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Nigeria, des femmes occupent le Terminal Shell

"Elles campent là depuis cinq semaines, rapporte la BBC. Près de 300 femmes du village de Amukpe, dans l’Etat du Delta, dans le Nigeria méridional, ont envahi un terminal pétrolifère de la multinationale anglo-hollandaise Shell, une des principales compagnies pétrolifères présente au Nigeria. Une des leaders de cette protestation pacifique, et pas la moins obstinée, explique qu’il a été facile de chasser les travailleurs et les surveillants (habituellement les plateformes pétrolifères sont très bien protégées par des services privés et la police armée) : « Nous sommes arrivées de nuit, comme le font les soldats. Nous étions beaucoup plus nombreuses qu’eux et nous sommes entrées. Nous étions plus de 300 femmes – ils ne pouvaient pas nous arrêter, comme ça nous les avons chassés », raconte Noki Ogodo au reporter de la TV britannique (BBC on-line, 18 août). Et pourtant ces dames  n’étaient pas armées, elles n’avaient apporté que des ustensiles de cuisine et des grabats, avec lesquels depuis plus d’un mois elles se préparent à manger et dorment dans l’installation pétrolifère.

 

Ce n’est pas la première fois que des femmes soulèvent une protestation pacifique sur les plateformes pétrolifères qui constellent le delta du fleuve Niger. Un précédent illustre est celui de juillet 2002, toujours dans l’Etat du Delta, quand plusieurs centaines de femmes de Ugborodo et de quelques villages des alentours avaient traversé le bras du fleuve qui les sépare du terminal pétrolifère de Chevron Texaco : cette fois-là aussi, grâce à leur nombre, les femmes avaient eu le dessus sur la vigilance armée. L’occupation avait duré à peine dix jours, mais elle avait réussi à « trouer l’écran » des médias internationaux. Quatre épisodes analogues au moins se sont produits depuis lors, même si avec une résonance mineure.

 

Les femmes d’Amukpe sont presque toutes vendeuses : elles font sécher du tapioca pour le vendre (le tapioca provient du manioc, la base alimentaire locale). Pour beaucoup d’entre elles, ce travail est l’unique activité de la famille. Le problème, c’est qu’elles avaient l’habitude de sécher le tapioca en utilisant la flamme d’une éruption de gaz naturel que, il y a quelques temps, Shell a décidé de clôturer. En somme, la compagnie pétrolifère leur a enlevé leur unique source de subsistance. « La plupart de nos hommes sont au chômage. Ce sont les femmes qui travaillent. Tu sais comment sont les gens de chez nous, quand ton mari a trois ou quatre femmes et que chacune d’elle a des enfants, tu dois lutter pour te débrouiller seule. », explique Madama Ogodo à la BBC.  Shell se défend, elle a mis une clôture autour de cette flamme de gaz pour une question de sécurité.

 

Cela s’est produit il y a trois mois. Les femmes, furieuses, répliquent qu’avec les millions de dollars qu’elle retire du pétrole de leur terre, Shell a la responsabilité morale d’améliorer la teneur de vie de la communauté du Delta. En pratique, elles demandent qu’on enlève la clôture ou qu’on fasse en sorte qu’elles puissent avoir accès à ce gaz d’une autre manière. Quand les colloques se sont révélés infructueux, elles ont occupé le terminal. Mais la compagnie n’a pas encore cédé. Les femmes n’ont pas peur que ce bras de fer finisse par la force : si la compagnie appelle la police ou les militaires pour les faire déloger, elles ont menacé de se déshabiller. Exposer la nudité, en particulier celle des femmes mûres et âgées qui occupent la plateforme de Shell, serait une insulte et une honte pour ces militaires. Mais il est probable qu’elle ne devront pas mettre en œuvre leur menace, Shell ne voudra certainement pas envoyer des militaires contre des femmes désarmées : la compagnie doit encore laver la honte de sa complicité dans la pendaison de neuf leaders de la communauté Ogoni, un peu plus au sud de l’immense delta…

