Voilà plus deux ou trois ans que je suis leur épopée, la bataille de José Bové et celle des paysans du Piémont, la rébellion de Percy Schmeisser au Canada contre Monsanto, les statistiques favorables quand le rendement est meilleur, celles qui sont mauvaises quand les cultures d’OGM dessèchent et acidifient la terre, les résultats mitigés en Inde, la catastrophe au Mexique, l’enthousiasme de l’Afrique du Sud, les hésitations des pays de l’Afrique australe. Je suis au courant des pressions qu’exercent les Etats-Unis sur l’Europe pour qu’elle modifie sa législation en la matière (et elle est justement en train de le faire), du fait qu’ils comptent vendre leurs surplus aux pays d’Afrique où la faim fait rage. J’ai étudié le dossier de l’AFSSA (www.afssa.fr), où on envisage le problème sous tous ses aspects : bénéfices nutritionnels, mais aussi risques de perdre une part de la biodiversité et d’augmenter l’aridité des sols, effets positifs des OGM rouges sur certaines maladies et les espoirs qu’ils ont fait naître, très faible (malgré les rumeurs) risque allergène (moins de 1 % d’allergie aux farines transgéniques contre 10 à 15% d’allergies aux graminées).
Le numéro 2017 du Nouvel Observateur est consacré à cette question, et plus particulièrement l’article « Vont-ils envahir nos assiettes? », et il semble bien que rien, jusqu’à ce jour, ne permette d’affirmer qu’ils sont dangereux pour la santé.
Et voilà que le Vatican qui, toujours à la traîne en toutes circonstances, à part quand il s’agit de la guerre, décide tout à coup de se lancer et pourrait bien donner son feu vert en novembre prochain : « Le débat actuel concernant l’utilisation d’aliments génétiquement modifiés est plus d’ordre politique que social. Quand un peuple doit vaincre la faim, n’importe quelle nourriture peut servir à le nourrir. Les effets négatifs des OGM ne sont toujours pas démontrés et ceux qui sont dénutris ne font aucune distinction entre un aliment et un autre… Les problèmes posés par l’application de la génétique à l’homme dépendent de la finalité que l’on poursuit, et de l’importance du risque que le sujet humain subit… La biotechnologie appliquée aux plantes et aux animaux est un devoir » s’il peut résoudre la faim dans le monde. « Mais il est moralement obligatoire de vérifier et contrôler les effets sur la santé et l’environnement, ainsi que la transparence des textes sur les étiquettes. » (sources : la Stampa)
Il semble donc que les avis favorables sont de plus en plus nombreux, et je suis moi aussi convaincue que le problème est moins social que politique. En fait ce qui a fait surgir les conflits, c’est surtout la contamination plus ou moins forcée.
D’une part, par le vent, et ici nous retrouvons les luttes des pays riches où les agriculteurs veulent pouvoir choisir la qualité de leur produit, refusent les chaînes alimentaires contaminées, et craignent de perdre la biodiversité.
D’autre part, par la politique infâme et honteuse des « géants des gènes », ces multinationales de la semence comme Monsanto et DuPont qui contrôlent 93 % du marché, et brevettent, « fabriquent » et vendent des semences « stériles », obligeant implicitement à un nouvel achat l’année suivante, ce qui assurément ne résout pas les problèmes des pays du Tiers-monde, mais les rend de plus en plus dépendants, alors qu’il y a encore vingt ans, un grand nombre d'entre eux était encore autosuffisant.
En attendant, il n’en reste pas moins qu’il est urgent de combattre la faim qui fait, pour ne citer qu’un chiffre, mourir 6 millions d’enfants de moins de cinq ans chaque année dans le monde.
Alors, les OGM, pour ou contre ? Et pourquoi pas une solution intermédiaire ?
Mots-clefs : Planète Terre
Commentaires et Mises à jour :
Re: OGM, solution intermédiaire ...
Le coup de la famine est en fait une arme économique offensive des pays riches (principalement des U.S.) pour capturer des parts de marché.
Le principe est simple:
- Un pays, en proie à la guerre civile, se retrouve avec des réfugiés / une destruction des récoltes et devient en état de famine ponctuelle.
- Les pays riches fournissent de l'aide alimentaire. Ca ne leur coute rien, car ce sont des excédents qui devaient pourrir dans les silos ou être détruits pour éviter que les cours ne chutent.
- Les agriculteurs du pays en question, soumis à la concurrence de l'aide alimentaire, ne vendent plus leur production. Ils mettent la clé sous la porte et rejoignent les bidonvilles de la capitale.
- Une fois la période de disette passée, les pays riches refont payer leur nourriture au prix du marché, en ayant au passage piqué les parts des paysans ruinés.
