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« Portes ouvertes », Gianni Amelio (1990)
--> Titre original : « Porte aperte »

Face à l’insécurité croissante de notre société occidentale, en Italie il n’est pas rare qu’une personne âgée vous déclare encore que sous le Fascisme on pouvait dormir « les portes ouvertes ». C’est plus ou moins le sujet de ce film que j’ai revu avec grand intérêt hier soir : s’il n’y a rien de mal à vouloir vivre en toute sécurité, c’est-à-dire les portes ouvertes, sûrs que personne ne viendra bouleverser notre tranquillité, que se passe-t-il quand, on nom de cette même sécurité, on consent à l’élimination de tout et tous ceux qui représentent une menace pour l'« ordre » ? D’autant plus que quand on en arrive là, les seules portes de la vie qui restent ouvertes ce sont celles des « amitiés » et de la folie de l’arbitraire. Un triple assassinat, c’est par là que commence Portes ouvertes de Gianni Amelio, histoire tirée d’un fait divers réel raconté par Leonardo Sciascia en 1937 dans un bref récit.

 

Palerme, 1936 : Un matin, Tommaso Scalia (Ennio Fantastichini) assassine froidement le supérieur hiérarchique qui l’a licencié, l’ancien collègue qui a pris sa place et, pour finir, sa propre femme, puis il rentre chez lui et attend tranquillement l’arrivée des forces de l’ordre. Selon la loi en vigueur sous le Fascisme, la sanction qui l’attend est la peine de mort et il le sait. Mais un des juges adjoints de son procès, Vito Di Francesco (un superbe Gian Maria Volonté), veuf et père d'une fillette, est convaincu que la peine de mort n’a rien à voir avec la jurisprudence, qu’elle sert à ceux qui gouvernent et pas aux citoyens. Il est convaincu que le crime, malheureusement, est un phénomène social inévitable et partie intégrante d'une société saine, non pas immobilisée par le mythe paradisiaque de l'ordre parfait. Devoir fermer sa porte (et il avoue le faire tous les soirs), c'est le prix à payer à la richesse de la diversité et au progrès qui en découle. Et, pour finir, il est convaincu qu'aucun procès ne doit être sacrifié à la raison d'Etat. Il va donc s’employer scrupuleusement à faire le jour sur les circonstances qui ont motivé l’assassin. Même si aucune d’elles ne se révèle atténuante, mais confirme au contraire la monstruosité du personnage, il réussira à faire commuer cette peine capitale en prison à perpétuité, contre l’avis du Président de la Cour d'Assises, contre l’opinion publique qui désire une condamnation rapide, et même contre l'aspiration de Scalia en personne, avec l’aide inattendue d’un juré d’extraction paysanne mais élevé au milieu des livres qui lui fait cadeau de L’Idiot de Dostoïevski. Les livres et la tradition de civiliation dont ils sont porteurs : la splendide bibliothèque qu'on découvre en pleine campagne est sans doute le sommet du film. Di Francesco obtiendra ce qu’il voulait en premier jugement (en appel, Scalia sera condamné à mort puis exécuté), mais finira par payer cette hardiesse de sa personne.

 

Bien sûr, ici tout se passe il y a plus de soixante-dix ans et sous le régime fasciste italien. Mais à notre époque où on est encore obligés de lutter pour l’abolition de la peine de mort, où on en appelle, d'un côté, à la sécurité à n'importe quel prix et où on en profite, de l'autre, pour réduire la sphère de nos libertés comme la fameuse peau de chagrin, où en France il y a de grands remaniements au niveau de la justice, où en Italie le gouvernement promulgue à tour de bras des lois ad personam pour dépénaliser les délits de la caste régnante et où la magistrature a déjà cru nécessaire d’envoyer une lettre-appel à l’ONU dans laquelle les magistrats italiens ont dénoncé le risque que leur autonomie soit minée par le pouvoir politique, voilà un film très important, à voir ou à revoir. D’autant plus que le scénario y est d’une grande sobriété sans la moindre rhétorique et les acteurs excellents.

 

En VO en italien. En anglais

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 18 Janvier 2009, 10:08 dans la rubrique "J'ai vu".