'est, une fois de plus, anti-éducatif. Les courses des hommes, comme celles des animaux : à quand le lotto ou les grands prix? Mais peut-être que ça existe déjà?
Re:
Sarah, merci pour cette chanson que je ne connaissais pas mais qui s'adapte parfaitement à la circonstance. C'est exactement cela, chacun en fournit ou en veut pour son argent : des jeux et du sang, comme du temps des Romains. La seule différence, c'est qu'entre temps on a découvert que l'homme avait des droits, alors on se renvoie la balle pour savoir à qui coller la faute, sans toutefois toucher ni aux médecins, ni aux entraîneurs, ni aux clubs, ni, bien entendu, au système. De quoi faire un peu de conversation, en quelque sorte, autour des champions déchus : "usa e getta" (je trouve que cette expression italienne très explicite).
Lien croisé
plus d'un an après...
Je suis tombé cet article par hasard, je connaisssais ton blog, mais la c'est une simple recherche google...
Je suis personnellement cycliste, pas professionnel, mais dans un centre de haut niveau, qui à pour but de nous ammener au professionalisme... je n'ai que 20 ans... et déja je ne me fais plus aucune illusion...
tu sais ce n'est pas mon sport qui est pourri, c'est les hommes... par cette passion, j'ai découvert très tot la nature humaine, le vice, l'hypocrisie... par cet exutoire qu'est pour moi le sport, j'ai découvert la haine, la souffrance, la dépression, la joie, les larmes du bohneur, qui effacent celles de la souffrance.....
aujourd'hui je sais que je suis face à un choix, continuer dans ce sport, qui me sors du cliché du djeuns post adolescence, qui me rend différent, qui m'apprend la vie...Ou tout arréter, sans regret, comme arrété une relation amoureuse passionée, car au fond tu te rends compte qu'elle te détruit...
et oui, si je passe pro, je le sais je devrais faire comme les autres, je ne m'en sent pas capable, je le regrette presque desfois, mais j'ai du respect envers mon corps, pour le pourrir comme cela, j'aurai peur aussi... alors j'abandonne mes illusions, je me pose trop de questions... pourquoi s'entrainer comme cela... plus de 20h par semaine presque 25000km par an... pour un r^ve proche du cauchemard, un meilleur qui ressemble au pire... je ne sais pas, peut être car c'est ma vie... que je vais pourtant abandonner
Le pirate, avant de passe la barrière du monde professionnelle il avait le choix lui aussi, il a fait le mauvais... la soif de victoire, de gloire et d'argent, l'entourage oppressant, l'a fait basculé dans le vice... pour cette raison, je ne l'ai jamais admiré, comme je n'ai jamais admiré aucun des champions de mon sport.... ils font partie eux aussi de cet hypocrisie... et même si ils ne sont que des machines manipuilés , ils en ramassent les dividendes...
Néammoins a l'époque de la mort du pirate, j'ai eu un pincement au coeur...malgré la tricherire personne ne mérite c'est abattage médiatique... qui l'a poussé à bout...
Maintennat je le sais... CE MONDE N'EST PAS POUR MOI... mais alors pourquoi y sacrifier ma jeunesse... s'engouffrer dans une voie sans issue, hormis la triche... plus je m'entraine, plus je progresse, plus je m'approche du mur... on m'a dit une phrase qui m'a marqué: "je veux que tu sois prêt à crever pour réussir" je suis prêt à prendre des risques, a chuté, comme il m'ait déja arrivé maintes et maintes foiis, a me relever, a descendre des cols à 90 à l'heure, a prendre tous les risques pour la moindre course... mais je ne suis pas prêt à perdre mon estime;. à devenir un toxico... c'est cela qu'il voulait....
assos
Re: plus d'un an après...
En tous cas, merci pour ce témoignage, cela permet de voir les choses d'un peu plus près.
