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Srebrenica, quelqu’un s’en souvient-il encore ?

Et pourtant, c'était il n’y a pas si longtemps, le 11 juillet 1995 et en Europe, douze ans hier. Je dois reconnaître que j’ai moi aussi besoin de me rafraîchir la mémoire. D’une part, à l’époque, entre travail et famille, je n’y ai certainement pas prêté toute l’attention qu’il aurait fallu, et d’autre part, depuis la première guerre du Golfe en 1991, le génocide du Rwanda en 1994, la guerre de Yougoslavie, le 11 septembre, la guerre contre l’Afghanistan, celle contre l’Iraq, le génocide du Darfour, l’état de guerre permanent au Moyen-Orient, etc., on a parfois du mal à suivre et tendance à refouler sa propre indignation, ne s’arrêtant plus désormais qu’un ou deux jours par an sur les horreurs passées tout en oubliant délibérément de dénoncer les massacres présents. Pour en revenir à Srebrenica, entre le 11 et le 16 juillet 1995, les forces serbes bosniaques massacrèrent froidement environ 8.000 musulmans, et ceci sans que la ville, sous la protection des forces de l’ONU depuis 1993, reçoive le moindre renfort ou secours. Un "génocide", l'a défini la Cour Internationale de Justice.

 

En Italie où elle habite aujourd’hui, Elvira Mujcic* n'est pas prête d'oublier. A l’approche de ce 11 juillet, elle a écrit une lettre ouverte dont voici un extrait :

« (…) Les « observateurs » s’en souviennent toujours, mais seulement le jour anniversaire, le jour où nos morts peuvent passer pour une nouvelle. Les autres jours, ce n’en est pas une, les autres jours, [nos morts] on nous les laisse.

Pour moi, le 11 juillet tombe parfois en plein automne, quand quelque chose dans ma vie à l’étranger me ramène en arrière et me blesse. Parfois il tombe en plein hiver, quand les mots des lettres de papa  se matérialisent dans l’air glacé et qu’il me semble impossible qu’il ne soit plus là. Ses mots d’espoir en une fin prochaine de la guerre, ses projets pour l’avenir, son rêve de manger à nouveau les gâteaux de maman, tout devient si vivant sur ces feuilles de papier que sa disparition devient encore plus inacceptable.

Le 11 juillet, c’est le jour de la douleur collective, le jour où les images d’un journal télévisé quelconque montrent tant de visages rassemblés en train d’ensevelir les os trouvés durant l’année. La douleur individuelle est pour tous les autres jours de l’année, caméras éteintes.

Le 11 juillet, c’est le jour des promesses, des excuses, des accusations. C’est le jour où les cercueils qui défilent, dans lesquels les os légers qu’on a rassemblés reposent peut-être, font taire le révisionnisme. C’est le jour où le monde entier s’indigne pour ce qui s’est produit, parce que si, par hasard, une sentence quelconque est émise en mars, tout le monde s’en moque parce que le 11 juillet est éloigné. Et si un criminel se ballade encore, libre et vénéré, c’est seulement le 11 juillet que quelqu’un ose promettre de le prendre d’ici peu. Ensuite, les lumières s’éteignent et la violence retombe dans l’oubli ; l’injustice redevient tolérable et d’autres morts sensationnels remplissent les pages des journaux, jusqu’à ce qu’ils deviennent ennuyeux eux aussi parce qu’il y en a de nouveaux.

Et c’est comme ça qu’après l’Argentine, il y a eu le Rwanda, en 1994, et puis Srebrenica en 1995 ; et après Srebrenica ont suivi d’autres guerres, d’autres massacres, d’autres images dramatiques, une autre indifférence, un autre oubli. Toujours, à l’infini, tandis que les enfants de ces morts continuent à devoir marcher sur la terre de l’injustice.

