Une de mes premières occupations quand que je me lève, le matin, c’est de sortir sur mon balcon pour aller voir quel temps il fait. Car je suis devenue exigeante, l’expression « il fait beau », assez courante sous cette latitude, ne me suffit plus. Le « beau temps », pour moi, comporte désormais de multiples nuances, comme la neige pour les Esquimaux. Surtout quand il a de grandes chances de conditionner ma journée...

Ce matin, je n’ai pas failli à la tradition, mais la lumière violente qui pénétrait déjà dans les pièces m’a annoncé qu’il s’agissait d’un jour rieur. Le blanc éblouissant de l’immeuble voisin pourtant bien délabré a commencé par m’aveugler. Puis, les bleus ont attiré mon regard, ceux de la mer, des collines, du ciel, sans la moindre fadeur. Les risées délicates, les rides ténues, les sciages vagabonds, un groupe de mouettes en congrès, un petit nuage mutin, une voile blanche au loin, le ventre immaculé d’un ferry, le sifflement des hirondelles en piqué, la cime d’un eucalyptus et un drap de couleur ondoyant au souffle d’une brise gaillarde dont le baiser glacé a surpris ma peau encore endormie, je n’avais plus envie de rentrer, de laisser ce bonheur m’échapper.

Aujourd’hui, je serai allègre, jouisseuse et peut-être même paresseuse, pour mieux profiter de l’instant. Je marcherai la tête haute, le corps léger, les membres libres, les épaules dans la lumière, pour témoigner de ce bien-être. Mon sourire sera facile, ma patience pimpante, mon intransigeance accommodante, mes avis conciliants et mes colères plus douces, et la plaisanterie la plus anodine aura ma faveur.

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