Cette année, j'ai, par hasard, assisté au départ du Giro, et quand je voyais ces jeunes gars, éclatants de santé et pour certains beaux comme des dieux, je n'arrivais pas à m'empêcher de penser à tout ce qu'il y a derrière, et j'étais profondément triste à l'idée qu'un jeune, aujourd'hui, ne peut plus donner libre cour à sa passion, aux dons dont il est porteur, sans passer par cette porte empoisonnée. N'y a-t-il vraiment aucun moyen de ne pas y entrer ? Est-il impossible qu'un Tour, un Giro, une Vuelta, sans drogue et sans résultats exceptionnels mais avec des victoires méritées, trouve le moindre sponsor?
Re: Re: plus d'un an après...
eh oui, derriere ces beaux maillots, ces jambes affutés, bronzé, huilé, il y a beaucoup de choses: tout d'abord et c'est le principal: des heures et des heures d'entrainement par tous les temps, de souffrance, de chutes, + quelques victoires..
mais aussi une vie sacrifié à la réussite, tout d'abord ta famille ( tu pars en sport études à l'autre bout d eton pays.), puis tes amis (les soirées ce n'ets plsu pour toi, il te faut tes heures de sommeil) ta petite amie (qui se lasse de tes absences) ta scolarité (au haut niveau amateur, tu n'as plsu le temps d'aller en cour), ta santé (mm sans dopage, ton corps n'est pas fait pour supporter tout ça + les accidents)...
une fois que t'en es la... si tu avais à la base un minimum de capacité, tu es au porte du professionalisme.... et tu as un choix, a faire, tu n'en es plus a un sacrifice prêt, tu e scoupé de toute notion de bien ou d emal, tu ve juste le résultat
le moyen de pas y entrer c'est de rester amateur, mm si il y aussi ce probleme, tu peux avoir des résultats sans... mais tous ces sacrifices pour rester amateur, c'est un choix dur!!!!!!!!!!
la question de savoir si un tour auurait des sponosrs sans dope, est illusoire, puisque si le peloyton n'est pas dopé, il y aura tjrs un petit malin, qui ne se satisfaira pas de ce que ses moyens naturels lui permette de faire, et qui se dopera, les autres frustré a force feront pareille...
je pense que c'est un probleme sans solution.... ou alors que les mentalités changes.... tu sias ça m'embête de cracher sur mon sport comme cela... mais ce n'est qu'une triste réalité.. dans les autres sports le probleme est surement le mm, mais le vélo c'est tellemùent dure que la tentation est plus grande...
amicalement assos
Bien que je n'étais pas un fan de Pantani, je suis aussi bouleversé de voir tomber un héros dans l'indifférence la plus totale, après avoir été porté en triomphe.
Libération : «Il n'a pas su redevenir un simple mortel»
Virenque "qui a subit l'insu de son plein gré" les mêmes "traitements" avait dit ouvertement qu'il était impossible de faire de pareils chronos, dans une course d'endurance aussi longue que le tour de France, sans avoir un "petit remontant" et il n'est pas le seul à l'avoir dit. Après la mort de Pantani, il a encore dit une phrase lourde de sous-entendus "heureusement que je me suis arrêté à temps!" mais elle n'apparaît pas sur Internet.
Le pire dans tout cela, c'est que tout le monde est parfaitement au courant au plus haut niveau et que certainement il y a des enjeux plus importants que des vies humaines pour qu'on veuille mettre un frein définitivement à cette course folle dans le monde "sportif".
Cela fait malheureusement parti de notre monde dit "moderne" où tout est sujet à caution et quoique l'on fasse, la course en avant n'est pas prête de s'arrêter, sauf quand l'Homme aura tout détruit y compris lui même!
C'est fou aussi, le nombres d'anciens sportifs(et sportives) qui avouent maintenant dans des émissions TV avoir reçu un traitement "particulier" et être revenu avec une médaille ou un titre mondial. Combien sont-ils en train de se soigner pour tenter d'enrailler les effets destructeurs du dopage et combien sont-ils morts prématurément ? Personne n'osera faire la liste, n'y avait-il que Tom Simson mort au Mont Ventoux?.
Faut-il faire l'autruche et continuer a rêver sur des athlèles qui battent toujours des records ?