Maintenant que le 11 juillet approche, il faudrait peut-être en rappeler la date à quelqu’un, il faudrait, encore une fois, demander justice, et attendre, attendre de trouver des os, attendre de les ensevelir, attendre que soit reconnue ou tout du moins en partie revendiquée la propre vie détruite. Et va savoir si le 11 juillet 2008, je serai encore en train de penser aux mêmes choses, en train de me demander si la justice n’est pas seulement notre irréalisable utopie. »

Elvira Mujcic « Lettera aperta su Srebrenica », Peacereporter
(Traduction de l'italien par ImpasseSud)


Comme elle a raison, Elvira :
Les « observateurs » s’en souviennent toujours, mais seulement le jour anniversaire, le jour où nos morts peuvent passer pour une nouvelle. (...)
le jour où les images d’un journal télévisé quelconque montrent tant de visages rassemblés en train d’ensevelir les os trouvés durant l’année (...)
Et si un criminel se ballade encore, libre et vénéré, c’est seulement le 11 juillet que quelqu’un ose promettre de le prendre d’ici peu.

Mise à jour du 22.07.2008 : Karadzic enfin arrêté, lire le 2ème commentaire.


 

*Elvira Mujcic est née en 1980 dans un village serbe. Peu après, sa famille s’est transférée à Srebrenica, en Bosnie, où elle a vécu jusqu’au début de la guerre en 1992, année durant laquelle elle est partie avec sa mère et ses frères pour un village de la Bosnie centrale, dans l’espoir que la guerre n’arriverait pas jusque-là. Son père et son oncle ayant disparu, le destin l’a ensuite conduite jusqu’en Croatie, dans un camp de réfugiés où elle est restée pendant un an, puis, pour finir, en Italie. où elle vient d’obtenir sa licence en langues et littérature étrangères. Installée à Rome depuis 2004, elle a écrit Al di là del caos. On peut la contacter à l’adresse suivante : aliciri[at]hotmail.it

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 12 Juillet 2007, 16:34 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
12-07-08 à 14:05

11 juillet 2008

Srebrenica

via Le Soir. Les auteurs présumés de ce massacre, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, et leur chef militaire, Ratko Mladic courent toujours, encore recherchés par le Tribunal International de La Haye.


 
ImpasseSud
22-07-08 à 08:03

Radovan Karadzic capturé le 18.07.2008

Lire dans Le Monde : Le Serbe Radovan Karadzic, inculpé de génocide, a été arrêté

Les accusations qui pèsent sur Karadzic :
"Radovan Karadzic risque la prison à vie s'il est reconnu coupable des quinze charges qui pèsent contre lui, notamment génocide, persécutions, exterminations, meurtres, déportations, actes inhumains ou encore prises d'otages.

Il est inculpé par le Tribunal pénal international de génocide, crime contre l'humanité et crime de guerre pour son rôle dans la guerre de Bosnie, qui fit plus de 200 000 morts entre 1992 et 1995. Accusé d'être l'artisan, avec Ratko Mladic, d'un plan de "nettoyage ethnique" , il est poursuivi pour trois des plus tragiques épisodes de la guerre de Bosnie : le massacre de Srebrenica, le siège de Sarajevo et la détention des milliers de civils dans des camps de la région de Prijedor.

"Les dirigeants serbes de Bosnie, parmi lesquels Radovan Karadzic, ont mis en œuvre un plan d'action se traduisant par des persécutions et des tactiques de terreur, l'expulsion des personnes peu disposées à partir et l'élimination des autres", précise l'acte d'accusation.

SIÈGE DE SARAJEVO
Le document décrit comment, après avoir été élu à la présidence de la République serbe de Bosnie en mars 1992, il a "planifié, incité à commettre, ordonné ou de toute autre manière aidé à planifier (...) la persécution des populations musulmanes de l'enclave de Srebrenica". Près de 8 000 Musulmans de Bosnie ont été exécutés par les forces serbes après la prise de cette zone, pourtant officiellement sous la protection de l'ONU, le 11 juillet 1995.

En tant que commandant en chef des forces armées serbes de Bosnie, il devra également répondre du siège de Sarajevo. Karadzic est accusé d'avoir planifié "une campagne prolongée de bombardements et de tirs isolés contre la population civile (...) afin de maintenir les habitants dans un état de terreur constant".

Radovan Karadzic est également inculpé pour la détention de milliers de civils croates ou musulmans de Bosnie dans des camps aux conditions "horribles et inhumaines". A l'été 1992, les images des détenus décharnés de ces camps, diffusées par les télévisions du monde entier, avaient profondément choqué l'opinion publique. Il est aussi inculpé pour la prise d'otage de plus de 200 casques bleus de l'ONU entre le 26 mai et le 2 juin 1995 dans plusieurs secteurs de Bosnie."