Je viens de lire un article très intéressant sur « Libération » du 26.09 : « Savoir prendre son thon ». Bien sûr, ça n’intéresse pas tout le monde. La pêche au thon n’est cependant pas le fond de l’article. L’auteur fait le récit d'un type de vacances un peu particulier : une partie de pêche au thon de cinq jours sur un voilier qui est la réplique d’un langoustier camarétois de la grande époque : 18,88 mètres de « bois d’arbre », façon d’exprimer son admiration devant le grand mât vernis, la voûte arrière toute blanche, la barre lourde. Une description de ce genre, rien de tel pour m’attirer, car j’en ai vraiment assez des pannes d’eau, des black-out d’électricités et des agressions en tous genre qui caractérisent la vie d’aujourd’hui. Peut-être qu’un retour à la vie simple, proche des éléments naturels, ne serait pas une si mauvaise idée, car, de toute façon, on ne nous demande pas notre avis quand on décide de nous priver, sans préavis, de la modernité et de ses avantages.
L’article est donc passionnant, écrit par quelqu’un de compétent et qui sait de quoi il parle, mais le style !!!?…… Au milieu d'un récit qui coule comme une source on trouve :
« Arrivée sur zone » : pourquoi pas « arrivée sur la zone » ?
« me met minable » : pourquoi pas « me donne la sensation d’être un minable » ?
« à preuve » : pourquoi pas « la preuve » ?
« était limite de mauvaise humeur » : pourquoi pas « était à la limite de la mauvaise humeur » ?
« On buvait un thé avec Lucie": « pourquoi pas « Lucie et moi, on buvait un thé » ?
« On discutait tranquillou » : pourquoi pas « on discutait tranquillement » ?
« C’est un peu cliché » : pourquoi « c’est peut-être un cliché » ?
« Rentrer au port sans avoir la honte » : pourquoi pas « rentrer au port sans avoir honte » ?
« Le congelo » : pourquoi pas « le congélateur » ?
Je ne connais pas l'auteur de cet article, mais je me suis posée un certain nombre de questions. Pourquoi a-t-il délibérément ajouté à un style très vivant, naturellement allègre et élégant des expressions mi-copain mi-faubouriennes qui ne semblent même pas lui appartenir? Dans quel but ? Pour épater un public jeune qui, fort probablement, ne le lira pas ? Pour attirer qui ? Pour avoir l’air plus proche du peuple et être publié par Libération ? Qui voulait-il éblouir? Aurait-il eu l'air snob s’il avait écrit tout son article sans ces quelques bévues?
Pourquoi vouloir avoir l’air de ce qu’on n’est pas ? Le naturel ne revient-il pas toujours au galop ?
Il en est de même dans certains jouebs ou blogs, où il est dommage que leurs auteurs ne se rendent pas compte qu'ils seraient bien plus intéressants s'il parlaient de ce que qu'ils sont vraiment et de ce qui les intéresse vraiment, au lieu de vouloir imiter je ne sais qui.
Commentaires et Mises à jour :
Re: ...
Si tu as l'air réactionnaire, alors nous sommes deux!
As-tu lu mon article : "Pensées en photo et à propos du pouvoir du langage"? J'y parle justement de tous ces dérapages du langage actuel, qui, d'une part conduit à l'incompréhension, et d'autre part est en fait "officialisé" par la télévision et un certain théâtre qui se croit de génie. Bientôt, le Larousse pourra abolir son dictionnaire de l'argot et tout réunir en un seul volume.
Quant à "kifer", il faudrait peut-être demander à Jean-Pierre Thorn.
Que les langues évoluent, c'est normal, mais en général, elle le font suite aux apports extérieurs, et non pas en y immisçant des termes ou des expressions comprises par un tout petit groupe qui les crée dans un but de provocation.
...
Ah oui, mille fois d'accord avec toi, ce "nouveau" français m'irrite au plus haut point! A tel point que je ne m'y retrouve plus du tout... Il y a également cette expression abominable qui consiste à mettre "trop" devant n'importe quel qualificatif... Ou "kiffer"... Je suis incapable de dire ce que cela veut dire et pourtant, tout le monde "kiffe"...
Le drame, c'est que cela fait partie de l'évolution de la langue française et, hélas, cette évolution ne prend en compte que les évolutions françaises de France... Exemple, le son "un" a disparu des dictionnaires phonétiques transformé en "in"... Des mots comme "kiffer" vont bientôt entrer dans le dictionnaire, d'autre comme "keuf", "meuf" y sont déjà...
J'ai l'air réactionnaire comme ça, mais je suis très attaché à la beauté des mots et des phrases...