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« Le peuple migrateur », de Jacques Perrin, Jacques Cluzaud, Michel Debats (2001)

Certains écrivent qu’il faut aimer les documentaires animaliers pour apprécier ce voyage à travers le monde des oiseaux migrateurs. Il n’est rien. Il y a longtemps que je me suis lassée des documentaires répétitifs et peu originaux, avec les mêmes phrases et le même vocabulaire consumés jusqu’à la trame et débités d’une voix monocorde. Ici, c’est complètement différent. Bien sûr, on y découvre qui sont ces oiseaux, où ils vont et pourquoi chaque année ils parcourent les mêmes milliers de kilomètres pour rejoindre leurs destinations dès que les saisons changent, défiant toutes sortes de dangers. Mais vu que sa présentation avait éveillé ma curiosité, j’ai commencé par y jeter un coup d’œil. Bien m’en a pris car je ne m’en suis plus détachée, cramponnée au concept d’authenticité, mais jouissant à la fois, pendant 90 minutes, parmi les cris d’oiseaux en formations, en volées, en nuées ou en groupes, les bruits d’aile et du vent, les corps tendus jusqu’au spasme, les lignes et les volutes d’une infinie pureté, les lumières diffuses et limpides, les paysages à vous couper le souffle..., de la poésie d’une planète que j’aime, ô combien, libre et sans frontières! L'auteur de ce texte en a saisi toute l'essence :

 

« Le film commence avec la lune, suggestif et secret. Recueillement, silence, concentration. Non seulement « déplacements », mais rites et gestes répétés. L’espace est territoire, cartes géographiques connues et reparcourues, transmises. C’est un voyage qui épuise mais qui signifie vie, échange, cyclicité, 36 pays survolés, 4.000 oiseaux utilisés et 4 années de reprises. Le peuple migrateur absorbe et reproduit les sons qui, encore plus que les mots, sont témoins et éducateurs.

Il y a une voix hors champ, mais qui se limite à des commentaires discontinus, éclaircissement qui se perdent dans les images, laissant l’espace au regard et à l’enrichissement qui dérive d’un spectacle-enseignement. Le cadre appartient à des êtres naturels, les oiseaux migrateurs, tendus vers des espaces.

Le film raconte une histoire, non pas une fable. L’œil regarde et cherche. Panoramiques et plongeons dans le vide, encadrement intense, vaste, ouvert mais contraint à une confrontation toujours plus insistante avec des images tronquées, inachevées, des présences qui se suivent de près, montrant, intègre, la violence. Images toujours plus lentes, pour savourer. On sent croître la conscience de la douleur, d’une mort agressive, d’une fin inévitable, normale, d’une faiblesse non épargnée. La nature est même méchante, ou simplement complète. Il est inutile de s’abandonner à l’idée de voir un monde magique, tel n’est pas l’objectif, l’image est instrument et enquête sur la réalité.

« Le peuple migrateur » est la traduction en images d’un réflexion entre l’homme et la nature. Il n’y a pas de lutte entre le juste et l’injuste, il y a seulement complétude et perfection. Non pas absence de taches, mais un équilibre inné qui se régénère malgré les inévitables interférences que la nature rencontre. Dans tout cela l’homme s’insère comme un sujet-hôte, mais son effet n’est pas moins brutal que les autres, il est peut-être tout simplement plus « artificiel », plus détonnant. La négativité de son intervention n’est pas oubliée, mais on va également au-delà de l’idée de l’homme profanateur, en l’englobant dans la réalité où bien et mal, drame et joie représentent une intouchable, éternelle quotidienneté, où la confrontation implique la reconnaissance de ce qui est « injuste », mais non la condamnation parce que même ce qu’on perçoit comme le mal est nature et fait. Et pourtant, malgré l’indéniable rôle que l’homme s’y est découpé, il reste une distance, un sens d’infériorité, d’inadéquation. Car, au contraire, il y a des êtres qui possèdent les espaces et leur appartiennent, qui vivent en communion avec le reste, sans instruments ni technologie pour sentir et trouver. Il sont déjà «l’aiguille d’une boussole » et connaissent les étoiles, les vents, les terres, par expérience et tradition. Il y une distinction entre les deux « cultures », il y un duel mais aussi la possibilité d’une union, il suffit d’attendre et de savoir reconnaître son propre rôle, en respectant certains rythmes innés et continus. Et puis il y a tellement d’intelligence dans la nature que l’effort de s’approcher de ce qui est beau est inévitablement compris et payé de retour. Il s’agit de suggestions et de séductions, de documents sur ce qui est vrai et incroyablement normal. »

Suzanna Nasti (Traduction de l’italien ImpasseSud)

 

A ne pas manquer, même si les oiseaux ne vous intéressent pas, car vous y trouverez sûrement le profond bien-être d'un moment ... et peut-être autre chose.

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 2 Janvier 2005, 15:37 dans la rubrique "J'ai vu".