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« La Route des Indes », David Lean (1985)

Nous sommes en Inde, durant les années 20, sous la domination britannique. Miss Adela Quested, en provenance de l’Angleterre, rejoint Chandrapore où se trouve Mr. Heaslop, l’homme qu’elle devrait épouser. Elle arrive en compagnie de Mrs. Moore, sa future belle-mère. A destination, les deux femmes fréquentent la bonne société locale. Mrs. Moore, vielle dame qui n’en est pas à sa première expérience indienne, distinguée, pleine de tact mais peu conventionnelle, aime fuir les obligations ennuyeuses. C’est ainsi qu’un soir elle fait la connaissance, à l’intérieur d’une mosquée, du Dr. Aziz, médecin indien musulman, et entre les deux naît une amitié réciproque. Animée par le même désir de sortir de la colonie britannique pour découvrir l’Inde profonde, Miss Quested accepte, avec Mrs. Moore, une invitation du Dr. Aziz à une excursion aux grottes de Marabar, où les accompagneront Cyril Fielding, directeur du collège local, homme fort critique envers le racisme de la communauté blanche, et Godbole, un sage indien de grande réputation. Durant l’excursion, après la visite d’une première grotte où Mrs. Moore a une sorte de malaise, le Dr. Aziz et Miss Quested rejoignent seuls les grottes suivantes. Cette dernière, restée seule durant quelques instants, vit un moment de désorientation, de panique d'une telle violence qu’elle s’enfuit en courant, accusant ensuite, à tort, le Dr. Aziz de s’être permis certaines libertés. Cet incident bouscule des équilibres déjà bien précaires....

 

Le film oppose la rigide moralité anglo-saxonne, qui s’inspire de la pratique du self-contrôle des pulsions et des passions, à la fascination sensuelle qui émane du paysage indien et de sa culture millénaire. Le monde britannique des colonisateurs, ancré à un idéal fait de rationalité disciplinée, décorum et pudeur qui devraient caractériser le rôle des dominateurs porteurs d’une civilisation supérieure, se confronte avec le message du naturel libératoire provenant du monde indien.

Chaque personnage y joue un rôle symbolique : Mrs. Moore celui d’une vieille dame assez âgée, assez intelligente et assez sensible pour aller au-delà des préjudices de la société à laquelle elle appartient; Miss Quested, celle d’une jeune fille mise brusquement en contact avec une dimension terriblement distante de sa chaste éducation victorienne, qui commence par le bouleversement qu’elle éprouve face aux sculptures érotiques sur lesquelles elle tombe par hasard dans la forêt et arrive à son apogée au moment où elle pose quelques questions personnelles à Aziz. Mr. Heaslop est le parfait gentleman borné qui, sans jamais être effleuré par le moindre doute, joue le rôle que l’Empire britannique lui a assigné. Le Dr. Aziz personnifie l'aspiration d’une partie de la bourgeoisie indienne qui accepte et estime l’occupant britannique, mais son obséquiosité pleine d’une grande gentillesse tombe quand il se retrouve face à la réalité d'une intégration illusoire qui le conduit à une reprise de conscience de son identité indienne. Fielding et Godbole représentent les intellectuels les plus dotés des deux communautés, le premier entrevoyant avec lucidité l’indépendance future de l’Inde, tandis que le second exprime l’irréductibilité de la spiritualité indienne à la rationalité des paramètres occidentaux.

 

Ce film tiré du roman homonyme d’E.M. Forster publié en 1924 est d’une grande suggestion. On est très vite happé par une atmosphère dense, envoûtante même, qui vous projette dans une mosquée en pleine nuit, dans les habitudes étouffantes de la société anglaise, au sein d’une famille indienne, dans un train bondé, dans des grottes sombres où l’écho vous transit jusqu’aux os, pour finir dans un tribunal où l'injustice faite d'inégalités apparaît sous tous ses aspects. 
Cela n’est possible, cependant, que parce que la musique discrète de Maurice Jarre n’envahit pas le film comme le font la plupart des violents accompagnements d’aujourd’hui. De longs silences (qui finissent par vous saisir) laissent une ample place aux bruits réels, aux rumeurs, au ton léger (très anglais) des conversations où la profondeur du débat ne fait aucun doute.

 

Pour ceux qui aiment aller au fond des impressions, des sentiments. Je crois que je vais lire le livre.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mardi 19 Juillet 2005, 15:12 dans la rubrique "J'ai vu".

Commentaires et Mises à jour :

miss lulu
20-07-05 à 03:01

Tiens, ben moi j'ai lu le livre et pas vu le film :) Difficile à lire comme bouquin, en anglais en tous les cas. Un de ces livres que je ne suis pas sûre d'avoir aimés mais pas sûre non plus de ne pas avoir aimés... Faudra nous raconter ce que tu en penses.

 
ImpasseSud
20-07-05 à 07:55

Re:

E. M. Forster est peut-être plus facile à "digérer" en film qu'en livres car les atmosphères, tellement essentielles, n'ont pas besoin de longues descriptions. Pour ma part, j'ai lu, en italien, "Avec vue sur l'Arno", "Howards end" et "Monteriano" et j'ai bien aimé. Si j'arrive à lire "La Route des Indes" j'ajouterai un commentaire comparatif.

(Hors-sujet : comment vas-tu ? Ta chute n'est-elle déjà plus qu'un vieux souvenir ?)