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Supprimer la FAO ?

Le 5 juin dernier, les délégués de 183 pays réunis depuis le mardi 3 au siège de la FAO à Rome ont fait semblant de ne pas se rendre compte de l’échec retentissant(1) de ce dernier Sommet, en le clôturant par une déclaration d’engagement "à éliminer la faim et garantir la sécurité alimentaire pour tous, aujourd'hui et demain". Belle nouveauté quand on sait que la FAO existe depuis 1945, qu’elle a été le chef de file des organisations créées pour « aider à construire un monde libéré de la faim » et que le nombre de personnes qui souffrent de la faim dans le monde (env. 850 millions sans compter les 5 millions d’enfants qui en meurent) continue à augmenter de plusieurs millions chaque année ! Mais alors pourquoi existe-t-elle encore ?

 

Ce ne sont certainement pas tous ceux qui vivent à ses crochets ou les pays qui s’en servent pour se donner bonne conscience et faire la loi en même temps qui vont contester son existence. Au contraire, on se gargarise, tandis que les gouvernements d’une partie des pays qui devraient en bénéficier (comme le Brésil et l'Argentine) virent au libéralisme immédiat sans plus aucun projet à long terme pour éradiquer la dénutrition due à la pauvreté.

 

Aujourd’hui, aux problèmes de fond qui ont toujours causé la faim, il faut ajouter les déséquilibres qu’ont créés les « bons conseils » de monoculture extensive (soit disant plus rentable) de la Banque Mondiale et du FMI ; la hausse du prix du pétrole avec, pour conséquence, l’augmentation des prix des denrées alimentaires de base et la substitution de leurs cultures traditionnelles par celles des biocarburants (« les bases d’un crime contre l’humanité » l’a défini Jean Ziegler), aujourd'hui plus rentables ; la main-basse des multinationales sur les semences et les modifications climatiques dues à la violence de l'ingérence humaine.

 

La FAO est devenue un véritable scandale, l’exemple d’une aide ratée, d’une faillite morale et pécuniaire, d’une forte complaisance politique, qui n'existe que pour soi-même sur les fonds recueillis dans un but humanitaire.

Pour s’en convaincre il suffit de lire (ou simplement feuilleter) le Rapport de l’Évaluation externe indépendante de l'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) commissionnée par l’ONU à un groupe d’économistes sous la direction de Leif Christoffersen, publié en septembre 2007 (472 pages). Ou encore son budget 2008-2009.

Malgré un bel emballage rédactionnel, chaque page ou presque met en évidence son immobilisme (Jacques Diouf est à sa tête depuis 14 ans !!), sa lourde bureaucratie, omniprésente, rigide et très coûteuse (qui engloutit une grosse partie des budgets), ses lenteurs, ses gâchis (200 millions d’euros partent en réunions !), son manque de communication transversale et à tous les échelons, les démotivations d’un personnel souvent non qualifié mais engagé sous pressions politiques ; l’incohérence des priorités, choix, revirements et répartitions au niveau de ses projets et leurs taux d'efficacité extrêmement bas sur le terrain compte tenu du peu de temps effectif réservé à leur réalisation (30% contre 70 % à la partie normative !) ; ses dépenses régulièrement extrabudgétaires avec l’augmentation de ses endettements et la baisse régulière des financements des pays-membres les plus riches ; et, pour finir, la perte de vue de son objectif primordial qui est de fournir, diffuser du savoir.

 

La FAO fait désormais double emploi avec le PAM, la FIDA et autres, qui, ensemble, représentent un total d’environ 10 milliards de dollars par an dépensés par les Nations Unies pour.... résoudre le problème de la faim dans le monde !!!! A présent le tollé est général. Le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, n’a-t-il pas raison de dénoncer ce « gouffre financier » et d’en réclamer la pure et simple suppression ? Car, plus qu'à une lutte contre la faim, tout ceci ressemble plutôt à un gros business qui contribue à l’entretenir.

