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« Syriana », Stephen Gaghan (2005)

Hier soir, j’ai insisté pour voir ce film dont j’entendais parler depuis quelques mois, mais quand je suis arrivée à la fin, j’ai annoncé à mes proches que je n’avais rien compris, convaincue d’avoir manqué l’essentiel à force d’être obligée de m’esquinter les yeux tout en tendant le dos pour lire le plus vite possible les trop rapides sous-titres en anglais quand les conversations étaient en farsi ou en arabe. Je suis restée sur l'impression que ce que ce film raconte de façon complètement décousue, à propos de la course à l’or noir des USA sans la moindre exclusion de coups, de l’immense corruption qui règne au sein de ses pouvoirs politiques, de l’enrichissement des Emirats du Golfe persique basé sur l'esclavage des immigrés et de la récupération des désespérés par l'intégrisme musulman pour alimenter le terrorisme, tout le monde (ou presque) le sait déjà. Alors, pourquoi le présenter comme une révélation ?

 

Ce matin, je suis donc allée à la recherche de la critique que j’avais lue, et quelle n’a pas été ma surprise quand j’ai découvert qu’il n’y avait rien de plus à comprendre. Ma question s'est donc déplacée : à quoi bon faire un film pareil, qui ne rime à rien ?

 

En fait, il faut savoir que même si on y nie toute référence à évènements et personnages réels, ce film, au contraire, a la prétention de se baser sur la biographie de l’ex agent de la CIA, Robert Baer, donc sur des faits réels, n’en tirant toutefois qu’un camouflage obscur et hâché. Pour y comprendre quelque chose, il est donc nécessaire de se mettre à la recherche d'éclaircissements. Quant à la soi-disant excellente interprétation de George Clouney, moi, je n’y ai rien vu d’exceptionnel et je ne comprends même pas la raison d’un Oscar. Suffit-il de beaucoup grossir pour l'obtenir ? Traverse-t-il une période magique ? Est-ce un prix politique ? une trouvaille publicitaire ? Car l'une des caractéristiques de ce film, c'est qu'il y a effectivement des acteurs de renom, mais aucun grand rôle. Et tous comptes faits, même s’il n’est jamais facile de démêler la situation au Proche et au Moyen-Orient, on ne peut pas ne pas voir que la trame de ce film est terriblement mal construite (mais existe-t-elle vraiment?) et qu'on se retrouve face à un agglomérat, à un collage incohérent.

 

Arrivée à ce point de ma découverte, j’ai même senti la moutarde me monter au nez. Ici, il s’agit d’un aspect sordide de la politique américaine, sans doute raconté puis porté à l’écran dans le but d’informer et de réveiller la conscience du public des Etats-Unis (il n’éveillera pas celle des Emirats arabes, car à Dubaï, le film est sorti en version censurée sur tout ce qui concerne l'esclavage auquel sont soumis les immigrés qui ne représentent pas moins de la moitié de la population), et, à la rigueur, je peux donc admettre l’enthousiasme américain et même me faire une raison du fait que la critique américaine ait fermé les yeux sur la forme. Mais la nôtre, dans nos pays européens ? Serait-elle conditionnée de façon irréversible ?  

 

Par contre, je ne peux pas ne pas signaler - car à mon avis c’est le clou du film  -, la leçon machiavélique sur la corruption que Danny Dalton (l'avocat-conseil de la société pétrolière Killen qui corrompt le gouvernement du Kazakhstan) fait à Bennet Holiday (l'avocat dont le rôle est d'ensabler les preuves de la corruption), car il est rare qu'on déchire un voile trouble de façon aussi nette : « La corruption est l’intrusion d’un gouvernement avec ses propres règles dans les rendements du marché. C’est ce que dit Milton Friedman, il a eu le Prix Nobel. Nous possédons des lois faites exprès pour en sortir indemnes. La corruption, c’est notre protection. La corruption, c’est notre sécurité et elle nous tient au chaud. La corruption, c’est la raison pour laquelle toi et moi nous allons partout en prenant de grands airs, au lieu de nous battre dans les rues pour des restes. La corruption, ... c’est la raison de notre victoire. »

 

 

Bref, ceux qui n'ont pas vu ce film n'ont rien perdu. Pour ceux qui voudront vraiment le voir pour ses acteurs, qu'ils s’informent auparavant sur les vérités que recouvre cet embrouillamini, la compréhension en sera largement améliorée. On peut s'en faire une petite idée à partir de ces deux articles (en italien) parus sur Peacereporter : Syriana et Syriana fuor di metafora (Syriana en dehors de la métaphore). Encore que cela ne transformera pas ce film en ce qu'il n'est pas.

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 24 Septembre 2006, 20:33 dans la rubrique "J'ai vu".