C’est la mode que vient de lancer un établissement de Rimini, cette célèbre station balnéaire de la côte adriatique italienne. Désormais, chacun dansera en suivant les notes transmises par un casque, dans le détachement le plus total de l’endroit où il se trouve et des gens qui l’entourent. Dans les années 70, on avait vu apparaître la danse solitaire et ondulante des corps détachés. Mais depuis ce vendredi, au « Turquoise » on danse sans musique, chacun avec son casque qui renvoie des airs diffusés par une chaîne de radio.
Imaginez des dizaines de corps qui se meuvent, suivant chacun un fil autonome, une chanson différente, les pensées de chacun tournées vers la dimension personnelle donnée à la fête. Plus aucune musique qui, depuis le début des années 90, restait l’unique « collant » qui garantissait, dans les discothèques, un pont entre un corps et l’autre, entre une tête et une autre. Plus aucun motif pour enlacer les bras et les jambes en spirales, séductrices, géométriques, provocatrices ou simplement démentielles. Plus aucune ritournelle commune à caresser des lèvres pour envoyer un signal, même minime, de communication. Plus aucun yéyé à entonner en cœur avec son propre groupe, en avançant vers des jeunes filles, veloutées et sinueuses, ou vers des jeunes hommes fiers de leur corps, qui répondent par des gestes et des expédients vieux comme le monde. Rien, plus rien.
Silence, on danse, ou plutôt, silence, on bouge, dans la danse du solipsisme, aussi autistique que suspendue dans la récupération des pensées personnelles. Un signal ? Mais non, seulement une mode estivale. Ou bien prendra-t-elle pied ? En attendant, elle est certainement évocatrice. Evocatrice de certaines atmosphères transmises par le cinéma d’Antonioni par exemple. Et la solitude des corps glisse vers la solitude des têtes. Le parcours est clair. Des bals, dans lesquels la danse était une liturgie mystique pour faire sa cour, où la danse était une occasion de rencontre pour deux personnes, on est passé à la masse indistincte de la discothèque, où danser signifie se fondre dans un tas, plus ou moins égal.
La solitude des corps était le langage des très jeunes, isolement tendu comme une corde à l’image d’une rébellion lancée sur un rythme de hip-hop, techno, rap, house, acid. La masse était seulement un signe de reconnaissance dans laquelle libérer ses impulsions ou, au maximum, se refermer en tortue pour affronter un groupe différent. Le corps annulé dans l’indistinct, la masse unie seulement par la musique.
Maintenant, non seulement le corps reste seul, mais même la tête s’isole. Les notes sont celles, individuelles, des casques, et on pourra seulement deviner celles du voisin. Des rituels de la cour et de l’union, la danse est en train de devenir le summum de l’abstraction….. Tout du moins à Rimini, capitale du « trend » italien où naissent les modes, mais aussi lieu où elles meurent.
(Sources : Il Nuovo)
Mot-clef : Société
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Re:
Moi, depuis que j'ai lu cet article, je n'arrête pas de penser à la beauté d'un tango argentin ou à la gaieté d'une gigue irlandaise. A toutes les époques, la danse a signifié joie de vivre, divertissement, intimité...
J'espère bien que cette nouvelle mode ne prendra pas, qu'elle mourra avec la fin de l’été.
"la musique solitaire en groupe"
L'homme est-il arrivée à la fin de son apogée pour finir dans une telle tristesse. Après la techno bourrée de décibels ou circule la drogue en toute liberté, voici maintenant "la musique solitaire en groupe" où tout le monde se cotoie en s'ignorant, mais quellle horreur! Où est le temps du bal musette où chacun invitait sa chacune en demandant la permission à son papa(comme Adamo). Je préfère voir des concours de danses acrobatiques ou de salon que de voir tous ces corps paumés, désarticulés et en plus dansant chacun une musique différente sans un seul son extérieur! c'est vraiment n'importe quoi! Il y a vraiment des bargeots pour qui tout est bon pour faire du fric et où les limites n'ont plus de sens!
Quand je pense qu'il y a des sourds qui rêvent de pouvoir entendre!