Re: Re: OGM, solution intermédiaire ...
Castor, je ne sais pas si les OGM seront un jour vainqueurs de la famine, mais il n’est pas interdit de se poser la question : c’est ce que font les pays d’Afrique australe.
Quant à ton analyse sur les causes de la pauvreté en Afrique, elle manque un peu de recul. L’Afrique a vécu une période de colonisation qui, contrairement aux idées reçues, n’a pas détruit son équilibre alimentaire, car colonisateurs et colonisés vivaient séparément. Les premiers se servaient des matières premières, en y insufflant un peu de religion, tandis que les seconds continuaient à vivre à leurs rythmes en suivant leurs traditions. Ce qui a commencé à le détruire, bien avant les guerres intestines de ces derniers temps alimentées en sous-main par l’Occident, c’est surtout la globalisation économique. Je citerai pour preuve les chiffres suivants :
Au début du XXe siècle, l'Afrique était complètement autosuffisante, en 1961, elle l’était à 98 %, en 1971 elle l’était à 89 %, en 1971, elle ne l’était déjà plus qu’à 78 %. (Sources P.N. Bradley, "Produzione e distribuzione degli alimenti : la fame nel mondo"). Aujourd’hui la faim est évidente. Et pourtant durant ces mêmes périodes et avant l’introduction des OGM, la production mondiale des céréales de base, riz, blé et maïs, avait augmenté respectivement de 30, 40 et 50 %, et même légèrement en Afrique. Mais les Africains continuent à mourir de faim, parce que dans une économie intégrée, la nourriture ne va pas où on en a besoin, mais là où il y a de l’argent pour l’acheter. C’est comme ça que 66 % de la production mondiale de céréales va aux animaux des pays industrialisés et riches (sources FAO). Et le comble, c’est que les pays du Tiers-monde sont obligés de vendre aux animaux des pays riches, la nourriture qui pourrait la nourrir.
Il est bon de savoir également qu’en un premier temps, les populations africaines habituées aux échanges et aux trocs se sont refusés d’entrer dans le système d’économie monétaire (c’est-à-dire la nôtre), et que pour les forcer, les « conquérants » ont mis des taxes sur les cabanes. Le jeu était fait.
Donc, je commence à me convaincre qu’il y a quelque chose de mesquin dans le fait d’ajouter du scepticisme à propos des OGM, alors que la faim, pendant que j’écris ce commentaire, a fait mourir je ne sais combien de personnes. A mon point de vue, il faut combattre les « requins des semences » et leurs gènes stériles qui enfoncent encore plus les pays dans la misère, de la même façon que, dans un autre domaine, il faut combattre les brevets des sociétés pharmaceutiques qui favorisent implicitement la diffusion du SIDA.
Maintenant, que cela soit très difficile, je ne le mets pas en doute. Les conclusions du dernier Sommet de Johannesburg, l’année dernière, n’ont, en effet, pas été très optimistes.
Re: Re: Re: OGM, solution intermédiaire ...
Hello !
Les analyses trop générales portent à l'inaction ? Sans doute as-tu raison mais j'ai bien peur qu'à trop préciser l'analyse ont perd en clarté au niveau de la synthèse ... combien de fois n'ai-je pas vu des querelles sur le détail avoir le dessus sur toute démarche constructive ?
C'est une question que je me suis toujours posée, comment sortir du piège de la généralisation réductrice sans tomber dans l'inertie dialectique ? A chaque cause sa cause et négliger celle-là c'est toujours couper court à l'objectivité pour s'arrêter à une considération subjective; toute action en tant qu'elle dérive d'une analyse subjective n'est jamais que contestable ...
Il faut combattre les requins ? Mais qu'est ce qui fonde les requins ? Un système ... donc c'est ce système qu'il faut combattre si l'on ne veut pas brasser de l'air ou finir dans un consensus insatisfaisant qui sera remis en cause une génération plus tard par les mêmes réaffirmés. Mais combattre un système n'est-ce pas faire preuve de réduction à partir du moment que le tout n'est que la somme de ses parties ... aussi si l'on voulait être cohérent, il faudrait une action simultanée par les racines et par les extrémités de l'arbre ...
J'ai toujours pensé que ce n'étais pas en déconstruisant les choses qu'on parvenait à quelque chose mais en construisant par ailleurs un modèle qui apporte un démenti à celui dénoncé ... mais là je me fais taxer d'utopie et on me demande: "et dans la société unique, à pensée unique et exclusive, où te reste-t-il cet espace que tu revendiques ?" ... que répondre quand seul l'acte peut répondre à une telle objection ?
Re: Re: Re: Re: OGM, solution intermédiaire ...
