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"Loft story" à l’iraquienne

S’il y a une chose à laquelle la guerre ne fait aucun tort, c’est bien à la télévision. D’après un monitorage de la BBC, en , aujourd’hui, il n’y aurait pas moins de 80 stations de radio et 21 chaînes de télévision privées qui ont poussé comme des champignons sur l’onde euphorique de la disparition du monopole d’état de Saddam et de la libération de l’éther iraquien par les Américains. Il règne même une grande anarchie dans laquelle le gouvernement provisoire a essayé, par l’intermédiaire de la National Communications and Media, de mettre un peu d’ordre. Une loi provisoire sur les médias a été rédigée, et l’Higher Media Commission devrait établir les critères à respecter pour la diffusion des contenus (critères non seulement économiques, mais plutôt éditoriaux). A l’heure qu’il est, cependant, rien n’est encore bien clair. Mais revenons à nos moutons : la télé-réalité.

 

Big brother en Iraq ? Loft Story ? Grande Fratello? Nous y sommes presque grâce à la troupe de la chaîne Labour plus materials. Elle frappe aux portes des maisons de Bagdad endommagées par les bombardements, offrant à ses habitants de les reconstruire en échange de la permission de filmer 24 h sur 24 la vie des chanceux/malchanceux. Le choix, à son troisième épisode, vient de tomber sur une maison « multiethnique » bombardée par les rebelles iraquiens le 1er août dernier, habitée par un Kurde, un musulman et un chrétien : « Un parfait échantillon de la société iraquienne », souligne, satisfait, Ali Hanoon, le metteur en scène du programme. Les gens acceuillent la troupe comme une bénédiction, des sourires et des applaudissements : ils vivront ensemble pendant six semaines,
et à la fin, leur maison sera comme neuve.

 

Si on a vraiment de la chance, la chaîne de télé, en plus du mobilier, rend même la vue, comme cela s’est produit pour Dima, âgée de deux ans, qui est devenue aveugle suite à un bombardement, et qui a eu droit, sous l’oeil satisfait des caméras, à un billet pour la Jordanie et à l’argent nécessaire pour l’opération.

 

La télé-réalité, cependant, n’est pas la dernière invention diabolique des networks américains ou européens après la crise de créativité post Big Brother. Le programme est absolument « made in Iraq » !  L’idée est iraquienne, la production est iraquienne, l’équipe de reprises est iraquienne : « Nous voulons faire de la télé-réalité à notre façon. Nous nous inspirons des situations de ce pays, et, du reste, les Iraquiens n’ont pas besoin d’inventer des jeux sur le tas afin de mettre à l’épreuve leurs peurs et leurs aptitudes à la survie » dit Majeed Samarrae, qui fait partie du personnel du programme.

 

On n’accepte pas n’importe quelle candidature. Par exemple, le metteur en scène a écarté une des maisons dont le propriétaire prétendait la reconstruction avec une porte blindée et des décorations à l’occidentale. Car le but du programme est de montrer aux Iraquiens que des Iraquiens aident d’autres Iraquiens, sans l’interférence des Américains, sans aucunes consultations occidentales, en l’absence de technologie ou de budget millionnaire (il parait que les montants nécessaires pour la reconstruction des maisons (auxquels s’ajoutent les donations des téléspectateurs) proviennent directement du réseau. Labours plus materials est une chaîne iraquienne « DOC ». Elle s’appelle Al Sharqiya (l’Orientale), elle emploie une centaine de personnes entre ses bureaux de Bagdad et Dubai. En Iraq, elle transmet aussi bien par satellite que par voie terrestre, et à l’extérieur, on peut la prendre sur Nilesat, Arabsat et Hotbird 2. Cette « chaîne au goût iraquien », comme annonce la publicité, est née grâce à un investissement de 30 millions de dollars de la part de l’entrepreneur iraquien Saad al Bazzaz, ancien fidèle du parti Ba’ath, mais émigré à Londres il y a onze ans, et qui  est actuellement à la recherche d’un partenaire pour augmenter son capital.

