C’est le mois que je préfère. Après un été chaud, après les foules vacancières qui déambulent dans toutes sortes de tenues ou plutôt d’absence de tenues, après la nonchalance comme règle, après la chaleur accablante et les heures mortes où on attend le crépuscule, après les voluptés marines, voilà le retour aux habitudes, le retour au calme. Les parasols se sont fermés, les plages se sont vidées, les écoles se sont rouvertes, les vacances sont terminées. Mais ici, il y deux automnes, à trente minutes l’un de l’autre.

Le premier est celui de la mer. Sous un soleil encore chaud qui bronze volontiers quelques étrangers nordiques, la mer encore tiède, d’un bleu pâle laqué, est tout à coup désertée, et tend de plus en plus souvent à se fâcher. Les barques se font rares, on les a tirées à sec. Il ne reste que quelques planches à voile tardives. Le long du bord de mer, les promeneurs prennent leurs distances. Ils se contentent, au cours d’une conversation désormais soutenue, de laisser courir leur regard sur un paysage franc où la brume a disparu, où l’air est devenu limpide, les montagnes d’un bleu violet, la côte nette, et les nuages d’un gris blanc de carte postale. Le vert des arbres persistants persiste, les orangers et les citronniers sont lourds, les olives presque mûres commencent à tomber dans les voiles rouges étendus sur le sol. Seuls quelques platanes jaunissent. Tout un chacun a envie d’automne, mais il faudra encore endosser sandales et manches courtes pendant près d’un mois. Les boutiques exposent depuis longtemps des vêtements chauds que personne n’achète mais dont tout le monde rêve. La ville a repris son rythme chaotique, mais une grande douceur est dans l’air, on sait que l’été est enfin terminé mais on ne croit pas encore à l’hiver. Les nuits sont finalement fraîches et le repos se fait plus profond. Les jours raccourcissent tandis que le confort des nuits s’allonge. Le soir, au lieu de sortir, on reste chez soi.

Le second automne, celui de la montagne, est tout aussi chaleureux. Les cyclamens donnent le signal. Les bois se recueillent, les ruisseaux asséchés se gorgent. On gaule les noix, les champignons abondent et les châtaignes tombent. Quel bonheur que leur crépitement dans la poêle percée ou directement dans la braise. Et le parfum violent des bolets! Les chemins se couvrent de feuilles rousses, et le bruit des pas devient glissant, bruyant mais molletonné. Le parfum de l’humus détrempé se fait enivrant. Quelqu’un ose désormais allumer un feu, brûler quelques branches sèches, griller quelques saucisses, des épis de maïs. Mais parfois il fait déjà froid, le soleil est glacé, et gare à vous si vous n’avez pas prévu ce changement de climat, la cheminée flambante d’une gargote ou celle d’un refuge vous sembleront une œuvre de la providence. Les nuages s’accrochent, les hêtres, les châtaigniers, les arbres fruitiers se dénudent, les mélèzes se préparent, mais les chênes gardent leurs feuilles sèches. La montagne, du vert, passe au violet doré, uniforme et doux. Les écureuils noirs se font rares. Tout glisse déjà lentement vers le grand sommeil de l’hiver. Seuls les pins, les sapins se hissent dans l’attente de la première neige qui ne saurait tarder. Juste un mois, un petit mois, pour passer de l’été à l’hiver.

J'aime ce choix entre deux automnes….

Mots-clefs : Méditerranée, Flore.