Tout le monde se souvient encore du scandale qui a éclaté l’année dernière au moment de l’élection de Miss Monde 2002 au Nigeria. Cette manifestation avait déclanché de telles émeutes que le concours avait dû plier bagages en vitesse et se rapatrier à Londres où s’était déroulée la sélection finale. Il faut avouer que choisir ce pays où les femmes violées risquent la lapidation pour adultère était faire preuve d’une absence totale de bon sens. Ou le dessein était-il provocateur ? Cependant, il semble que cette leçon n’ait servi à personne.

Nous grandissons tous avec des stéréotypes bien ancrés dans notre tête, dans nos raisonnements, dans nos réactions, et il est difficile ensuite de nous en séparer. Par exemple, dans notre for intérieur et malgré tous les efforts pour revoir nos idées préconçues, nous sommes encore convaincus que le mode de vie occidental est LE modèle à atteindre, pour tous. Et pourtant il serait temps de sortir de ce cliché, car nous ne pouvons plus ignorer qu’il existe d’autres cultures qui ont leurs propres valeurs. Leur émergence est même tellement forte que nous devons nous préparer à vivre dans une société d’une grande mixité de coutumes et d’idées, que cela nous plaise ou non. Cependant, la presse qui se trouve aux avant-postes de l’information continue ses chroniques selon ces stéréotypes dépassés, ne perdant pas une occasion de signaler les faits et gestes des femmes non occidentales, surtout quand elles s'occidentalisent, comme s’il s’agissait d’un "progrès" indiscutable.

Cette année le concours de Miss Terre 2003 se déroule à Manille et les éliminatoires ont commencé hier. Le candidates sont soixante, et ce matin Libération nous a fait cadeau de la photo de Miss Afghanistan en maillot de bain.  Et pourquoi Miss Afghanistan ? Pourquoi pas Miss Russie ou Miss Japon ? Le choix n’est pas anodin. Voudrait-on signifier par-là que l’Afghanistan s’est occidentalisé ou « normalisé » à un tel point qu’il a sa Miss, alors qu’on sait très bien que les femmes, au contraire, y portent toujours le burqa et qu’il est de nouveau de plus en plus difficile pour les filles d’aller à l’école ? 

Le Monde en a fait tout autant lors des Championnats du monde d’athlétisme de cet été à Paris. Il n’a pas pu s’empêcher de signaler avec emphase la présence de quatre (si mes souvenirs sont exacts) athlètes afghanes, les interrogeant surtout sur leur façon de se vêtir.

En ce qui me concerne, les Afghanes ont le droit à tous les choix, se mettre en maillot de bain, en short ou rester sous leur burqa. Ce qui compte, c’est qu’elles puissent le faire librement. Mais tout le monde sait très bien que c'est loin d'être le cas. Miss Afghanistan, même si elle devient Miss Terre, n’est qu’une Miss comme les autres, un "produit" occidental. Elle ne représente pas les femmes de son pays, ni même le petit nombre qui occupe des postes importants.

Alors, comment définir ce genre de journalisme dans un grand quotidien ?

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