Au lycée, quand on étudie l'Histoire, on découvre la montée des totalitarismes (de droite ou de gauche) dans certains pays. Au fond de soi, on émet un jugement sévère, car, à 18 ans, on n’arrive pas à comprendre comment il est possible qu'un peuple tout entier se laisse convaincre à s'engager dans des aventures néfastes pour lui-même et dont, immanquablement, il ne peut que subir les retombées et les conséquences douloureuses, sacrifiant ses enfants et aliénant sa liberté. Comment se fait-il que les gens, même les meilleurs, même les plus éminents, se laissent faire, se retournant même contre la petite partie de la population qui garde encore les yeux ouverts? Et bien maintenant j'ai compris.
Il faut avant tout une période de récession, peut importe son ampleur. Le leader totalitaire qui désire être élu et prendre le pouvoir doit faire deux choses :
1) annoncer que lui, il va sortir le peuple de cette récession;
2) éviter absolument (c'est essentiel) de faire la moindre allusion aux problèmes qui éveillent les mauvais sentiments, car il risque d'éloigner l’électorat encore capable de s'indigner.
Dès qu'il arrive au pouvoir de façon tout à fait légale (c'est important, car on ne manquera pas de le rappeler lors de toutes les protestations), le leader commence par endormir l'opinion publique, afin de la conditionner, répétant à longueur de journée que si les choses ne s'arrangent pas aussi vite qu'il l'avait promis, c'est parce que c'est la faute de l'idéologie ou du gouvernement précédent qui a laissé un marasme tellement profond qu'il faudra du temps pour que la nation se remette.
En même temps, le leader transforme les médias, en douce, un « grand ménage » serait choquant. A la télévision, il fait en sorte que les personnages gênants perdent progressivement leur place, et s'arrange pour qu'on les remplace par des journalistes dévoués à sa personne, médiocres ou vendus. Il donne un coup de pousse à la presse de son bord qui n'arrête plus de chanter ses louages, transformant et usant les informations à son bon plaisir, tout en poursuivant une campagne de dénigrements, calomnies, et accusations contre l'opposition qui, elle, joue encore plus ou moins franc jeu, car elle n'a pas encore compris à qui elle a affaire. Il rend la vie difficile à sa presse qui finit par crier seule dans son coin, et corrompt "moralement" tous ceux du centre, pleins d'ambiguïtés et d'indécisions. Il ne reste plus que la magistrature, incommode, parce qu’elle persiste à défendre son indépendance. Mais là aussi, ce n'est qu'une question de temps, il suffit de l'accuser jour après jour de partialité.
Le tour est joué. Tout a changé, mais l’apparence est intacte. Personne, ou presque, ne s'en est aperçu, car aucun sang n’a coulé et l'information est muselée. Le peuple, désormais abreuvé par le nouveau produit « aseptique » qui l'a remplacée, ou par, quand c'est nécessaire, des informations manipulées ou carrément fausses, suivra comme un seul homme son leader, dès qu'il lui fera miroiter les "bons sentiments", un "juste patriotisme", dès qu'il mettra à l'honneur "ses racines" et "son Histoire". Ce même peuple, qui quelques mois auparavant manifestait son désaccord, est aujourd’hui prêt (poussé pas les raisonnements les plus mensongers) à renier tout ce en quoi il a cru jusque-là, à sacrifier les meilleurs de ses hommes, à faire emprisonner les opposants, et à appuyer toutes les mesures qui restreignent sa liberté et la démocratie.
Le consentement est quasiment total ! Le leader a les mains libres.
Mots-clefs : Médias, Société
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Dois-je donc effacer mes liens vers ce poème afin de ne pas corrompre le sens de mon article (car je n'en ai aucune envie), ou bien puis-je les laisser en tenant compte de la date à laquelle il l'a écrit, en 1942, quand il faisait parti de la Résistance?
Que ferais-tu à ma place? J'attends ta réponse !!! :-)
Re: Re:
Eluard n'avait pas le recul que nous avons. Beaucoup de ses admirateurs déploraient son engagement communiste mais Il rêvait à un monde meilleur qu'il sublima dans un poème écrit à l'occasion de l'anniversaire de Staline. Bien que son attitude vis à vis de celui-ci sera démentie, elle ne sera jamais réfutée.
Tu me demandes si tu dois effacer le poème Liberté. Je n'ai pas de réponse tranchée. Ce poème n'est peut être pas à sa place pour illustrer ton article en connaissant ces informations mais Il est devenue un symbole et puis tant de gens se sont fourvoyés dans le stalinisme à commencer par le PCF.
Re: Re: Re:
Re: Re: Re: Re:
je pense que LIberté illutre mal ton article.
réponse
Re: réponse
Si tu te réfères au contexte économique des années 30, tu n'aurais peut-être pas tort si Hitler et Mussolini avaient su s'arrêter à temps, avant que leur folie impérialiste et raciste ne détruise leurs pays, dans un état bien pire que celui des années 20. Leurs buts et leurs ambitions étaient donc bien différents.
Mais ce contexte n'existe plus aujourd'hui. Même si l'Occident traverse effectivement une période de crise, les conditions économiques des deux périodes n'ont rien de comparable. Mais malgré cela dans certains pays européens on assiste à la montée d'une oligarchie méprisante, au détriment de tout le reste de la population. Le révisionnisme y bat son plein, l'information n'existe plus, les mesonges les plus grossiers sont la normalité, les acquits sont grignotés et le droit des plus faibles piétiné.
S'il est vrai qu'un fascisme ne monte pas sans qu'une partie de la population soit consentante, la recette est cependant toujours la même. Le contexte économique n'est qu'un prétexte. Le fascisme, c'est l'arrivisme des frustrés.
D'accord avec ton scénario de la montée du totalitarisme que l'on peut d'ailleurs appliquer à TOUS les gouvernements de nos chers pays dit libres - foutaise que cette liberté car TOUT est aux mains du pouvoir en place quel qu'il soit, directement ou indirectement. Il n'y a pratiquement rien qui échappe à son contrôle, les RG (renseignements généraux) ne fouinent-ils pas partout pour cela (sous prétexte de sécurité territoriale) ?
Quant à Paul-Eugène Grindel, alias Paul Eluard né à Saint-Denis le 14 décembre 1895, mort en 1952, il a raconté lui-même que le poème qui devait le rendre célèbre au-delà des cercles d’amateurs de poésie, Liberté, écrit en 1941, fut d’abord, dans sa première mouture, un poème d’amour; qu’il s’intitulait primitivement Une seule pensée, que cette pensée était celle de la femme qu’il aimait. Il extrapola ensuite ce texte en "remplaçant" l'être aimé par le mot Liberté.
Il m'indispose aussi de voir citer le nom de ce poète en lui prêtant un habit de défenseur des libertés car il fut un grand admirateur de Staline qui, comme chacun sait, privât de liberté des millions de femmes et d'hommes en les massacrant et en poursuivant sans relâche les penseurs d'un communisme plus humain comme Léon Trotski
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