Avant-hier, au cours de ma revue de presse matinale (que je retarde de plus en plus pour éviter de commencer ma journée dans la déprime), c’est avec grand plaisir que j’ai lu sur The Independent tout d’abord, sur La Repubblica ensuite, puis sur Le Temps (Suisse) hier matin, (rien sur les quotidiens français ?), la nouvelle d’un nouveau « miracle médical » : une jeune femme gravement handicapée par une tuberculose diagnostiquée tardivement avait récupéré une vie normale grâce à la greffe, le 12 juin dernier à Barcelone, d'un morceau de trachée en partie fabriqué avec ses propres cellules souches adultes, évitant ainsi de devoir prendre les médicaments immunosuppresseurs contre un éventuel rejet.

Une excellente nouvelle qui a dû faire renaître les espoirs de bien des malades condamnés à moyen ou long terme. En effet, s’il s’agit d’une première qui, à n’en pas douter, sera bien vite imitée, le professeur-chirurgien qui a mis à profit les travaux d'une équipe de chercheurs des universités de Barcelone, Padoue, Milan et Bristol, a tenu à préciser que d’ici vingt ans on sera en mesure de refabriquer tous les organes importants, comme le foie, les intestins, les poumons, les reins, etc. et même le cœur.

Toute à mon plaisir face à ce beau progrès, j’ai cependant tout à coup réalisé que, dans la presse italienne, cette belle nouvelle, même pas en tête de Une, était noyée dans l’habituel déballage-lavage-de-cerveau des nouvelles infernales ou insipides d’une démocratie en chute libre, et qu’à la tête de cette descente aux enfers il y a un homme de 72 ans (qui fait tout pour en renier 52), extrêmement riche et d’une fatuité démesurée, qui a l’intention de vivre jusqu’à 120 ans et d’arriver à la présidence de l’Etat.

Le comble, ce serait tout d'abord que lui, justement, bénéficie de ces transplants de nouvelle génération nés grâce aux chercheurs de deux universités italiennes, deux de toutes ces universités auxquelles son gouvernement a violemment coupé les fonds. Le risque, ce serait que ce pas décisif vers l’immortalité lui permette de résister plus longtemps à l’usure naturelle, tout en prolongeant ainsi à son profit la longue nuit du pays.  

Je n'ose imaginer le nombre de dictateurs, grands et petits, qui vont sauter sur cette nouvelle aubaine. Où en serions-nous si Franco ou Staline, par exemple, avaient pu bénéficier du zest d’immortalité qu’apporteront les organes de rechange qu'on fabriquera à partir des cellules souches ?

Bien entendu, il ne peut être question de freiner ou de museler la recherche, mais si l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement, le fait est que ses périodes sombres ne se représentent jamais sous le même aspect. C’est sans doute pour cela qu’on ne s’en méfie pas assez et qu'on oublie trop souvent que seule la véritable démocratie représente une sauvegarde contre les risques d'abus.

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