Contesté dans une lettre ouverte adressée au recteur signée par soixante-sept professeurs et hommes de science appuyés par une bonne partie des étudiants, Benoît XVI a annulé sa participation à la cérémonie d’ouverture de l’année académique 2008 à l’Université La Sapienza à Rome, l’une des plus prestigieuses et des plus anciennes d’Italie. Ah ! Ce n’est donc que cela, diront tous ceux qui n’habitent pas dans ce pays ! Que cela ?! Ici, il s’agit d’une rébellion tout simplement inimaginable, presque d'un acte révolutionnaire, et la caste politique toute entière (de gauche comme de droite) hurle que le monde entier va nous montrer du doigt, que l’Italie est malade, qu’elle est au plus bas de sa déchéance… Mais vous qui n’habitez pas l’Italie, en avez-vous eu l'impression en lisant la presse francophone ou anglophone de ce matin ? Ici, cependant, un attentat ou un tremblement de terre n’aurait pas eu plus d’écho. De quoi renvoyer en deuxième et troisième position les titres récurrents de la une des médias nationaux, à savoir, non pas le scandale des ordures qui a encore de beaux jours vu qu'il dure depuis 14 ans (!), mais les primaires des élections présidentielles aux USA et la vie publiquement privée de Sarkozy. Car...

... l’invité d’honneur à l’inauguration de l’année académique de cette université fondée en 1303 par le pape Boniface VIII mais laïque depuis 1871, était, comme il se doit, le ministre italien des Universités. Mais le recteur, au pied levé et va savoir sous quelle pression, avait tout à coup décidé de le remplacer par rien moins que le pape, omettant de consulter le corps académique et violant ainsi l'autonomie des universités.

En ce qui me concerne, j’ai carrément applaudi à cette contestation, comme bonne partie de la population italienne lasse d’une Italie qui, dans sa Constitution, se déclare laïque, mais n’en est plus rien dans les faits, aujourd’hui retournée sous la chape étouffante du Vatican, aujourd’hui théâtre de scènes d’intolérance qu’on laisse courir sans plus s’en offusquer, de déclarations et de comportements ultra-conformistes qu'il faut bien se garder de contester. Tout cela suite à la reprise en main de l'Italie par le Vatican et la curie romaine, commencée à la fin du pontificat de Jean Paul II, mais que celui-ci, trop malade, n’avait sans doute plus la force de contenir.

Je salue donc bien bas les professeurs et les hommes de science qui ont eu le grand courage de se rebeller, face à l’imposition de la présence, ô combien déplacée dans un haut lieu de la science et surtout parce qu'il s'agit d'une cérémonie "institutionnelle" au sein d'une université laïque, d'une autorité religieuse qui, au XXIe siècle, défend encore (contrairement à son prédécesseur* qui en a demandé pardon) la justesse du procès contre Galilée, privilège l'imaginaire des dogmes, s'acharne à essayer de reconduire la science sous leur pseudo-rationalisme, attaque plus ou moins directement la théorie de l'évolution de Darwin et réfute une bonne partie des progrès scientifiques, lance des anathèmes aveugles contre toutes les ouvertures qui en ont découlé, et, pour finir, encourage et prêche un retour à l’obscurantisme en souriant ostensiblement aux puissants despotes, corrompus et criminels de ce monde.

Une bouffée d'air, finalement. Combien de temps durera-t-elle ? Quels en seront les effets ? Je n'en sais rien. En attendant, la croisade de revanche est déjà lancée : "Domenica, tutti a San Pietro !" Rien de plus important, de plus urgent, c'est évident, que de diviser un peu plus ce pays déjà aussi mal en point ! Ces hommes d'Eglise auraient-ils le diable au corps ?

* à qui, le 17 mai 2003, cette même Université a descerné un doctorat honoris causa en droit, pour son engagement dans le droit international et sa volonté de créer harmonie entre les peuples et les cultures.

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