Songe, je te remercie d'etre passé sur mon joueb, et j'espère que tu voudras bien m'excuser mais ça fait trois fois que je relis ton commentaire, et je n'ai toujours pas compris où tu veux en venir. Personnellement, je suis plutot pour les données concrètes, la théorie, il y en a déjà bien de trop, et elle ne mène nulle part. En attendant les gens continuent à mourir de faim.
Que les requins fassent partie du système ou non, cela n'empeche pas qu'il faut essayer de les contrer.
J'ai fait allusion aux sociétés pharmaceutiques et à leurs brevets. Et bien en date du 26 mai 2003, Le Conseil de l’UE a adopté un règlement permettant aux exportateurs de vendre les médicaments essentiels pour combattre le Sida, la tuberculose et la malaria, à des prix fortement réduits (« différenciés ») aux pays pauvres, en veillant à ce que ces produits ne reviennent pas par des voies détournées dans les pays de l'Union européenne. Les produits protégés par un brevet comme les produits génériques peuvent y figurer, à condition que les médicaments soient vendus à un prix réduit de 75% par rapport à la moyenne du prix départ-usine enregistrée dans les pays de l'OCDE ou au coût de production, majoré de 15%. Ces médicaments seront munis d’un logo spécial pour éviter que des petits malins ne les réimportent en Europe, en réalisant des bénéfices faramineux. Si tu veux en savoir plus : http://europa.eu.int/comm/trade/csc/med08_fr.htm
Si quelque chose a été fait pour contrer les brevets sur les médicaments, pourquoi serait-il impossible de faire la meme chose pour les brevets sur les OGM?
Re: Re: Re: Re: Re: OGM, solution intermédiaire ...
De rien ... c'est le débat citoyen ;) si chacun reste cloitré chez soi, je ne vois pas très bien où subsistera encore un peu de la définition qu'on donne de la "société" ?
J'avoue être resté assez obscur dans mes explications mais après avoir observé un peu le paysage politique, avoir assisté aux débats au sein de groupes et d'autres, j'en suis arrivé à me poser la question de l'efficacité d'une action lorsque celle-ci, pour se légitimer se doit aujourd'hui d'avoir à l'appui les données concrètes que tu cites; en effet, j'ai observé et assisté aux réunions d'ATTAC avec beaucoup d'intérêt mais j'ai surtout constaté que le concret se trouvait entièrement noyé sous un afflux d'informations, d'idées inconciliables en si peu de temps. On "zappe", tellement on veut ouvrir de fronts d'action. Finalement on se retrouve avec un contenu très travaillé mais inconciliable à une quelconque action efficace en l'absence de cette théorie générale qui l'oriente.
Si je devais reprendre l'exemple des industries pharmaceutiques (tu m'excuseras de ne pas enrichir mon propos d'autant de bons exemples concrets que toi), je dirais que tu peux combattre les brevets un à un mais tant que tu n'auras pas combattu la structure qui favorise leur floraison, tu n'auras jamais que guérit et oublié la prévention voire même la remise en cause même du concept de brevet ... les données concrètes appuient une action ciblée, la théorie une action généralisée au niveau de la cause première ...
Il est certainement possible de faire pareil pour les OGM mais ne faudrait-il pas envisager, pour éviter qu'on ne doive indéfiniment réctifier le tir d'une politique abusive, un contrôle citoyen au moins ? Car qui parvient encore de ceux que nous élisons à avoir un quelconque impact sur les huis-clos de l'OMC ou du FMI ? Je n'ai jamais eu le choix de réponse à la participation de la france à des plans comme ceux de l'AMI ou du GATT. Et là je remercie Platon d'avoir fait un peu de théorie et d'avoir dit un jour que les dérives d'une démocratie aboutissent à une oligarchie, une domination du fric !
Re: Re: Re: Re: Re: Re: OGM, solution intermédiaire ...
Des liens intéressants et une bonne introduction au problème, merci :-)
Je signale juste, sur le volet "OGM pour résorber la famine et lutter contre la pauvreté" une étude réalisée sur des plantes introduites au Kenya et en Afrique du Sud qui tend à démontrer qu'avec les objectifs poursuivis actuellement par les sélectionneurs, les OGM ont peu de chances de remplir ces deux fonctions.
Dans le Colorado, c’est la guerre contre les « pharma-food »
La société Meristem Therapeutics (dont le siège est en France) a l’intention de tester un nouveau type de maïs génétiquement modifié sur le sol du Colorado. Il ne s’agit pas cependant de maïs trangénique pour un simple, mais discutable, usage alimentaire, mais d’une culture destinée à produire des substances pharmaceutiques. Le maïs en question produit des protéines utilisées pour la création de la lipase, une enzyme utilisée pour soigner les problèmes digestifs.