 

Le prochain programme pour la saison à venir ?

Blessed Wedding : la chaîne paiera le mariage de deux jeunes dépourvus de moyens qui accepteront d’être suivis par les caméras de télévision durant les préparatifs, les noces elles-mêmes et leur lune de miel.

Ration Card : il s’agira d’un tirage au sort où l’heureux vainqueur recevra un prix de 1000 dollars (au cours de la dernière édition le sort est tombé sur un paysan de Kut qui n’a pas la télévision chez lui) .

Iraq’s Most Melancholy Home videos qui enregistrera les réactions à chaud d’une famille iraquienne tandis qu’elle regarde une vidéo d’amateur tournée par leurs anciens voisins émigrés à l’étranger.

 

En somme, il s'agit d'une toute autre réalité, par rapport au sang, aux bombes, aux enlèvements, aux violences et aux contradictions qui émergent des chaînes de télévision déjà interdites, comme Al Jazeera qui, par la violence qui émerge de ses programmes, inciterait au terrorisme, et Al Alam (TV propriété de la Télévision d’état iranienne qui transmet depuis Téhéran) dont les vérités ne plaisent pas à la force d'occupation, ou qui pourraient le devenir comme Al Arabiya (TV modérée à capital saoudien qui transmet de Dubaï), Al Manar (TV libanaise, propriété des Hezbollah qui transmet depuis Beyrouth).

(Sources : Il Manifesto)

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mercredi 22 Septembre 2004, 15:01 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

PierreDesiles
24-09-04 à 08:59

""...comme annonce la publicité, est née grâce à un investissement de 30 millions de dollars de la part de l’entrepreneur iraquien Saad al Bazzaz...""

Il ne veulent rien des américains, mais utilisent-ils toujours le dollar ?

Perso, pour ces chaînes, d'après ta description, elles ne montrent pas de propagandes pro ou anti quelque chose donc c'est déjà bien. Elles refusent toutes images de violence, ce qui est bien aussi. Faut-il passer par la pour aider à la reconstruction de l'Irak? je n'en sais rien. Toujours est-il que le leader terroriste Abou Moussab al-Zarqaoui exerce son sale pouvoir en Irak en toute tranquilité, avec ou sans ces TV réalité... et ça ca reste un mystère? Qui en tire les ficelles?


 
ImpasseSud
24-09-04 à 10:00

Re:

Pour l'instant et comme partout d'ailleurs, le dollar est encore souverain. Dans l'état actuel des choses, comment l'Iraq pourrait-il avoir une monnaie propre qui ait de la valeur? En tout cas, moi qui n'aime pas la téléréalité, je pense que dans ce cas spécifique ça n'est pas mal du tout.

Quant au terrorisme, que faut-il en dire? Personnellement je n'en dis plus rien. Je ne sais pas si tu es au courant de l'enlèvement et de l'exécution (?) des deux Italiennes qui travaillaient à Bagdad depuis un certain temps pour une ONG, "Un ponte per...", née en 1991 pour combattre l'embargo. L'une d'elle, choquée par la propagande que fait le gouvernement italien à propos de la "bonté et de l'efficacité" de ses troupes, avait déclaré récemment: "C'est vrai, les soldats italiens reconstruisent les routes, les écoles, etc..., mais le lendemain, ils tirent sur la foule. Donc les gens n'ont plus confiance, et ça fait du tort à toutes les ONG, même à celles qui sont là sans aucun but de profit."

 


 
PierreDesiles
24-09-04 à 19:41

Re: Re:

Si, je suis au courant pour les deux italiennes, malheureusement comme les deux français et les autres qui paient le prix de la folie humaine; pendant que Bush déclare que tout s'améliore en Irak devant le ministre irakien en visite aux USA. Pour eux il y aura les élections en Irak comme prévu selon un calendrier établi(surtout en synchro des élections présidentielles aux USA!)