 

Shell est obstinée, ça ne fait aucun de doute. Il y a un an, l’occupation du terminal Escravos de Chevron Texaco s’était conclue bien plus rapidement. Dans un mémorandum d’entente, signé en présence du chef traditionnel du village, la compagnie pétrolifère s’engageait à financier une école et un centre communautaire, à aider les femmes à créer un élevage de volailles et de poissons pour approvisionner la cafétéria du terminal, à donner de l’électricité et de l’eau potable à la communauté grâce à une fourniture directe du terminal…

...Et si ! Vu que le village près du centre des opérations de Chevron-Texaco dans Delta n’était illuminé que par quelques générateurs – donné pas la compagnie elle-même, il faut bien le reconnaître."

Marina Forti,  Il Manifesto, Traduction ImpasseSud)

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 22 Août 2003, 22:26 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
23-08-03 à 09:54

Si on décide de se bander les yeux et de se boucher les oreilles, si on laisse de côté le rapport exploités/exploiteurs, si on essaie de faire semblant de ne pas voir la disproportion entre l’infiniment désarmé des populations locales et les monstres avides que sont les multinationales, si on va même jusqu’à se dire qu’il n’y a rien de mal à exploiter les puits de pétrole car, après tout, ce sacré pétrole que nous utilisons à flot tous les jours, il faut bien le trouver quelque part…. bref, si on met toutes ces ignorances et ces bonnes raisons dans un plateau de la balance, il n’en reste pas moins que dans l’autre plateau il y a quelque chose qui dépasse la compréhension, qui pèse bien plus que tout le reste. Ces multinationales sont dirigées par des hommes (avec famille) qui gagnent des fortunes et à qui il ne manque rien de tout ce que l’on peut acheter. Ici, il ne s’agit pas d’hommes opprimés que le désespoir pousse à la violence. Alors pourquoi ce degré de méchanceté, de cruauté gratuite ? … car ils ne peuvent pas ne pas être au courant… Pourquoi enlever leur infime gagne-pain à des gens qu’on a déjà contraint à la misère ? Ou bien jouissent-ils de la situation ? Ce sadisme (parce que c'est de cela qu'il s'agit) dépasse mon entendement, et je ne peux pas y penser sans me sentir mal.

Il est clair qu’un accord tel que celui signé entre Chevron-Texaco et un chef de village ne résout pas le problème exploités/exploiteurs, mais quel poids peut bien avoir dans le bilan de ces multinationales un accord similaire qui permettrait aux populations locales de survivre ?

 


 
zeemzoom
24-08-03 à 11:52

Une question de responsabilité

ImpasseSud, tu évoques la question de la responsabilité des hommes qui dirigent ces boites. En somme la question est : "Puisqu'ils ne sont pas dans le besoin, loin de là, pourquoi continuent-ils à être aussi cupides ?"

Est-ce qu'on peut imaginer un monde où les dirigeants des grandes boîtes gardent une certaine humanité ? Cela me semble irréaliste. En revanche, on peut espérer que des mécanismes de défense contre le neo-colonialisme économique existent, ce serait cela l'espoir. 150 000 personnes sur le plateau du Larzac, si elles peuvent contribuer à l'émergence de tels mécanismes alors on pourra peut-être sauver un peu de notre terre.


 
ImpasseSud
24-08-03 à 19:25

Re: Une question de responsabilité

Zeemzoom, tu as parfaitement compris ce que je voulais dire : dans toutes les situations, quelles qu’elles soient, il y a toujours une question de responsabilité personnelle qui entre en jeu. Théoriquement, se considérer personnellement responsable de son propre comportement devrait être le propre de l’adulte, et, en fait, ce serait un premier pas pour remédier aux erreurs commises. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit irréalisable. Dans bien des circonstances, il suffit souvent de réfléchir cinq minutes pour savoir ce qu’il faut faire. Dans le cas de Shell, c’est flagrant. Que je sache, Chevron-Texaco n’a pas fait faillite après son minuscule geste, et c’est un de ses dirigeants (un homme) qui a pris la décision de signer cet accord.