Dans ce genre de cultures – encore au stade expérimental – le maïs ( mais aussi les tomates, la laitue, le soja) sont transformés en fabriques vivantes de substances pharmaceutiques. Pour ceux qui soutiennent ce procédé, il s’agirait d’une nouvelle frontière de la médecine, d’une façon pour produire des traitements plus économiques et accessibles pour tous les types de maladies. Mais pour les agriculteurs des zones dans lesquelles se déroulent les expériences de l’industrie biotech, cela signifie plutôt une menace mortelle pour la propre activité économique. Les consommateurs, se demandent en effet les paysans, vont-ils acheter un pop-corn dans lequel il pourrait y avoir la moindre parcelle accidentelle d’une substance médicamenteuse ? Probablement pas.
Donc biologues et cultivateurs du Colorado ont lancé une campagne de pression très bruyante, avec plaintes, lamentations et questions aux dirigeant de Meristem, aux hommes politiques de l’Etat et aux fédéraux, à laquelle se sont joint les écologistes et les consommateurs, personne n’ayant oublié les deux épisodes de contamination advenu dans l’Iowa et le Nebraska quelques mois auparavant. Là la ProdlGene, une compagnie biotech texane qui testait du maïs pharmaceutique, avait contaminé une bonne quantité de maïs et de soja pour usage alimentaire qui avait dû être détruite. La société avait été condamnée à payer une amende et les dégâts… mais en échange, elle avait reçu un prêt fédéral assez généreux. Le gouverneur, républicain, a repoussé la requête d’un moratoire pour les test de culture pharmaceutiques, et la Meristem a obtenu son autorisation, qu’elle hésite cependant à utiliser, vu l’état d’esprit hostile qui règne dans tout l’Etat.
Une coalition pour la sécurité alimentaire, la « Genetically Engineered Food Alert » est en train d’étudier l’idée de dénoncer le Ministère Fédéral de l’Agriculture. Comment les « pharma-food » s’en sortiront-ils ?
(Sources : Il Manifesto)
Quand on nous dit que le but est de rendre un médicament meilleur marché, je me demande de plus en plus souvent où est la tromperie.
Une première défaite pour Monsanto
Personne n’a encore démontré que les OGM sont dangereux pour l’homme, mais il semble, après une étude de trois ans demandée par Blair, que soit amplement démontrée leur influence néfaste sur la flore et la faune. Voir Le Monde du 18.10.03 « OGM : une étude britannique souligne les nuisances causées sur l'environnement ».
En attendant, face à l’opinion publique britannique durement contraire aux OGM, Monsanto a décidé de fermer les établissements qu’elle possède en Grande-Bretagne. (Il Manifesto 17.10.03)
OGM, solution intermédiaire ...
Bonjour !
Bonne question que celle des OGM et très bien introduite ...
J'aurais tendance à considérer que l'OGM, s'il n'était pas cette propriété privée serait effectivement une nécessité pour la politique alimentaire dans le tiers-monde mais c'est un leurre ... qui s'est préoccupé du développement du tiers-monde autrement que par un intolérable esprit d'intérêt (les plans du FMI sont une catastrophe et l'OMC est un rapace que certains débats entre Davos et Porto Allegre n'ont pas eu du mal à mettre en évidence (voir documents visuels d'ATTAC). Qui peut décemment penser que des OGM vont garnir la terre des sols d'Afrique où leur être exportés autrement que contre des politiques colonialistes inacceptables pour le "droit des peuples à disposer d'eux-même".
Tant que la nature sera brevetée et vendue, il n'y aura pas à se faire d'illusions, les bénéficiaires ne seront pas ceux qui n'ont aujourd'hui pas de préservatifs pour des raisons financières...
En ce qui concerne la santé, on a pu constater que des pirales (parasites du maïs) avaient subis des mutations à la suite de l'ingestion des OGM et qu'ainsi l'écosystème s'en retrouvait perturbé puisque certains prédateurs des pirales ne trouvent plus en elles la nourriture qu'elles représentaient auparavant ... si la nocivité des OGM n'est effectivement pas prouvée, il n'en demeure pas moins que dans le doute il serait naturel d'éviter la contamination des plants voisins par les semences modifiées ... or cette précautions élémentaires n'est non seulement pas de vigueur mais se trouve de plus éhontément esquivée par la dissimulation des plants qui ne sont pas signalés.
Je suis pour un contrôle des OGM, de leur commercialisation et de leur culture, je suis contre leur manipulation à des fins commerciales. L'intermédiaire est comme toute chose le contrôle citoyen qui fait tant défaut à cette société ...