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Petits enfants en prison
--> Ce qui enchante les petits "détenus"

Les petits "détenus" ont entre quelques jours et 3 ans, et leur cadre normal de vie est fait des murs d'une cellule avec des barreaux aux fenêtres. Il s'agit des enfants des femmes qui escomptent une peine de prison, une peine non commuable en arrêt à domicile parce qu'elles sont récidivistes, nomades ou étrangères. Sans familles ou abandonnées à leur sort, elles peuvent garder leurs enfants jusqu'à l'âge de trois ans, les élevant au mieux, dans la mesure de leurs moyens plus que réduits. Mais, heureusement pour eux, de temps en temps, ils ont le plaisir de vivre "la journée ordinaire" des autres enfants.

 

Samedi matin, 9 heures 30 : A Rebibbia, l'une des grandes prisons romaines, aujourd'hui est un jour de visite et les gens se pressent à l'entrée. Leda aussi est là, avec les jeunes volontaires qui viennent l'aider. Sa voiture est pleine de couches et de ballons de toutes les couleurs, de petits pots et de biberons, de bavoirs candides et de petites combinaisons parfumées. Non loin de là, un autobus attend, mis à sa disposition par la ville de Rome. Le but du voyage est programmé sur le moment, suivant la saison, le temps, le type d'accueil sur lequel elle peut compter ce jour-là. Alors l'éventail est vaste et il va d'un tour dans un grand magasin ou un centre commercial s'il pleut à une journée au bord de la mer ou en montagne (à Rome, l'une et l'autre sont proches), ou tout simplement dans un jardin public, dans un appartement en ville ou une résidence secondaire qu'on met à sa disposition pour quelques heures. Ce qui compte avant tout, c'est de sortir, voir, sentir, jouer dehors.

 

Peu après 10 heures, la petite troupe sort de Rebibbia. Aujourd'hui, les enfants ne sont que dix sur les vingt-et-un qui y sont enfermés avec leurs mères. Seuls les plus grands sont en meusre de sortir, mais ils sont tellement bavards que l'autobus semble plein : "le fait qu'ils rient, pleurent ou s'endorment", dit Leda , "nous dit comment ils ont passé la nuit précédente... car en prison, à quatre femmes plus quatre enfants par chambre, la vie n'est pas facile. Il suffit que l'un d'eux se mette à pleurer ou qu'il y ait une nouvelle arrivée pour que la nuit soit fichue." Ceux dont ce n'est pas la première sortie, sont naturellement plus désinvoltes. Ils reconnaissent les volontaires et n'hésitent pas à se jeter dans leurs bras (chacun a son préféré), réclamant petits pots et caresses. Les autres, tout du moins au début, sont un peu intimidés. Ils parlent peu, ne demandent rien. De temps en temps il murmurent un tout petit "maman". Un petit Sud-Américain, splendide, à la peau sombre et aux grands yeux noirs, s'endort, tranquille, au bout de quelques minutes. Tous les autres, les yeux écarquillés, écrasent leur nez contre les vitres. Ils regardent tout, ils sont fascinés par les motos rouges et par les bus bleus. Les coquelicots qui bordent la route qui va vers le centre de Rome, sont pour eux une véritable nouveauté, même pour les plus grands : comment peuvent-ils se souvenir de ceux de l'année dernière? Puis tout le monde commence à chanter. "Frère Jacques" va très fort, et même "Un éléphant, ça trompe". Mais ce qui a le plus grand succès c'est "Coccinelle, demoiselle...", accompagné par quelques mimiques gracieuses et maladroites, comme si les petits avaient eux aussi envie de s'envoler. Vu que le temps est moyen, vers 11 heures, le bus se dirige vers une maison d'accueil pour les mères maltraitées. Tout d'abord la petite troupe entre dans un grand jardin avec tobogans, tricycles, maisonettes en bois, ballons de toutes les tailles et chevaux à bascule. Il y a aussi un bassin où une tortue prend son temps. Une oie s'éclipse aussitôt devant cette invasion pacifique. Les nouveaux arrivés sont accueillis par de très jeunes enfants qui, tout fiers, leur font visiter "leur" maison, où tout est à leur mesure, des salles de bains à la cuisine, aux salles de jeux et aux chambres à coucher dont les parois plastifiées autorisent les dessins et l'écriture des premiers mots sans que personne ne dise rien. Sans oublier l'acquarium plein de poissons rouges. Les petits de Rebibbia ne courent pas, n'écrivent pas sur les murs. Ils explorent, ils regardent, ils touchent à tout avec délicatesse et caressent même, enchantés, les parois de l'acquarium. Puis ils retournent dans la cour car là il y a de l'air, du soleil, des fleurs. Un petit nomade en cueille une et l'offre à "sa" volontaire, laissant échapper un "maman" qu'il rattrape bien vite. Mais aujourd'hui, il y a aussi du vent : "Cela peut paraître bizarre," dit Andrea, volontaire depuis plus de dix ans, "mais il y a trois choses qui remplissent de joie et de stupeur ces enfants-là : le vent, un interrupteur pour la lumière et un trousseau de clefs." En prison, le vent ne souffle jamais. La lumière, (mais, pourquoi pas, le soleil?) on l'allume et on l'éteint de l'extérieur : l'obscurité pour la nuit et la lumière pour le jour, comme si un simple interrupteur imprimait le rythme du temps. Quant aux clefs, seuls les gardiens les possèdent : ne sont-elles pas une promesse de liberté?

 

C'est l'heure du repas et on a mis la table pour eux. Le concert des couverts et des verres commence immédiatement. Le chef d'orchestre est un "vétéran" de presque trois ans, cheveux sombres et manches retroussées. Il fait la loi depuis le matin. Le repas est princier, il n'y manque rien sauf.... la purée de pommes de terre. A Rebibbia elle est de tous les repas. Alors, un petit en demande...

 

Depuis que je connais cette histoire, je ne peux pas m'empêcher d'y penser à chaque fois que "j'ai la chance" d'être décoiffée par un coup de vent...

 

(Source : Il Manifesto)

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 9 Mai 2004, 12:00 dans la rubrique "Actualité".