En ces temps difficiles où on n’est plus souvent sûrs de son emploi, où les contrats sont souvent à courts termes, où le chômage est en hausse, en cette période de l’Histoire de l’Occident qui voit arriver en masse toutes sortes de personnes désespérées, le phénomène de la mendicité tend à reprendre de l’ampleur. Il y a des mendiants un peu partout, dans le moyens de trasports, dans les supermarchés, dans la majeure partie des endroits couverts, dans les parcs, etc... Et nous, les nantis, nous naviguons bien souvent entre deux sentiments opposés, suivant le nombre d’indigents que nous rencontrons sur notre chemin. D’une part la mauvaise conscience et la honte et, d’autre part, un sentiment d’impuissance et même d’exaspération quand nous sommes sollicités plusieurs fois de suite ou quand il s’agit de mendicité organisée (surtout de celle où on exploite des mineurs). Que faut-il faire ? Si on a un brin de sensibilité, pas moyen de vivre l’âme en paix face à ce problème. Et pourtant, il y en a qui n’ont pas peur d’ériger en système de protection leur absence de malaise. Voici les règles dictées par une ordonnance municipale du maire de Vicence, en Italie, pour soulager la conscience des « gens biens ».
Il faut, en premier lieu, soustraire les mendiants et les gueux à la vue des passants. Mais comme la politique doit suivre les lois de la séduction, on annonce que les mesures que l’on va prendre « pour nettoyer les places et les rues » (mais cela on ne le dit pas), ce sont des mesures qui visent à protéger des malfaiteurs les femmes, les enfants et les vieillards. Et, il faut le reconnaître, comme il y a effectivement des malfaiteurs parmi les mendiants et les gueux, la majorité applaudit à ce maire qui va enfin leur rendre la vie idyllique d’antan.
L’ordonnance en question
- interdit toute mendicité sur les places principales de la ville et dans les rues piétonnières du centre.
- En plus, elle spécifie que la mendicité, dans les zones où elle n’est pas interdite, ne doit pas être « envahissante », c’est-à-dire qu’elle ne doit pas comporter l’exposition de nudités, de plaies, d’amputations ou de « difformités dégoûtantes », parce que dans ce cas, il s’agit d’une « mendicité qui importune ».
- Celui ou celle qui mendie doit en outre le faire à pas moins de 200 mètres de son « collègue » le plus proche, et il doit laisser au moins un mètre de trottoir pour les piétons qui passent.
- Tous ceux qui tendent la main doivent se tenir à au moins 100 mètres des manifestations, quel que soit leur type, ainsi que de toutes les foires et de tous les marchés.
- Ceux qui n’obéiront pas à ces dispositions seront passibles d’une amende de 25 à 500 Euros. (500 Euros !?! pris sur la recette de la journée????)
Cette ordonnance suit en fait une première mesure prise en mai dernier à propos d’un grand espace vert, en face de la gare, qui interdisait de s’asseoir sur l’herbe, de se coucher sur les bancs, ou même, plus simplement, de ce réunir en ce lieu. Comme par hasard, c’était le lieu habituel de rencontre de la population immigrée.
Quand on sait que la province de Vicence, l’une des plus riches d’Italie, a un chiffre d’exportation équivalent à celui du Portugal tout entier, il y a de quoi rester sceptique à propos du bien fondé et de la justesse de l’initiative de ce maire, qui menace de faire tache d’huile. Et une mesure de ce genre, si elle n’était pas si triste, ne peut que porter à rire. Car, même si on exclut le discours sur l’immigration, il existe un phénomène notoire, commun à toute l’Europe : c’est qu’en plus des anciennes pauvretés, il y a une croissance du nombre des nouveaux pauvres, de ceux, toujours plus nombreux, que la conjoncture économique et les mesures de protection du capital jettent à la rue. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de la figure romantique du clochard, mais d’une nouvelle condition de vie qu’on est en train d’ériger en système.
Alors, à quand la réouverture des « cours des miracles » du Moyen-âge? (parce que c’est à cela que ce genre de décret peut porter). A notre époque, est-elle vraiment l’unique solution au phénomène de la mendicité?
(Sources : Il Manifesto)
Mot-clef : Société, Europe, Immigration, Justice, Italie
Commentaires et Mises à jour :
c'est tragique mais cela fait longtemps que l'on voit de la mendicité ''organisée''...Il y a plusieurs années les clochards avaient leur autonomie de mendiants (j'en ai connu un complètement sédentarisé dans une maison de carton fier de son quartier et de son autonomie...)
cela ne se voit plus aujourd'hui car on ne veut pas le voir... pas comme ça...