Ici, c’est des « photographies de la douleur » dont parle l’auteur, celles qui véhiculent le spectacle de la guerre et de la violence, avec leurs bagages de souffrances et de morts, jusque dans nos appartements, jusque dans nos esprits, à travers la télévision et la presse. Vingt-cinq ans après la sortie de son Sur
Ce petit livre absolument passionnant est un voyage sans compromis à travers les oeuvres des grands photographes. Cela commence avec les premiers clichés sur
Ensuite, Susan Sontag nous livre un message sans équivoque : « Ceux qui continuent à être surpris par l’existence de la perversité, qui sont déçus (voire incrédules) face aux horribles preuves de la cruauté que, à mains nues, les hommes sont capables de commettre au détriment d’autres êtres humains, n’ont pas encore atteint la maturité morale et psychologique. (…) Laissons que les images les plus atroces nous obsèdent. Même si elles sont purement symboliques et ne peuvent en aucune manière embrasser la grande partie de la réalité à laquelle elles se réfèrent, elles continuent à avoir une fonction vitale. Ces images nous disent : Voilà ce que les êtres humains sont capables de faire, ce à quoi – enthousiastes et convaincus d’être dans le juste – ils sont capables de se prêter. Ne l’oubliez pas. »
De toute façon, explique en l’essence cette grande écrivaine malade qui sait qu’elle va bientôt mourir, même si elle est façonnée par un grand nombre d’images, la mémoire est sélective, profondément individuelle : « L’insensibilité et l’oubli donnent l’impression de marcher de pair. Mais l’histoire nous offre des signaux contradictoires en ce qui concerne la valeur du souvenir dans l'arc temporel beaucoup plus long de l’histoire collective. Il y a trop d’injustice dans le monde. Et le fait de trop se souvenir (les rancoeurs antiques des Serbes et des Irlandais) exaspère. Faire la paix signifie oublier. Pour arriver à une réconciliation il est nécessaire que la mémoire soit défectueuse et limitée »
Et pour en revenir aux photos atroces : « De telles images ne peuvent être qu'une invitation à prêter attention, à réfléchir, à apprendre, à analyser les raisons dont se servent les autorités constituées pour justifier les souffrances des masses. Qui a provoqué ce que montre l’image ? Qui en est responsable ? Est-ce un acte excusable ? Aurait-on pu l’éviter ? Avons-nous accepté jusqu’ici un état de choses qu’il faudrait au contraire remettre en discussion ? Ce sont ces questions-là qu’il faut se poser, pleinement conscients que l’indignation morale, tout comme la compassion, ne suffit pas à dicter une ligne de conduite. » (Ch. VIII)
Ce livre est vraiment très intéressant. Toutefois, vu qu’il est sans images mais plein de références très précises, mon conseil est de le lire, non pas dans un fauteuil ou dans un transport en commun, mais devant un ordinateur. Grâce à Google, on en comprend mieux toute la profondeur.
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Commentaires et Mises à jour :
Re: La force symbolique de l'image
Pour en revenir au livre, si tu ne l'as pas lu, je te conseille de le faire car il chemine en douceur, sans prise de partie péremptoire, et permet à chacun de trouver, non pas des réponses définitves, mais de faire le point sur quelques opinions personnelles. En ce qui me concerne, je n'ai pas l'impression que la représentation de la douleur ait changé avec l'avènement de la photographie, mais que pourtant il est absolument nécessaire de faire une distinction entre avant et après. Susan Sontag, par exemple se réfère à plusieurs reprises au Titien (Il supplizio di Marsia) et à Goya pour ses 80 aquarelles sur Los desastres de la Guerra. L'un et l'autre sont, même si de façon bien différente, les témoins de leur temps, d'une mentalité pour le premier, de faits réels pour le second. Mais aujourd'hui, n'est-il pas beaucoup plus facile de fausser les données ? A mon avis, c'est un domaine où il faut se mouvoir avec une extrême prudence. Ici même, il m'est déjà arrivé deux fois d'afficher ma désapprobation : 1 - 2.
image de la douleur
Je me souviens que la photo représentant le photographe David Gillanders avec un air ravi, tenant dans ses mains, le portrait d'une petite fille d'Odessa m'avait profondément déplu.
Il avait gagné le prix de la plus belle représentation de la douleur et de la misère et il goûtait avec joie, le privilège d'être le primé.
C'est étrange mais dans la photo des Partisans , je n'ai jamais vraiment remarqué le bourreau, j'ai sans doute appris par ma famille que l'on ne pouvait pas attendre autre chose des nazis.
La force symbolique de l'image
Je ne sais pas ,véritablement pourquoi, celle-ci a marqué mon imagination et continue de le faire.
La jeunesse de ces partisans? l'air d'étonnement de la jeune femme pendue? Le léger rictus du jeune homme ?(je sais que c'est la photo et ses contrastes qui donne cette impression).
Le combat que l'on croit juste et qui s'arrête là.
On ne pourra pas parler, pas négocier, pas expliquer, tout s'arrête là !
Et par projection sans doute, la hantise de se dire que soi, on aurait peut-être pas pris part au combat par peur ou la banalité de se dire que l'autre était plus fort et que l'on ne pouvait rien faire.
Cela me boulverse encore.