 


(1) Lire à ce sujet l'excellente interview à Jean Ziegler publiée dans Le Monde : Crise alimentaire : le sommet de la FAO à Rome est "un échec total"

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 8 Juin 2008, 13:53 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
11-06-08 à 13:55

Sommet de la FAO

Vauro

- A Rome, on parle d'alimentation.

- M'en parle pas ! Ça me fait venir l'eau à la bouche !

(Vignette de Vauro parue sur Il Manifesto du 04.06.2008)

 

 

 

 

 

 


 
ImpasseSud
25-07-08 à 07:56

Crise alimentaire : le sommet de la FAO à Rome est "un échec total" par Jean Ziegler

Propos recueillis par Laura Marzouk pour Le Monde | 06.06.08 | 15h17

Jean Ziegler est l’ancien rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation. Il est aujourd’hui membre du comité consultatif du conseil des droits de l’homme des Nations unies et auteur du livre L’Empire de la honte (édition Le Livre de poche).

Le sommet de la FAO, à Rome, sur la crise alimentaire mondiale s’est clôturé, jeudi 5 juin. Que faut-il retenir de ce congrès ?

Jean Ziegler : C’est un échec total, c’est extraordinairement décevant, et très inquiétant pour l’avenir des Nations unies. Le sommet est assez unique dans l’histoire de cette organisation : plus de 50 chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis pour discuter de solutions concrètes à apporter à l’effroyable massacre quotidien de la faim, qui s’aggrave encore avec l’explosion des prix mondiaux des matières premières agricoles depuis cinq ou six mois. Mais le résultat de cette conférence est totalement scandaleux : l’intérêt privé s’est imposé, au lieu de l’intérêt collectif. Les décisions prises à Rome risquent d’aggraver la faim dans le monde, au lieu de la combattre.

Quels engagements des membres de la FAO auriez-vous souhaité ?

Je souhaitais trois décisions. Tout d’abord, l’interdiction totale de brûler de la nourriture pour en faire des biocarburants. Ensuite, retirer de la Bourse la fixation des prix des aliments de base, et instaurer un système où le pays producteur négocie directement avec le pays consommateur pour exclure le gain spéculatif. Troisièmement, que les institutions de Bretton Woods, notamment le Fonds monétaire international, donnent la priorité absolue dans les pays les plus pauvres aux investissements dans l’agriculture vivrière, familiale et de subsistance.

La déclaration finale du sommet, difficilement adoptée jeudi soir, engage les pays membres de la FAO à réduire de moitié le nombre de personnes qui ont faim d’ici à 2015. Est-ce un objectif crédible ?

Non, c’est de l’hypocrisie la plus totale. D’ailleurs, ce but est celui du millénaire. C’est en septembre 2000, au seuil du nouveau millénaire, que Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies à l’époque, avait réuni les pays membres des Nations unies à New York et avait fixé neufs buts du millénaire pour éradiquer la misère, la faim, etc. Le premier, qui a été adopté, était déjà de réduire de moitié les affamés d’ici à 2015. Mais entre 2000 et 2008, la faim n’a pas reculé, elle a massivement augmenté. Selon la FAO, il y avait l’année dernière 854 millions de personnes gravement et en permanence sous-alimentées. Sans compter les 6 millions d’enfants morts de faim. Et il pourrait y avoir 100 millions de personnes de plus à tomber dans la sous-alimentation grave et permanente à partir de maintenant à cause de l’explosion des prix.

Qui sont, selon vous, les responsables de cet "échec" du sommet de Rome ?

Il y en a trois principaux. D’une part, les Etats-Unis et leurs alliés canadiens et australiens qui ont saboté le sommet en faisant pratiquement la politique de la chaise vide. D’autre part, les grandes sociétés multinationales. Dix sociétes multinationales contrôlent actuellement 80 % du commerce mondial des aliments de base mais elles ne sont pas la Croix-Rouge et ne sont pas en charge de l’intérêt collectif. Troisième responsable, et je le dis avec beaucoup d’inquiétude, c’est le secrétaire général des Nations unies, qui est chargé de faire des propositions. Or, il ne le fait que d’une façon très insuffisante. "