En Suisse, ce sera désormais le sort des délinquants sexuels. Cette décision a été prise par l’électorat suisse qui, à 56,2%, a approuvé la proposition d’une initiative populaire : «Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables», sans aucune possibilité de révision, sauf en cas de découvertes scientifiques.

Et pourtant le gouvernement et la majorité parlementaire, une bonne partie des magistrats, les psychiatres et les personnes qui travaillent dans les prisons avaient conseillé de voter NON. Les professeurs de droit pénal des universités suisses ont défini l’initiative  comme « inconstitutionnelle et inapplicable : comment les psychiatres feront-ils pour affirmer qu’une personne n’est pas amendable, pas même à long terme ? » Ce à quoi, l’un des promoteurs répond : « Ceux qui violent et tuent les enfants ne sont pas amendables. Aux Etats-Unis, ces gens-là sont dans le bras de la mort. Nous, nous ne voulons pas l’introduction de la peine capitale, mais la certitude qu’ils ne sortiront jamais plus de prison ».

Le comité promoteur est né sur l’initiative de la mère d’une fillette violée et soutenu par d’autres familles au centre des cas de chronique les plus terribles de ces dix dernières années. Le maximum du consentement a été atteint dans le Tessin avec 76,6 % de OUI. A la veille des élections, une lettre envoyée à un hebdomadaire de gauche Area s’exprimait ainsi : « Nous avons toujours été aux côtés des voleurs de poules et des prisonniers politiques et nous continuerons à être avec eux. Mais quand il s’agit d’un criminel contre les enfants, réfractaire aux thérapies et condamné pour des crimes horribles, moi, femme de gauche, je ne peux pas être à leurs côtés ».

Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que ce vote est le résultat de l’anti-propagande : il a été obtenu sans fonds et sans appuis politiques, sans couverture médiatique et sans la moindre affiche publicitaire. « Un vote qui en dit long sur le manque de confiance diffus envers les autorités et les spécialistes » a commenté le ministre de la justice et de la police, Christoph Blocher.

En effet, une fois de plus, je suis convaincue qu’on devrait abolir les campagnes électorales, bien trop souvent mensongères, trompeuses, enjôleuses, malhonnêtes même avec les financements douteux, les dessous de table  et le clientélisme, finissant par porter au pouvoir des gens qui ne répondent pas à ce qu’on attend d’eux. A mon point de vue, une simple « prose électorale », du type de celle  que reçoit chaque électeur français est déjà bien suffisante, car les gens savent ce qu’ils veulent - ce vote l’a démontré -, mais ils sont également vulnérables et sensibles à certains arguments, donc susceptibles d’être dirigés malgré eux par une rhétorique fallacieuse, pour s’en mordre les doigts après et s’exclamer : « Tous des pourris ! »

Quant à exprimer mon point de vue sur les résultats de ce vote, je pense qu’il s’agit d’une réponse aux remises en liberté trop faciles des coupables de délinquance sexuelle. Si je n’aime pas les portes définitivement fermées, je n’aime pas non plus le fait que les enfants puissent de moins en moins sortir sans être accompagnés par un adulte. Et il est fort probable qu’un référendum effectué dans des conditions analogues au sein de l’UE donnerait un résultat semblable. La Suisse, avec sa lenteur supposée, est souvent à l’avant-garde en ce qui concerne le bien-être de ses citoyens. C’est sans doute parce qu’il s’agit d’un petit pays où le gouvernement et le parlement prennent le temps d’être à l’écoute des électeurs, par de fréquentes consultations.

(Sources : Il Manifesto)

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