Pourquoi Urania Cabral, fille de l’ancien président du Sénat de Saint-Domingue, tombé en disgrâce à la fin de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo, rentre-t-elle au pays après trente-cinq ans d’absence ? C’est la question qu’on se pose dès l’abord de ce grand roman, très dense, qui, dans un va-et-vient incessant au sein d’une tyrannie parmi les plus folles, les plus cruelles, les plus corruptrices, les plus inimaginables qui soient, nous achemine vers l’assassinat du tyran, le 30 mai 1961.
Tout procède sur trois lignes parallèles qui se rejoignent dans les derniers chapitres. La première voit Urania Cabral, désormais avocate new-yorkaise, qui retrouve le père qu'elle a répudié il y a longtemps et qu’elle continue à détester et mépriser, évoquant devant lui une adolescence heureuse et aisée mais qui n’a pas échappé pas aux crimes de la dictature.
La seconde révèle les préparatifs de l’attentat contre le « bouc », « el Chivo », à travers les histoires individuelles des hommes qui sont sur le point de le commettre, prêts au sacrifice suprême, et les parcours qui ont amenés des personnes de culture et d’extraction sociale différentes vers un destin commun.
La troisième ligne entre dans le Palais, observe Trujillo, sa famille et son entourage, reconstruit la personnalité du « Chef » et celle de ses collaborateurs presque épris du chantage implicite dont ils sont les objets permanents, et observe la cruauté sans pitié des gestes, des mots, des actions que ceux-ci, dans un mélange de lâcheté, d’adhésion pleine et même de vénération inconditionelle, ont accomplis pour conquérir et conserver le pouvoir.
Voilà un livre passionnant qui ressemble étrangement à un roman historique, bien construit et bien écrit, à travers lequel Mario Vargas Llosa éclaire le passé récent d'une région du globe bien souvent inconnue pour beaucoup d'Européens. Et, sans être didactique, il suggère bien des explications et bien des réponses à toutes les questions qui naissent de la profonde incrédulité qui hante souvent nos esprits face à la fascination que finit par exercer sur l’être humain, un brillant joueur de flûte sans scrupules.
A ne pas manquer !
Mots-clefs : Livres, Amérique latine, SociétéCommentaires et Mises à jour :
Prix Nobel de littérature 2010 !
Le Prix Nobel de Littérature 2010 vient d'être attribué à Mario Vargas Llosa, "pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son échec"
"Il était celui qu'on n'attendait plus", s'est écrié Pierre Assouline dans sa République des Livres.
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