Le conclave pour l’élection du pape commence ce lundi 18. Plus de 7.000 journalistes sont déjà à Rome, et sur la place Saint-Pierre, leurs téléobjectifs sont déjà braqués sur le long tube sombre de la petite cheminée antique qu’on vient de remonter pour l’occasion. Et faute de mieux, ils nous racontent quelques détails croustillants, du genre, « les cardinaux qui ont eu droit aux chambres les plus petites ronchonnent », « c’est la première fois qu’un conclave a lieu en avril » (en pensant qu’il ne faut pas qu’ils se découvrent d’un fil ?), etc…. Cet évènement, important parce que le nouveau pape indiquera la direction à suivre à 1 milliard de personnes, c’est-à-dire 1/6^ème des habitants de la planète, servira cependant à distraire l’opinion publique, remettra à nouveau tous les problèmes nationaux en second plan, avec un nouveau chamboulement des programmes télévisés. On ne peut pas le nier, le 11 septembre n’a pas servi qu’à l’Islam. En pays chrétiens, beaucoup de gouvernements, indifférents jusque là, ont, eux aussi, retrouvé l'élan de la foi, mais ne me demandez surtout pas de quel genre. En France on essaiera d’en tirer partie pour faire remonter le OUI. En Italie, par contre, les décisions à la sauvette sont mal parties car le gouvernement est déjà sens dessus dessous, et cela risque même de retarder les solutions. Moi, en attendant le dénouement, je voudrais laisser la parole à Margherita Hack, cette fameuse astrophysicienne italienne de renonmmée internationale, âgée de 83 ans mais toujours active, qui, après avoir scruté le ciel pendant toute sa vie dit qu’il serait temps que le prochain pape redonne un peu d’espace à la raison.

« Tout d’abord, je voudrais dire que je me passerais volontiers du pape et des religions, qui ne sont qu’une invention pour tranquilliser ceux qui ont peur de mourir, qui espèrent une vie éternelle et la compensation dans l’au-delà des malheurs et abus subits dans « l’au-d’ici », ou pour ceux qui se posent des questions auxquelles la science n’a pas encore répondu ou ne sera peut-être jamais en mesure de répondre. Mais, dans la société d’aujourd’hui, quelles devraient être les caractéristiques du pape idéal ?

En premier lieu, il faudrait qu’il ait la grande humanité et la simplicité de Jean XXIII, son attention devrait aller aux plus démunis, aux peuples du Tiers-monde, aux détenus, aux immigrés à la recherche d’une vie meilleure dans nos pays industrialisés riches, égoïstes et soi-disant chrétiens, au rejet de tous les types de guerre, préventives ou pas, idéals également poursuivis par Karol Wojtyla. Mais pour être vraiment chrétien et innovateur, il faudrait qu’il se libère de la « sexophobie » de l’Eglise, qui fait apparaître les actes impurs comme le plus grand des pêchés après l’homicide, de cette Eglise qui, au contraire, devrait condamner de façon sévère tous les délits civils, comme l’évasion fiscale, les ruses pour tourner les lois et la justice, le nombre infini d’arguties qui maintiennent en liberté les voleurs de milliards (scandales Cirio et Parmalat), mais laissent pourrir en prison les auteurs de petits larcins. Il devrait demander avec force qu’on accueille la requête de Jean Paul II pour une large amnistie, car il est inutile qu’un si grand nombre d’hommes politiques bigots déchirent leurs vêtements à sa mort s’ils n’écoutent pas une requête aussi chrétienne.

Mais surtout, il faudrait que ce pape soit ouvert au concept de liberté et de responsabilité, qui accepte une morale basée sur l’affection et la loyauté entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, indifféremment, qui accepte la morale sexuelle, - rendue possible grâce à la science -, de la séparation entre l’acte sexuel et la procréation, qui accepte le libre choix des gens de procréer ou de ne pas procréer, de vivre ou de refuser une vie devenue insoutenable. Cela signifie se battre contre les lois iniques comme celle sur la procréation assistée(1), loi liberticide et antiscientifique, se battre pour le droit à l’euthanasie, ne pas lancer de messages dangereux pour la santé des jeunes, contrairement à ce qu’a fait Wojtyla en combattant l’usage du préservatif, favorisant ainsi la diffusion du SIDA.

Ensuite, cela signifie affronter de façon fondamentale la question de la condition des femmes au sein de l’Eglise. C’est faire preuve de grande hypocrisie ou de grande incohérence que de parler, comme l’a fait Wojtyla, du génie des femmes pour ensuite affirmer, avec une détermination plutôt violente, que les femmes ne pourront jamais accéder au sacerdoce « pour des raisons biologiques » ! Que Jésus était un homme et que, par conséquent, pour devenir prêtre il faut être un homme. Ce serait comme affirmer que Jésus était un blanc aux cheveux roux et que par conséquent les prêtres devraient tous être des blancs aux cheveux roux.

Cette question n’a jamais été véritablement affrontée au sein de l’Eglise qui, aujourd’hui encore, est gouvernée seulement par des hommes, les seuls cardinaux qui éliront le nouveau pape. Les femmes, avec leur volonté et leur opinion, n'ont aucun poids dans l'Eglise, exemple d’une monarchie absolue rigide et inlassablement machiste.

Je voudrais rappeler que Jean-Paul Ier, durant son bref pontificat, affirma que Dieu est père et mère, une affirmation qui devrait être évidente, malgré les siècles de représentation artistique de Dieu avec une barbe blanche. Cette affirmation a tout de suite été contestée dans plusieurs cercles religieux.

Je voudrais un pape qui ramène l’Eglise aux idéals de pauvreté et de simplicité incarnés par Saint François [d'Assise, NdT]. L’ostentation des diverses cérémonies, la pompe des funérailles, l’hystérie collective qui a entraîné les foules ces derniers jours représente l’échec de la raison et même celui de la vraie foi pour ceux qui l’ont. Cela rappelle plutôt, d’une part la magnificence des pharaons de l’ancienne Egypte, et, d'autre part, l’hystérie des jeunes pour un quelconque chanteur célèbre ou celui des supporteurs de Maradona. »

Margherita Hack, « L’importante è che ridia spazio alla ragione », Il Manifesto.

Traduction de l’italien par ImpasseSud

Dans les désirs de cette vieille dame, je retrouve tous les miens. Personne n'est parfait, mais la nostalgie du bien, du mieux, d'un monde meilleur n’a pas d’âge et je la rencontre souvent chez des personnes bien plus jeunes que moi, qu’elles soient croyantes ou athées. La nostalgie du bien, je crois qu’on naît avec et qu’il faut savoir l’écouter.

Mots-clefs : Religions, Société, Immigration, Femmes, SIDA, Guerres, Europe, Italie

(1) En décembre 2003, le Parlement italien a approuvé la loi suivante : Toutes les femmes qui désirent avoir recours à la fécondation in vitro devront accepter de façon inconditionnelle l'implant d'un ensemble de 3 embryons "non contrôlés".  C'est seulement quand l'implant aura donné une issue positive et qu'une grossesse sera en cours, que les femmes auront le droit de contrôler si le foetus est sain par une amniocentèse. Dans le cas contraire, elles auront le droit de recourir à une IVG!!!