Istanbul n’est pas une ville, c’est un grand navire, un navire à la route incertaine dans lequel, depuis des siècles, montent des passagers de toutes provenances, couleurs et religions. C’est ce que découvre Armanoush, jeune Américaine à la recherche de ses propres racines arméniennes en Turquie. Mais c’est aussi ce que découvrira Asya, dix-neuf ans, qui, elle, vit à Istanbul, une grande famille de femmes les plus dissemblables derrière elle et un vide à la place de son père. La rencontre entre Asya et Armanoush sera celle de deux mondes que l’histoire a vu en conflit avec une issue terrible pour les Arméniens, mais les deux jeunes filles deviendront amies, tandis que se lèvera peu à peu le voile tombé sur le secret qui lie le passé de leurs deux familles.
Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois je referme un livre sur sa dernière page, il me vient automatiquement à l’esprit un seul et unique adjectif suffisant à le qualifier. Cette fois-ci, c’est « accompli », car, dans ce roman, chaque mot, chaque phrase a sa raison d’être, chaque énigme trouve son explication, chaque interrogation une, sa ou ses réponses.
A travers une histoire vraiment passionnante qui finit par vous envelopper, scandée par des chapitres aux titres qui reprennent la liste des ingrédients nécessaires pour préparer l’ashure, ce dessert turc « symbole de continuité et de stabilité », Elif Shafak aborde, sans coups d’éclat mais avec une grande douceur ou même en sourdine, toutes les questions brûlantes que le sujet implique : d’une part les contradictions de
« Elif Shafak est la plus grande écrivaine turque de ces dix dernières années », a déclaré le Prix Nobel Orhan Pamuk. Avant de conclure, il ne faut surtout pas oublier de dire qu’en 2006, entre l’édition turque et l’édition anglaise, ce roman a valu à son auteure un procès pour avoir « dénigré l’identité nationale turque » sur la base de l’article 301 du Code pénal. Ce dont on l’accusait, c’était d’avoir mis certains mots dans la bouche de certains personnages arméniens du roman, risquant une condamnation à trois ans de prison. Heureusement, grâce à l’énorme soutien dont elle a bénéficié, elle a été acquittée en septembre 2006.
Un très beau roman pour toute l’année, mais encore plus pour l’été car on y respire une grande fraîcheur... intellectuelle.
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