Pour reprendre en gros une opinion exprimée ici, - car je la partage -, ce roman « vous fait passer du rire aux larmes, aux larmes tout court », à travers les hypocrisies, les coutumes, la politique, la culture post-coloniale d’un pays d’Afrique. Tout cela avec une verve impayable et « une vivacité d'esprit, un humour décapant et tout le sérieux nécessaire lorsqu'il le faut ! »
Verre Cassé, c’est le nom d’un client assidu du Crédit a voyagé, un bar crasseux quelque part au Congo. Un jour, le patron, que tout le monde surnomme L’Escargot entêté, lui a remis un cahier vide et ordonné de le remplir avec les histoires qu’il entend, car il a l’impression que Verre Cassé a le talent de l’écrivain et que l’heure étant désormais à l’écrit, il « n’aime pas les formules toutes faites du genre « en Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». C’est ainsi qu’on entre dans les histoires les plus comiques, exubérantes qui soient, sans retenues, sur un fond parfois triste. Histoires dont Verre Cassé suscite l’approfondissement par un rituel de fausse indifférence bien rôdée, car tout le monde devient bien vite jaloux du contenu de ce cahier : « Je te dis, Verre Cassé, si tu ne me mets pas dans ton cahier, ça vaudra rien ce truc, mais rien du tout, et je te dis qu’on peut même faire un film avec ma vie ». (p 65)
Un petit échantillon ? (…) « pourquoi tu me regardes, Verre Cassé, tu veux ma photo ou quoi, laisse-moi tranquille, regarde donc les autres-là qui bavardent au coin là-bas », j’ai gardé mon calme, ma sérénité, faut pas répondre du tac au tac aux gens de cette espèce désespérée, mais j’ai quand même dit « mon gars, je te regarde comme je regarde tout le monde, c’est tout », « oui, mais tu me regardes d’une façon bizarre, c’est pas comme ça qu’on regarde les gens », et je lui ai répondu, toujours sans perdre ma quiétude, « comment tu sais que je te regarde si toi-même tu ne me regardes pas, hein », alors là il semblait cloué, pris à son propre piège puisqu’il a murmuré quelque chose du genre « je ne parlerai pas, je ne dirai rien de ma vie, ma vie n’est pas à vendre aux enchères », donc voilà quelqu’un qui était perdu, est-ce que je voulais l’entendre, moi, y a des gens comme ça, quand ils veulent cracher quelque chose, il faut qu’ils vous taquinent, vous bousculent afin d’avoir l’impression qu’ils ont parlé sous la contrainte, moi qui analyse la psychologie des clients du Crédit a voyagé depuis des années et des années, je connais ce comportement, « je ne te demande pas de parler mon brave, tu ne me connais pas bien, renseigne-toi, est-ce que moi, Verre Cassé, j’ai déjà demandé à quelqu’un ici de me donner le mode d’emploi de sa vie, de me vendre sa vie aux enchères, hein », et puis il a fini par dire « Verre Cassé, la vie est bien compliquée, tout a débuté le jour où…. » (p. 43-43)
Arrivé à un certain point, cependant, las d’écouter les autres mais surtout las de tout, Verre Cassée se raconte lui-même, pendant que son « poulet-bicyclette » refroidit, et avant de ...
Dans ce livre, tout y est (sauf les points !) : l’accent (on l’entend !), les descriptions imagées (on s’y croirait !), la tournure des phrases, les expressions fleuries, une abondance de métaphores, redondances rythmées, citations, références littéraires, clichés et tant de « bonnes » vérités truffent les récits avec un à-propos fabuleux. C’est truculent !
A lire et à relire si vous voulez passer un excellent moment…
P.S. et hors sujet : C'est grâce au blog d'Alain Mabanckou que j'ai pris la mesure de l'extrême degré de préparation de la campagne électorale de Sarkozy, qui n'a vraiment rien laissé au hasard du côté de la corruption des esprits.....
Commentaires et Mises à jour :
Re: Hello !
Marco, quel plaisir !
J'imagine que la pièce doit être désopilante ! As-tu lu "les mémoires de porc-épic", le Prix Renaudot ? Moi, vu qu'il faut que j'achète tout, j'attends que ça passe en édition de poche.
Mais pourquoi donc as-tu disparu ? Trop peu de temps ? As-tu perdu tout intérêt pour l'écriture sur la Toile ? Tes résumés, tes critques me manquent.
Bien amicalement
Hello !
Comment vas-tu depuis tout ce temps ?
Hasard, coïncidence, conjonction... Je viens de terminer le roman d'Alain Mabanckou, qui pour moi est l'un des plus drôles et des plus réussis de ces dernières années. J'ai vu la pièce qu'en ont tirée des acteurs congolais et j'ai eu envie de lire le texte.
Bravo pour ton commentaire, juste et enthousiaste, comme toujours...
Marco.