Tu fais allusion au rassemblement du Larzac. Porto Alegre a eu également un très grand succès, tous les G8 réunissent un grans nombre d’alter mondialistes, le dernier Forum Social Européen en novembre 2002 a vu le rassemblement, à Florence. de près d’un million de personnes, etc… Mais le sommet de Johannesburg a été un fiasco, le forum de l’eau de Kyoto en mars dernier en a été un autre, etc… Et que sortira-t-il de Cancun ?  Et je passerai sous silence toutes les manifestations pour la paix qui n’ont pas empêché la guerre contre l’Iraq.  

Le sens, le besoin du rassemblement est dans l’air. Les gens qui ne sont pas complètement intoxiqués par notre société occidentale actuelle, qui ont envie d’un monde plus juste, éprouvent le besoin de se retrouver, de montrer au monde qu’ils existent, et parmi ceux qui restent chez eux, il y en a encore beaucoup d’autres qui sont de tout cœur avec eux. Mais en attendant, les guerres ont lieu quand même, les gouvernements et les multinationales se moquent de l’opinion publique et poursuivent leur politiques néo-colonialistes et leur écrasement des populations les plus faibles, continuant, sans états d’âmes, à « restructurer » les entreprises petites ou grandes, diminuant les personnels et rejetant vers le chômage et vers le peu d’opinion de soi-même un nombre toujours plus grand de personnes, le tout encore et toujours au nom du « profit ». On a l’impression de deux mondes qui s’agitent séparément. Les luttes à grand échelle sont dispersives, ou, quand elles aboutissent, l’Histoire nous a appris qu’elles aboutissent à des totalitarismes.

C’est pour cela que personnellement, je crois de plus en plus au sens de la responsabilité individuelle et à l’action personnelle, à une prise de position nette dans la vie de tous les jours. Il faut que chaque individu, surtout dans notre monde privilégié, apprenne à ne pas accepter tout et n‘importe quoi sans réfléchir, ou pour suivre la ligne d’une société. Il faut essayer de ne pas rester indifférents et encourager ses proches à ne pas l’être, boycotter certains produits et certains agissements, et enseigner aux enfants le simple sens de la mesure. Est-ce vraiment si utopique, si irréalisable que cela ?

Nous avons besoin sans aucun doute des alter mondialistes, et comme tu le dis si bien, il nous redonnent l’espoir, mais je suis aussi pour que chaque homme, quel que soit son niveau, conserve ou apprenne le sens de la responsabilité individuelle face à qui est plus faible que lui.


 
ImpasseSud
26-08-04 à 20:30

Les femmes nigériennes ont combattues leurs batailles il y a un an, mais la Tribu Ijaw est-elle en train de gagner?

« Hier le Nigeria a notifié à Shell qu’elle devra payer, d’ici cinq ans, un milliard et demi de dollars en dédommagement des dégâts provoqués à la communauté dans les zones d’extractions de pétrole brut. Le sénat nigérien a pris cette décision à la suite de la pétition présentée par la tribu Ijaw qui vit dans l’Etat du sud de Bayelsa, où opèrent quelques-unes des principales multinationales pétrolifères. Dans cette zone, en effet, en plus de Shell (propriété de la Royal Dutch/Shell), on retrouve la française Total et l’italienne Agip qui ont formé une association en participation avec l’Etat nigérien. Ce pays africain contribue pour 10 % à la production totale de Shell qui par le passé a déjà été impliqué dans des faits de corruption en ce qui concerne le soutien donné aux gouvernements et dans les interventions dans les conflits en action dans la zone du Delta. La première tranche d’un milliard est payable immédiatement, tandis que les 500 millions restants pourront être versés dans cinq ans ».

(Sources : Il Manifesto)

Les multinationales commenceraient-elle finalement à payer leurs dus?