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Notre corps, à qui appartient-il?
--> Un choix qui fait discuter

Dans un hôpital de Milan, une femme de 60 ans qui sait qu’elle mourra de septicémie d’ici quelques jours si on ne lui ampute pas sa jambe droite atteinte d’une gangrène, vient de refuser son consentement à l’opération. Elle considère que cet acte chirurgical est une violence contre sa personne, et elle préfère mourir plutôt que de se faire opérer. Elle est dans son plein droit, l’article 5 du Chapitre II de la Convention européenne sur les droits de l’Homme et la biomédecine signée à Oviedo le 14 avril 1997 ne laisse aucun doute. Les médecins qui l’opéreraient contre sa volonté, devraient répondre d’un acte de violence privée.

 

Comme on peut facilement se l’imaginer, on a tout essayé pour lui faire changer d’avis. Tout le monde s’y est mis, les médecins qui se sont adressés à sa famille qui a décidé de respecter sa volonté. Les psychologues, les services sociaux, les commissions éthiques en tout genre, le maire, la magistrature, et même le président de la région lombarde ont essayé d’intervenir à tour de rôle. Un journaliste du Corriere della Sera lui a même adressé une lettre ouverte.

 

Le Président du comité national de bioéthique a déclaré : « Aucune intervention ne peut être pratiquée contre la volonté d’un malade en pleine possession de ses facultés mentales, même pour lui sauver la vie. Il s’agit d’un principe constitutionnel que tout le monde partage. Toutefois, la pleine possession des facultés mentales d’un patient gravement malade ou même en fin de vie, peut facilement être altérée par plusieurs situations : l’indigence, la peur de l’avenir, l’état d’abandon au point de ne pas avoir de support familial, une information médicale incomplète ou inadéquate, une structure sanitaire de support insuffisante. … La souveraineté de l’autonomie du patient est hors de discussion, il s’agit d’un principe partagé, mais dès qu’il est clair que le patient est souverain, il est nécessaire de dire que la structure socio sanitaire doit être un support pour les malades qui sont des sujets particulièrement faibles, afin d’éviter que le moindre conditionnement familial, psychologique ou affectif puisse induire cette personne à un désir de mort qu’il faudrait intercepter et prévenir. »

L’adjoint aux services sociaux de Milan est pour l’intervention à tout prix : « Pour nous, un certificat médical serait suffisant pour qu’on puisse signer une décision de traitement sanitaire obligatoire. Je me demande si les psychologues de l’hôpital qui ont visité cette femme après qu’elle se soit opposée à l’opération ont fait une enquête approfondie, parce qu’il se peut que ce soit un moment de forte dépression qui l’ait incité à faire un tel choix. Et je ne sais pas jusqu’à quel point elle peut être consciente de son choix, choix qui n’a rien à voir avec l’euthanasie, pour laquelle je serais plutôt favorable ».

Le président de la région lombarde : « Je crois qu’on n’a pas le droit  d’obliger cette femme à décider de ce qu’elle veut faire de sa vie, mais on doit, au contraire, tout faire pour la convaincre à ne pas refuser la vie. Je crois que cette affaire peut s’insérer dans la solitude dans laquelle vivent de nombreuses personnes, surtout les personnes âgées. »

 

Mais la patiente n’a pas changé d’avis, et le ministre de la santé en personne a confirmé l’obligation au respect de la Convention. Sa volonté doit être respectée. Il se peut que son choix soit erroné, mais vu qu’elle est en pleine possession de ses facultés mentales, on ne peut pas l’obliger à un traitement qu’elle refuse.

 

Nous voilà de nouveau face à l’habituel dilemme : droit de vie, droit de mort, sur soi-même, sur les autres…. L’homme passe son temps à tuer ou à laisser mourir un nombre infini de ses semblables, mais quand il s’agit d’un cas particulier, comme le cas de cette femme ou récemment, celui de Vincent Humbert ou de Diane Pretty, les gens sont près à partir en croisade, à retourner ciel et terre, à consumer leur vue sur tous les codes juridiques. L’homme vivant en société, il est clair que la moindre décision en matière de vie ou de mort - comme toutes les décisions d’ailleurs - a toujours des conséquences sur son entourage. Mais pour moi, un homme n’est libre que s’il a le droit de décider de sa propre vie.

(Sources : Il Nuovo)

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 1 Février 2004, 17:16 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

tgtg
01-02-04 à 19:29

où est la limite???

si on la considère comme dépressive.........
on choisit pour elle!!!

à partir de "quand" décide-t-on pour l'autre?

 
ImpasseSud
01-02-04 à 20:18

Re: où est la limite???

Je pense qu'il est impossible de fixer une limite qui soit juste, chaque cas est toujours un cas unique. Et le "quand" est tellement sujectif, il peut donner lieu à tous les abus. Tout le monde est dépressif un jour ou l'autre, tout le monde souffre parfois de solitude, tout le monde est influencé à un moment ou à un autre par un évènement, par une personne. Mais peut-on dire pour autant que cela nous enlève la possession de nos facultés mentales, ou bien l'ensemble de tout cela est-il le propre de l'homme?

Dans le cas présent, il faut dire que cette femme a de gros problèmes de santé : son infection au pied n'a pas été soignée à temps, elle a le diabète, elle est obèse, et elle vient d'avoir une grosse broncho-pneumonie. Les psychiatres qui l'ont examinée l'ont déclarée parfaitement saine d'esprit, donc il ne reste plus qu'à attendre les prochaines nouvelles. Grâce à la Convention européenne, elle a encore le choix de rester sur sa décision ou bien de changer d'avis, et c'est très bien qu'il en soit ainsi. 


 
ImpasseSud
19-02-04 à 12:59

Elle est décédée

Maria, la femme dont ici il est question, est décédée le 11 février, chez elle, dans sa famille, comme elle le désirait.
Les médias l'ont annoncé aujourd'hui 19.02. Naîtra-t-il de nouveaux débats?

 
ImpasseSud
28-02-04 à 10:29

Un deuxième cas

Un deuxième cas vient de se présenter, identique, mais la femme est plus âgée. Cette fois-ci les médecins se sont tout de suite adressés à la magistrature afin d'obtenir le droit d'amputer même en l'absence du consentement de la patiente... comme s'ils ne pouvaient pas supporter l'idée que la malade leur échappe encore une fois. 

En France on vient de créer un Centre d'éthique clinique afin que les patients, leurs familles et leurs médecins aient la possibilité de discuter un cas avant de prendre une décision définitive. Lire à ce sujet le très bel article paru dans Le Monde du 27.02.04 "Questions d'éthique"