Je suppose que chez vous comme chez moi, les commerçants chinois ont fleuri, discrètement tout d’abord car ce n’est pas le genre de personnes qui fait du bruit. Bien sûr, cela dépend de ce que vous cherchez, mais à qualité égale, il ne fait aucun doute que leurs prix sont compétitifs. Bref, ils ont envahi notre marché occidental, et je ne vois absolument aucune raison pour que cela s’arrête, au contraire. L’électroménager marche fort, mais du côté textile, il s’agit d’un raz-de-marée : “Aux Etats-Unis, par exemple, la part de marché des produits chinois dans les 25 catégories libérées de quotas au début de 2002 est passée de 9 à 65%", et il est prévu qu’à la fin de cette année, elle rejoindra les 80 %. "En Europe, 2 vêtements pour bébé sur 3 arrivaient de Chine en 2003, contre 1 sur 3 en 2001", et après la libéralisation de certains produits textiles en 2002, le pourcentage de l’importation a augmenté de 83 à 168%.
En gros cela signifie deux choses :
1) que le marché chinois est en train d’évincer tous les pays concurrents comme l’Inde, le Bengladesh,
2) qu’en achetant chinois, nous contribuons de plein gré aux licenciements de personnel puis à la fermeture des fabricants nationaux.
C’est pour cela qu’à chaque fois que j’achète chinois (et je le fais quand le rapport qualité/prix est intéressant), j’éprouve désormais un sentiment de culpabilité, comme si je commettais un acte de trahison envers les travailleurs des pays occidentaux, comme si j’ajoutais mon petit coup de marteau à l’écroulement de notre système économique et social.
Acheter un anorak chinois jouerait donc un rôle dans l’histoire ? Et bien oui, au point où nous en sommes. Car je n’éprouve plus aucun plaisir à parcourir
Dans le cas présent il ne s'agit pas d'une intégration progressive, mais d'un risque accéléré de perte d'identité, et afin qu'on puisse mieux comprendre ce que je veux dire, je citerai ce passage qu’écrit Tiziano Terzani (qui a beaucoup aimé l'Asie) en 1993 dans “Un devin m’a dit”, à propos de la perte d’identité de Singapour en l’espace de 15 ans, œuvre de la diaspora chinoise :
« Revenir à Singapour, pour moi c’était comme de revenir à mes premières amours. C’est à Singapour, en 1965, que j’avais senti pour la première fois l’odeur des tropiques, joui de la chaleur et des couleurs. C’est là que je m’étais rendu compte de comment un être lointain peut faire en sorte que tu te sentes chez toi. Je n’y étais resté que quelques jours, mais mon impression avait été profonde. En 1971 j’étais venu y vivre. J’avais quitté ma place chez Olivetti, j’avais étudié
A Singapour j’avais des amis et des connaissances, mais je n’avais avisé personne de mon arrivée. Je voulais être seul pour revoir la ville, je voulais me faire mes propres impressions, et surtout, je voulais être libre d’écrire ce qui me passait par la tête, sans devoir craindre de leur causer des ennuis. Car c’est de cela qu’il s’agit : derrière tous ses « Shopping malls, shopping arcades, shopping centers » persuasifs, fanfarons et accueillants, Singapour reste un état policier, une société imprégnée par une peur subtile. Et puis, je voulais être comme un nouveau visiteur, me laisser aller à ce que Singapour était devenue entre temps et que tant d’étrangers trouvent extraordinaire.
Aux chauffeurs de taxi qui attendaient devant la gare, j'avais demandé de m’emmener dans un hôtel dans le vieux quartier de la vielle ville, et l’un d’eux m’avait dit qu’il avait ce qu’il me fallait : L’Auberge du Septième Bonheur, une « Boutique hôtel » dont je n’avais jamais entendu parlé auparavant. Je n’y suis resté qu’une seule nuit. Le quartier tout entier avait été complètement rasé au sol, et au dernier moment quelqu’un avait sauvé une file de vieilles maisons pour en faire une attraction pour les touristes : il s’agissait de mon hôtel, petit et incommode, d'une collection d’un maximum qu’on puisse imaginer de kitsch, de faux et de chinoiseries […] .
