Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Edwards G.B., « Sarnia » (1981)

Ebenezer Le Page est un vieil homme intraitable, têtu mais fascinant. Paysan et marin pêcheur, il a passé toute sa vie dans l’île de Guernesey, - Sarnia en latin -, un monde à part entre l’Angleterre et la France. Durant les années 60, âgé et sa fin prochaine, malgré son caractère sauvagement indépendant il décide de raconter sa propre histoire et les histoires de tous ceux qu’il a connus, - sur près de cent ans -, et les consigne dans trois gros cahiers où il écrit sur les secrets des familles et des propriétés, les amitiés inoubliables et les amitiés trahies, un amour fugitif et perdu. The Book of Ebenezer Le Page – c’est son titre en anglais -, est la belle chronique de toute une vie, étonnement détaillée. C’est également une façon de régler ses comptes avec les traumatismes du XXème siècle. Dans les deux premiers cahiers, il s’attarde sur les deux hommes qu’il a perdus au cours des deux guerres : Jim, son ami de toujours, au cours de la Première, et Raymond, un neveu délicat et tourmenté, pendant la Seconde, durant l’occupation allemande. Dans le troisième cahier, c’est à l’invasion du commerce et du tourisme qui défigure rapidement son île bien aimée qu’il s’en prend, contre lesquels il a essayé de résister… entre autre en se mettant à la recherche d’un héritier digne de lui, un Guernesiais authentique. Son choix tombera sur Neville Falla, ancien garnement, jeune peintre, mais sans doute quelque chose de plus, auquel il dédicacera ses cahiers.

« Sa façon de raconter », écrit Maurice Nadeau dans la préface de l’édition française, « lente et précautionneuse, précise jusqu’à la minutie, simple et colorée, tisse fil à fil un champ de réalité où l’air, le ciel, les rochers et les hommes sont pris dans le réseau d’une écriture qui se confond avec la vie. Vous allez croire qu’Ebenezer est intarissable alors que peu à peu on oublie qu’il parle et, pour un peu, on lui reprocherait de n’en pas dire assez. Car il faut l’entendre à demi-mot le rusé bonhomme, découvrir derrière ce qu’il dit le sous-entendu, et il est habile à redécouvrir par l’humour ou la fine allusion ce qu’il veut seulement suggérer.

« Il sait dire parce qu’il sait voir, et parce qu’il sait voir il sait montrer. Il y faut quelques solides qualités : lucidité, sagacité, maîtrise de soi. Quant à cacher ses émotions au point d’en laisser seulement deviner l’existence, et de les rendre par là bouleversantes, il y faut de l’art. Un art que n’enseigne aucune école. D’Ebenezer Le Page, on aimerait mériter l’amitié. »

 

Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai toujours aimé que les personnes âgées me racontent leur histoire, qui, en général, est riche non seulement d’anecdotes et de secrets insoupçonnés, mais aussi des singularités de la vie même, de celles qu’on croit souvent uniques et personnelles alors qu’elles sont universelles. Ce n’est certainement pas ce livre qui va me faire changer d’avis : 634 pages d’un véritable plaisir, qui vous accompagne encore bien des jours après avoir tourné la dernière ! Heureusement que la logeuse de l'auteur, Gerald Basil Edwards, mort en pauvreté parce qu’aucun des éditeurs auxquels il l’avait proposé n’a su reconnaître « une œuvre de génie » (William Golding, Prix Nobel de littérature), a conservé cet unique manuscrit après avoir brûlé tous les autres comme il le lui avait demandé. J’éprouve presque une certaine nostalgie pour ce qu’aurait pu être la suite, vu qu’Ebenezer Le Page n’est qu’un personnage fictif, - mais quel personnage ! -, et que son récit n’est probablement que la première partie de ce qui aurait dû être une trilogie.

Voilà un excellent livre pour les temps gris. Allez, n’hésitez pas et bonne lecture !

 

Mots-clefs : , , ,

Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 2 Février 2009, 15:57 dans la rubrique "J'ai lu".