Tous ceux qui ont vu l’excellent film de Steven Soderbergh (2000), « Erin Brockovich », l’histoire de cette femme qui, avec son chef, réussit à plier une multinationale, savent bien qu’Erin (interprétée par une Julia Roberts on ne peut plus sexy et volcanique), n’avait pas de curriculum vitæ, justement, comme elle ne cesse de le répéter à ceux qui le lui demandent. Et pourtant, mère de trois jeunes enfants (8 ans , 6 ans et 10 mois), restée seule après deux divorces, pleine de dettes, il lui fallait absolument trouver un travail pour rembourser ses dettes et faire vivre sa famille.
Pas de CV, pas de diplômes, mère seule avec trois enfants à charge. Selon la tendance et la « morale » actuelles, rien que des bonnes raisons pour ne pas l’embaucher. Mais caché derrière tout cela, une sorte d’antithèse, une femme d’une intelligence, d’une mémoire, d’une détermination, d’une humanité hors du commun, qui réussit à voir les situations avec des yeux neufs, telles qu’elles sont réellement, et ensuite à suivre ses convictions, reportant l’espoir autour de soi.
Certains auront vu ce film comme l’éternelle histoire de David contre Goliath, et applaudi à la magnifique victoire de « David » qui voit la condamnation de la multinationale et le dédommagement très substantiel des quelques 600 vitimes. Pour ma part, cependant, et vu qu’il s’agit d’une histoire vraie, j’ai été saisie par cette célébration de l’esprit libre, vierge, capable de transporter les montagnes, mais difficilement compréhensible pour les classes dirigeantes, sans aucun doute farcies de diplômes, mais bien souvent pleines de morgue et de préjudices envers les sans-diplômes. Erin, avec tout ce que la société considère comme des « défauts », a, bien au contraire, toutes les qualités que devrait avoir un avocat. Mais seul un immense culot lui permet d’obtenir une petite place d’archiviste dans le cabinet de l’avocat qui n’a pas su la défendre lors d’un accident de voiture.
Bien sûr, les études et les diplômes sont nécessaires, et une société a besoin de points de repère, de gens qualifiés et de structures, mais cela signifie-t-il qu’elle doive écarter ou rejeter systématiquement tous ceux qui n’ont pas de diplômes ? Sont-ils tous stupides ou incapables ? N’ont-ils aucune qualité, rien à apporter ? Cette histoire est la preuve du contraire. On n’a pas besoin de diplômes pour avoir d’immenses qualités et d’immenses capacités. Et que révèlent les CV d’aujourd’hui, avec leurs photos et leurs références plus qu’étudiées, que révèlent ces lettres de motivations qui ne sont qu’un exercice d’écriture, n'étant pris en considération que s’ils sortent d’un ordinateur ? Que disent-ils de la véritable intelligence, de la véritable détermination ou de la véritable humanité nécessaires au bon exercice d’un grand nombre de professions, surtout celles qui concernent l’homme ?
L’alliance entre Erin Brockovitch et son avocat, c’est-à-dire entre l’intelligence libre, la détermination et l'humanité d'une part et les diplômes d'autre part, est exactement ce qu’il faudrait dans la vie. Les êtres humains ne sont pas tous pareils, et une société qui base son appréciation de la valeur d'une personne exclusivement sur un CV perd ou gâche un grand nombre de ses talents.
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