Pauvre Singapour ! La seule chose authentique qui restait dans toute la rue était un petit temple où un matin, j’avais vu un vieux Chinois qui portait un verre d’eau et un peu d’encens aux dieux. J’avais fini par descendre dans un hôtel sans caractère, sur le fleuve, un de ceux réservés aux touristes qui, de plus en plus nombreux, arrivent de
Il ne m’avait pas fallu longtemps pour me rendre compte qu’après quinze ans d’absence de Singapour j’étais complètement dépaysé. La ville avait complètement changé, il y avait de nouvelles rues, de nouveaux jardins, de nouveaux passages surélevés et de nouvelles places. Les gens aussi avaient changé. Aux arrêts d’autobus ils étaient tous élégants et bien vêtus, mais personne ne parlait. Dans la foule, je remarquais un nombre toujours plus important de personnes avec des tics nerveux, comme au Japon. La gentillesse chaleureuse des Indiens, le naturel voluptueux des Malais, le sarcasme des Chinois et la lenteur générale et plaisante due probablement à la chaude torpeur des tropiques avaient disparu. La chaleur elle-même avait disparu. Je me souvenais d’un ville torride parfois même brûlante. Il y avait une heure, après le repas de midi, durant laquelle, même dans notre maison au milieu des arbres, où l’air était tellement chaud et immobile, le craquettement des cigales tellement assourdissant qu’on restait sous les pales des ventilateurs en attendant le grondement libérateur d’une averse ou la brise qui arriverait de la mer au coucher du soleil. Dans le nouveau Singapour, au contraire, il faisait froid, littéralement ! Froid dans les hôtels, dans les magasins, dans les bâtiments publics, dans les bureaux ; terriblement froid dans les restaurants, dans le métro, dans les taxis, dans les hôpitaux, dans les maisons et dans les voitures.
On avait l’impression que cet air conditionné était l’unique air que Singapour puisse respirer. L’île toute entière était comme sous une énorme cloche de verre sous laquelle grandissait une vie artificielle et efficiente qui n’avait plus rien à voir avec la nature qui l’entourait, avec la chaleur de l’équateur. Les femmes ne portaient plus les chemisettes légères d’un temps, les sarongs fleuris ou les pantalons de soie. Le nouveau costume national était désormais le tailleur, avec des bas ou des collants, comme on les porte à Londres.
Avant Singapour était une ville pleine d’odeurs : odeur de moisie, de terre mouillée, de fruits frais, de légumes pourris, d’ail frit, de bois qui se putréfie. Ça aussi, ça avait disparu. […] Mon souvenir était celui d’une ville multiraciale qui essayait de convaincre les Chinois, les Indiens et les Malais à oublier leurs propres origines et à devenir de « Singapouriens », et je me retrouvais face à une ville désormais exclusivement chinoise, où la langue la plus courante était le mandarin, où les expositions du moment exaltaient la grandeur culturelle de
(Traduction de l'italien : ImpasseSud)
Revenons-en à notre l’Occident. On ne peut pas oublier que la Chine a peu de respect pour le passé (voir le démantèlement actuel de Pékin pour les prochains JO), qu’en Chine l’être humain n’a pas une grande valeur, et que celle de la main d’œuvre est, même dans les meilleurs des cas, à la limite de l’exploitation. C’est sans aucun doute une des raisons (et pas des moindres) qui lui permet d’arriver sur le marché avec des prix aussi bas. Et, à leur tour, les Chinois de la diaspora sont tellement imprégnés de cette mentalité inflexible, qu’ils l’importent dans les pays où ils émigrent. Aujourd’hui, c’est nous qui sommes en train de nous intégrer à leurs façons de vivre. On a tout à coup envie de se demander si les Chinois ne savaient pas exactement ce qu’ils faisaient quand ils ont libéré le commerce et l’exportation, car ce qu’ils n’ont pas réussi à conquérir par l’idéologie, ils sont en train de le conquérir à la vitesse grand V en s’insinuant là où se trouve notre point faible, la société de consommation. Ce n’est qu’une opinion personnelle, mais est-elle si dénuée de bon sens ?
