Depuis quelques jours, je me demande si le rapport parents-adolsecents serait différent si nous connaissions en détail, dès l’âge de comprendre, l’histoire de l’enfance et de la jeunesse de nos parents, avec les joies et les difficultés éprouvées et vécues avant notre naissance. Cela changerait-il quelque chose dans les affrontements de l’adolescence quand l’incompréhension s’installe ? Cela nous rendrait-il plus indulgent ? Les rapports seraient plus souples, l’affection plus profonde et plus sincère ? Cette connaissance nous donnerait-elle le droit à un choix libre ?
Il s’agit bien entendu d’une question théorique, mais elle a un rapport avec un film que j’ai eu le plaisir de voir il y a quelques jours : “Moll Flanders” (1996). Si vous pensez à la mise à l’écran d’un de ces romans « rancis » du XVIII ème siècle, vous êtes loin du compte. Je n’ai pas lu le livre de Daniel Defoe dont il est tiré, mais j’ai été enchantée par ce magnifique film de Pen Densham, avec un « grand » Morgan Freeman dans le rôle de Hibble et Robin Wright (déjà vue dans Forrest Gump) dans celui de Moll Flanders, sans oublier la merveilleuse bande sonore de Marc Mancina.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, je la résumerai en quelques lignes :
Flora, petite fille rebelle de sept ans enfermée dans un orphelinat américain, reçoit un jour la visite d’un majordome, Hibble, qui a pour tâche de la ramener auprès d’une certaine Mrs. Allworthy qui aurait une dette envers elle, à condition cependant que durant leur voyage la petite écoute l’histoire de sa mère, Moll Flanders, racontée dans le journal qu’elle-même a écrit.
Moll Flanders, née en prison d’une femme condamnée à mort, s’évade, après les abus d’un prêtre, du couvent où elle a été élevée. Esprit libre épris du sens de la justice, elle va cependant au devant de diverses vicissitudes, et arrive dans un bordel tenu par Mrs. Allworthy dont Hibble est le majordome. Malgré les conseils de ce dernier devenu son ami, elle glisse peu à peu vers la prostitution la plus basse, persuadée qu’elle sait parfaitement ce qu’elle fait. Elle finit, pour une demi couronne, par être choisie comme modèle par un artiste-peintre réduit à la misère, dont elle finira cependant par s’éprendre. Avec lui, elle découvre finalement l’amour physique après avoir « fait tant de sexe », et elle en aura une enfant, Flora. Après la mort du peintre devenu son mari, elle est contrainte par Mrs. Allworthy à la suivre en Angleterre, et à abandonner sa fille encore au berceau.
J’arrête là mon récit….
La trame est pleine de surprises, jusqu’à la fin, et vous tient collé à l’écran. Mais après le plaisir éprouvé, je me suis rendue compte qu’il y avait deux sujets de réflexions très intéressants dans cette histoire.
D’une part, la phrase qui revient comme un leitmotiv dans la bouche de Moll : « je sais ce que je fais », et la deuxième, ce journal qu’une enfant de sept ans est obligée d’écouter.
Ils résument à eux seuls les affres de l’adolescence où on est très souvent persuadés qu’on est assez grand pour savoir ce que l’on fait, refusant de tenir compte du moindre conseil, mais aussi l’ignorance face à ces « étrangers » incompréhensibles que deviennent à l’improviste nos propres parents.
Il est clair que dans la plupart des cas, la vie de nos parents n’a rien eu de si romanesque, mais pourquoi refuse-t-on systématiquement, jusqu’à un certain âge, de considérer ses parents comme des êtres humains à part entière, pourquoi refuse-t-on de comprendre qu’ils ne peuvent pas toujours être aussi disponibles qu’ils voudraient l’être ? Est-ce la réponse à ces questions de toujours que cherchait Daniel Defoe ?
Ces considérations mises à part, allez voir ce film ou louez-le, il en vaut la peine.
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