Ce livre a pour origine une commande faite à Serge Latouche par l’Unesco, suite au symposium international « Défaire le développement, refaire le monde ». Chacun d’entre nous sait plus ou moins ce qu’il pense de notre société actuelle. Le plus difficile, bien souvent, c’est de le formuler. Au rythme où nous allons, encore accéléré par un néolibéralisme déchaîné, dernier sursaut d’un système désespéré, j’ai l’intime conviction que tôt ou tard nous allons précipiter dans l’abîme. Cela, beaucoup d’entre nous le savent, le sentent, même s’ils le nient. Et bien, les mots pour exprimer cette réalité des faits se trouvent tous dans ce petit livre.
Le mot « développement », Serge Latouche le désosse complètement : « Il y a ceux pour qui le développement est la source de tous les maux et ceux pour qui il constitue la solution de tous les problèmes ».
La question n’est pas simple. Pendant plus de cent quarante ans, l’espérance de l’humanité s‘est réfugiée, pour les prolétaires, les opprimés et les exclus, dans le « socialisme ». Mais le socialisme a donné naissance à la nomenklatura, au goulag, et Tchernobyl en prime. Puis, il y un peu plus de cinquante ans, est née une autre espérance, mondiale, celle des damnées de la terre : le « développement », quantifié aujourd’hui par le fameux PNB, érigé en critère absolu. Les quinze dernières années, cependant, montrent que le « développement » n’est pas universalisable, que le « trickle down effect » (ou théorie des retombées), s'il a marché en Occident durant les Trente glorieuses (1945-1975) ne marche plus aujourd'hui, et encore moins dans les régions que le président Truman, dans son discours inaugural du 20 janvier 1949, qualifia de « sous-développées ». « Selon le rapport du PNUD de 1998, si la richesse de la planète a été multipliée par six depuis 1950, le revenu moyen des habitants de 100 des 174 pays recensés est en pleine régression, et même l’espérance de vie. (…) Selon le rapport 2001, le revenu total de l’ensemble des pays moins avancés, soit 609 millions d’habitants, n’est que de 169 milliards de dollars, soit environ 15 % de la fortune des 200 multimilliardaires ou l’équivalent de celle des 3 premiers multimilliardaires seulement ! ».
Le « développement » n’est qu’un mythe, ce n’est que « l’occidentalisation du monde ». Mais, pour éviter de l’admettre, on a inventé le développement « à particule », c’est-à-dire, accompagné, dans une stratégie d’euphémisation, d’un adjectif. C’est ainsi qu’on a vu des développements « autocentrés », « endogènes », « participatifs », « communautaires », « intégrés », authentiques », « autonomes et populaires », « équitables », etc…, sans parler du développement local, du micro-développement, de l’endo-développement et même de l’ethno-développement ! » Aujourd’hui Il y a le « développement social », le « développement humain », le « développement local », mais surtout « le développement durable » !!!!! Un oxymore ! s’exclame Serge Latouche qui consacre au moins 17 pages des 111 pages de son exposé à en démontrer l’absurdité. Malheureusement, cependant, il y a encore des esprits qui, acceptant ces analyses, s’obstinent à chercher un autre type de développement, le « développement alternatif », celui qui, en 20 ans, a multiplié la production (avec tout ce que cela consiste de dégâts à l’environnement) mais vidé les campagnes de sa population paysanne.
Sur les traces de Konrad Lorenz, Serge Latouche dénonce le développement comme une imposture, examinant la question sous tous ses aspects, son ethnocentrisme, ses contradictions réelles, le paradoxe de la création des besoins et celui de l’accumulation, le paradoxe écologique de la croissance.
Bref ! Il est temps, affirme-t-il, de sortir de bon gré du « développement », avant qu’il ne soit trop tard et qu’on soit obligés d’en sortir de force ! Et là, la question se corse car il faut envisager, mettre sur pied, non pas un retour en arrière, mais un principe, un système de « décroissance » qu’il définit largement. Il faut, avant tout, « décoloniser l’imaginaire » économique, c’est-à-dire prendre conscience que le « trickle down effect » n’est plus qu’un leurre, changer de mentalité, car tout dépend du comportement de chacun d’entre nous. Il faut faire la part de ses besoins et de ses priorités réels, il faut revoir de fond en comble notre type de convivialité, celui du don à la place de celui du marché, et remettre à l’honneur le « localisme ». Et ceci non pas en se battant pour conserver son créneau au sein du marché mondial, créneau condamné à succomber tôt ou tard, mais en « élargissant et approfondissant sa niche en marge de l'économie globalisée. »
En novembre dernier, en pleine révolte des banlieues parisiennes, Serge Latouche faisait une tournée de conférences en Italie. Du côté italien, à la même période, on était en pleine manifestations anti-TAV, contre les nuisances et les dégâts que causera, dans
Si vous faites partie de ceux qui se posent des questions sur le bien-fondé des mécanismes qui conditionnent le comportement de notre société, de ceux qui ne sont pas indifférents aux évènements qui ont lieu non seulement chez nous, en Occident, mais ailleurs dans le monde, procurez-vous immédiatement ce petit livre. Il ne coûte que 2,50 € (Edition Mille et Une nuits ) et lisez-le. Le langage est simple, accessible à tous et, vu l’esprit de synthèse requis par un symposium, chaque phrase vaut son pesant d’or.
Mots-clefs : Planète Terre, Société, Europe, Amérique du Nord, Livres, Sujets brûlants, Occident, Hommes de bonne volonté