L'île de Malte est petite, vingt-cinq kilomètres de long sur dix de large. Malgré cela, elle possède une infinité de richesses, et il ne faut surtout pas oublier l'impact que ses chevaliers ont eu sur le destin de l'Europe. L'histoire de cette île est dense, et, il y a plus de vingt ans de cela - je ne me souviens plus exactement pourquoi -, ma curiosité était devenue tellement grande que j’avais décidé d'aller la visiter.
A Genève, où je me trouvais à l'époque, il était pratiquement impossible de trouver des informations précises ou même des dépliants. Malte n'était indépendante que depuis un peu plus d'une dizaine d’années, et dans le but de couper définitivement le cordon ombilical qui rendait son lien avec l'Angleterre trop étroit, elle regardait vers la Libye et vivait une économie de guerre. Il fallait donc que je me contente du petit point qui la signalait sur les cartes géographiques. J'avais cependant réussi à savoir qu'on pouvait y arriver en s'embarquant sur un ferry depuis Reggio de Calabre, au sud de l'Italie.
Trois jours plus tard, j'étais à bord de ce ferry, presque complètement vide car nous étions au mois de novembre. La mer était mauvaise et après une traversée de douze heures assez éprouvante, vers neuf heures du soir nous étions entrés dans le port de La Valette. La nuit était tombée depuis longtemps. Tout était sombre, les docks étaient déserts, seules quelques rares lumières ici et là, aucune enseigne, aucun hôtel proche. Après avoir passé la douane, je me demandais où j'allais dormir quand, tout à coup, quelqu'un s'était approché :
- Taxi?
L'homme était sombre lui aussi, un vieux pantalon et une casquette, plutôt mal rasé, et sur la petite place déserte il n'y avait que ce que l'on pourrait appeler "a very old english car". Que devais-je faire?
J'acceptais, et après lui avoir expliqué que je cherchais un petit hôtel "correct" et pas trop cher, je m'installais dans cette pièce de musée, plutôt bien rafistolée il faut l'avouer, me serrant bien à gauche sur le siège arrière pour mieux contrôler la situation (à Malte, on roule à gauche).
La voiture avait démarré, longeant pendant de longues minutes de très hauts murs qui devaient être des remparts. Puis nous avions commencé à monter, puis à descendre, puis à remonter. Les rues étaient toutes semblables, bordées par les mêmes maisons que la nuit avait rendu aveugles, complètement désertes à cette heure en cette période de l'année, et très mal éclairées. Nous roulions depuis près d’une heure, et le trajet me semblait bien long pour une île aussi petite. Je commençais à être inquiète. Dans quoi m'étais-je fourrée? La réputation douteuse des Maltais, galvaudée dieu sait pourquoi, me revenait à la mémoire. L'air était humide et j'avais froid. Le chauffeur restant silencieux, je n'osais pas entamer une conversation dans mon anglais plutôt rouillé, mais j'étais sur le qui-vive. Puis tout à coup, au sommet d'une nouvelle montée, j'avais aperçu une petite enseigne lumineuse. Le taxi s'était arrêté.
- Here you are, Madam...
Pour tout ce trajet, il ne m'avait demandé qu'une somme dérisoire (pour moi), et il m'avait saluée avec le sourire de quelqu'un qui a accompli correctement sa tâche. Je l’avais remercié, j'étais entrée dans l'hôtel où j’avais pris possession d'une chambre en grande hâte, et je m'étais glissée, grelottante, dans des draps humides.
Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, je découvrais que mon hôtel était charmant et bon marché, et que si Sliema où je me trouvais n'était qu'à trois kilomètres à vol d'oiseau des docks où j'avais débarqué, c'est parce que le port de La Valette comprend deux fjords très profonds ... qu'il faut contourner.
Depuis, je suis retournée de nombreuses fois à Malte.... sans doute à cause de l'accueil tranquille que m'avait réservé un chauffeur de taxi par une sombre nuit d'un mois de novembre.
P.S. Ce billet est ma participation aux singeries de mars.
Mots-clefs : Méditerranée, Europe, Voyages
Commentaires et Mises à jour :
Re: Merci!
J'ai voyagé à Malte en ta compagnie : j'ai ressenti moi aussi les lacets interminables, l'humidité des draps, etc.
Chapeau !
Marco.
PS : j'ai très envie de découvrir ce trésor depuis que j'ai lu ce texte.
Re:
Re: Re:
En plus de mon goût pour l'histoire, le nom de Malte évoque pour moi celui de Corto Maltese, le héros de Pratt.
Ce sera un triple motif (en comptant ton article) pour moi de découvrir cette île.
Re: Super!
N'as-tu pas une petite histoire de taxi à proposer?.. Il est encore temps :-)))
Merci!