Les présidentielles françaises sont pour l’année prochaine, mais on est déjà en pleine profusion de désinformation et d'intoxication dans un désir de main basse sur l'électorat. Et pourtant, non seulement à mes yeux, mais aussi à ceux d’un grand nombre de personnes, l’information de qualité, celle qui tient compte de son public sans essayer de le façonner ou de l'influencer sans l'annoncer, est encore quelque chose de nécessaire, voire d’essentiel. Voici une petite histoire vraie qui m'a beaucoup plue, car elle lui redonne la juste place et le sens de l'éthique qui devraient toujours être les siens.
« Il fait encore nuit. Une lune jalouse empêche le soleil de se lever. Cependant, Soka Ilonga Myama Guy est déjà réveillé, comme bonne partie des habitants de Boende, un village rural sur la ligne de l’équateur, au Congo. Son vieux mégaphone, assez mal en point, fidèle compagnon de ces dernières années l’attend. A l’aube, Radio Communautaire Bonanga « va en ondes ».
Il fut un temps où on se moquait de lui à cause de son initiative plutôt bizarre, mais aujourd’hui Ilonga a créé une solide opposition aux faibles radios nationales, devenant une source d’information locale, fiable et neutre. Son travail l'occupe constamment : en moyenne, il parcourt à pied entre trente et quarante kilomètres par jour pour informer la population sur les derniers évènements.
A Boende, il a suffi d’une voix sonnante et de l’amplification d’un mégaphone pour faire naître une nouvelle pousse dans l’aride terrain du pluralisme de l’information. Une cheville importante dans la délicate mosaïque qui voit
« Durant la seconde guerre congolaise (à partir de 1998), Boende a subi une série d’incursions et de tueries de la part des troupes rwandaises qui ont pénétré dans le pays jusqu’ici », raconte Scirocco. « Et les routes en bon état et le courant électrique qui un temps étaient présents ont commencé à manquer jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un vague souvenir. Il n’y a pas d’eau courante, et pour rejoindre la source la plus poche, il faut faire chaque jour trois kilomètres. »
Les moyens d’information sont à peu près inexistants : vu l’absence d’électricité, les portables - en plus d’être l’apanage de la classe supérieure et cultivée, - sont très rares et il faut aller les recharger ailleurs ; il n’y a pas de télévision, et ne parlons pas d’Internet. Vu le fort analphabétisme (environ 90 % de la population ne sait ni lire ni écrire) et leurs prix extrêmement élevés, les journaux ne sont même pas distribués. Par contre, la radio est très répandue.
« Dans le territoire de Boende », explique Lorenzo Scirocco, « il est possible de se syntoniser sur deux stations de radio, nationales l’une et l’autre : Radio Populaire, attachée au parti MLC, et Radio Okapi, attachée à la mission des Nations Unies,
C’est justement pour combattre cette situation difficile que Monsieur Soka Ilonga Guy, il y a environ cinq ans, a fondé Radio Communautaire Bonanga. Après avoir passé sa vie en voyage à travers le Congo en tant que musicien, aujourd’hui cet homme – père de seize enfants et mari de cinq femmes -, a décidé de rentrer dans son village et de consacrer sa vie à la communauté. Issu d’une famille de shamans bénévoles, un jour, il s’est rendu dans la forêt et, « inspiré » par ses ancêtres, il a trouvé comment il pourrait se rendre utile. Durant la guerre, il avait déjà fait des expériences avec les moyens de l’information, devenant informateur radio pour l’armée congolaise puis s’accréditant comme journaliste.
A Boende, une véritable station radio, avec transistors, fréquences et haut-parleurs, est impensable. « Chaque jour, Monsieur Illonga parcourt des dizaines de kilomètres à pied en informant les villages qui, autrement, seraient encore plus isolés du reste du monde », dit l’observateur de l’ASI. « Actuellement la radio se sert de 12 journalistes qui, via SMS, informent le président fondateur. La raison d’être de Radio Bonanga tient justement à sa « mobilité », dans le fait de n’avoir aucun bureau de diffusion des informations. Une radio devenue fondamentale pour la communauté de ce territoire. «
« Bonanga, en lingala, la langue parlée dans cette région, signifie « de la communauté ».
« Monsieur Ilonga », raconte encore Scirroco, « a pris une part active aux élections. Au Congo, il y avait plus de quarante ans qu’on n’avait pas voté [voir tous les détails sur ces élections ici, NdT], les gens ne savaient pas comment faire. Ilonga a empoigné son mégaphone et a essayé de transmettre à la population l’importance d’un vote conscient, informé, libre, personnel et secret ».
Aujourd’hui, Bonga demande une aide pour pouvoir continuer sa mission, Il veut former une véritable « rédaction ». Il a demandé 3 nouveaux mégaphones, 120 piles rechargeables, 4 bicyclettes pour pouvoir se déplacer plus rapidement et un panneau solaire. L’ONG de Sarno a déjà mis le projet sur pied pour un total de 1270 dollars.»
Luigi Colombo (« Radio Bonanga va in giro a piedi », Il Manifesto)
(Traduction de l’italien ImpasseSud)
A ne pas oublier.
Mots-clefs : Afrique, Médias, Société, Guerres, Hommes de bonne volonté
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