Ici il ne s’agit plus d’émigration et ni même de globalisation, mais d’une vague déferlante. Le temps passe rapidement, mais en Occident et même au sein de l’Union Européenne, trop occupés à nous mener en bateau avec la chasse aux terroristes, il semble que personne ne veuille en prendre conscience pour autre chose que pour fournir des chiffres, des statistiques. On continue à restructurer, à licencier et à délocaliser, diminuant les emplois stables, la sécurité financière et le tissu social, abaissant ainsi un pouvoir d’achat qui nous incite tous, tôt ou tard…. à acheter chinois.
(Sources : L'express, La Repubblica)
A titre indicatif : Depuis
(Sources : Il Manifesto, 17.12.04)
Mots-clefs : Immigration, Asie, Sujets brûlants.
Commentaires et Mises à jour :
Re: Tchin tchin
Re: A LIRE ABSOLUMENT! "Jouets chinois : le Père Noël rit jaune"
Un grand merci pour ce lien... absolument édifiant,... comme tu le dis si bien, qui en plus de dénoncer l'esclavage des ouvriers (mais surtout ouvrières) chinois/es, met bien en vue la complicité du capitalisme.
Voici le lien de ce reportage TSR : Jouets chinois : le Père Noël rit jaune
Comme il est difficile de savoir s'il restera longtemps on-line, je citerai ces quelques phrases receuillies dans une usine de jouet :
"Les lutins du Guangdong [TSR] :
« On commence le travail à 7h30 jusqu'à 11h30 du matin, et ensuite de 13h30 à 17h30 et de 18h30 à minuit. Après minuit, on commence nos heures supplémentaires, jusqu'à 2h et des fois 4h du matin... et on n’a jamais congé les jours fériés. »
Radio Free Asia, à Hong Kong, enregistre, chaque semaine, des témoignages comme celui-ci. Tous racontent la même misère, celle des petites mains du boum économique chinois."
Il faut ajouter à cela un marché parallèle, celui des contrefaçons, qui ne respectent pas les normes de sécurité. Hier à Milan, la "Guardia di Finanza" a sequestré des jouets non conformes pour une valeur de 100 millions d'Euros, prêts à être mis en vente... va savoir où...
Re: Re: A LIRE ABSOLUMENT!
Sur le site d'ABE, dans la page "Archives" on peut retrouver toutes les émissions précedentes. Moi qui était plus habitué à la face "comptes à numéro" de la Suisse, j'ai été très surpris par cette émission qui est plus impartiale que n'importe laquelle des émissions que l'on peut voir en France!
Re: Re: Re: A LIRE ABSOLUMENT!
situer la base du probleme!
Il est certain que L'invasion de nos univers respectifs par des produits de commerce étrangers, fussent-ils chinois ou autre, nuira toujours a l'économie locale et nationnale. En effets l'on ne peux que remarquer qu'il y a de plus en plus de produits d'importation sur les tablette de nos super marchés. Que ce soit du made japan, made in china , made in taiwan, made in sweeden, made in america( notez a ce propos que Cuba pourrait inscrire "Made in America" sur ses produits et être dans le vrai!
Toujours en est il qu'il est inconcevable que quelque peuple, commun ou nation accepte d'importer ce qu'il ou elle est cappable de produire! C'est un non sens! Les seuls produits qui devraient être autorisés devraient être ceux que pour des raisons évidentes et biens définies, il est impossible de produire chez soi!
Regardez l'Amérique du sud! Pourquoi est elle si pauvre? Parce que les seigneur de l'époque, les espagnols, les francais et les portuguais, préféraient faire venir d'europe par bateau ce dont ils avaient besoin ou envie et ce au détriment du développement du commerce, de l'industrie et de l'économie locali et/ou nationnale.
tout émigrant et/ou compagnie qui désire s'implanter devrait être contraint de commercer les produits locaux et nationaux , et les produits d'importation ne devraient encore une fois, n'être autorisés que s'il est impossible de le produire localement! Ce qui avec la technologie de nos jours, serait un abherrant anachronisme!
Tchin tchin