Pendant que l'hystérie de la bourse se poursuit, en rien calmée par les injections de milliards d'euros que nos Etats trouvent si facilement pour nos pauvres banques (mais à quoi cela sert-il si le lendemain est identique à la veille ?), en Italie, du côté étudiants, ça ne va pas bien du tout. Leurs manifestations, leurs occupations (photos, vidéos) sont passées en tête de la Une de tous les quotidiens et JT, avant les histoires de gros sous. Dans la presse française, cependant, jusqu'à présent personne n'en parle : ni Le Monde, ni Libération, ni Le Figaro, ni Le Nouvel Obs en temps réel. Je veux bien qu'avec la montagne d'incertitudes qui nous taraudent on ne sache déjà plus où donner de la tête. Je sais bien également que les Français de l'Hexagone ont toujours du mal à s'intéresser à ce qui se passe au-delà de leurs frontières s'ils n'y jouent pas un rôle de premier plan. Mais là, ...
... j'ai la sensation qu'il ne s'agit plus du chahut habituel de début d'année académique, et je ne peux pas m'empêcher de penser à Mai 68 : le grand chambardement n'est-il pas parti des étudiants ? Alors, aurait-on donc peur de retransmettre la nouvelle ? Peur de réveiller les mécontents assoupis, hypnotisés ou anesthésiés ? Peur d’un effet boule de neige ? A moins qu'on ne regarde cela de haut.
Le fait est, cependant, que la conjoncture actuelle, avec ses précarités infinies, son retour aux grossières et flagrantes inégalités sociales et son inflation, n'est certainement pas meilleure que celle d'il y a quarante ans. Certains pensent que l'éclatement récent des bulles financières va remettre automatiquement les pendules à l'heure de la justice. Moi je n'en crois rien. Rien ne changera si nous continuons à nous laisser berner, formater, coacher comme des enfants, si chacun d'entre nous ne se réapproprie pas de son propre destin avec sérieux mais surtout avec le sens des responsabilités. La preuve ? La voilà : en Islande, on n'a même pas honte d'avoir besoin du FMI... comme le Bengladesh et le Niger, somme toute. Pourquoi ne lui impose-t-on pas aussi le même niveau de vie ? Tiens, je suis ulcérée !
Pour en revenir aux étudiants, je ne suis jamais systématiquement de leur bord car l'agitation penche bien souvent du côté de la chienlit. Mais là je suis avec eux. Un certain nombre de professeurs, proviseurs et recteurs a rejoint leurs rangs, et même la fameuse astrophysicienne Margherita Hack, âgée de plus de 80 ans, est venue, à Florence, s'associer aux cours en plein air qu'on tient désormais sur les places. Une réforme qui, sous prétexte de remettre de l'ordre, coupe 1,4 milliards d'euros de fonds à l'éducation nationale cette année avec une prévision de 8 milliards sur cinq ans (personne en France n'a la moindre idée de l'état de délabrement de la plupart des lycées et instituts techniques italiens), à l'enseignement supérieur en particulier et à la recherche en poussant vers une privatisation socialement discrimininatrice n'est pas une bonne réforme. Encore moins quand on sait qu'ici le montant d'une bourse (à condition de réussir en obtenir une) de doctorat ou de post-doctorat d'une personne qui assume en plus une charge d'enseignement n'est déjà que de 850,00 euros, ou qu'un physicien nucléaire d'une trentaine d'année qui fait partie di Tiger Team qui réalise des téléscopes pour la NASA gagne 950,00 euros par mois. Encore moins à une époque où on est près à claquer si facilement des milliards et des milliards pour sauver les banques, et où le gouvernement en cours a augmenté et élargi sans retenue ni vergogne tous les avantages et privilèges des membres du gouvernement et du parlement. Leur slogan : "Noi, la crisi, non la paghiamo !" (Nous, la crise, nous refusons de la payer!) Tout cela est franchement scandaleux, et il serait temps que ça change !
Commentaires et Mises à jour :
Re: Je penche pour la peur de la contagion.
... mais aussi parce qu'en France on n'aime pas qu'un autre pays joue le rôle du détonateur.
Quant au lavage de cerveau... ici il marche très fort.
Il paraît, d'après Berlusconi, que tout ça serait gonflé par la gauche et les médias. Et pourtant il n'y a que lui et ceux de son bord qu'on laisse vraiment parler : "En témoigne l’attaque d’un premier-ministre-éditeur contre les journaux et la RAI, propriétaire de trois chaines privées et avec le contrôle politique sur les trois chaines publiques, donc sans aucun sens de la décence, vu qu’en septembre l’espace dédié par les six principaux JT au gouvernement, à son leader et à la majorité varie de 50,17 à 82,25 %."("Se il dissenso è un reato" di Enzo Mauro, directeur de La Repubblica) L'article vaut la peine d'être lu !
Avant-hier, il a même annoncé qu'il allait envoyer les forces armées dans les universités, ce que son ministre de l'intérieur s'est empressé de désapprouver vu que nous n'en sommes pas à l'émeute et qu'une telle provocation risquerait de mettre le feu aux poudres. Alors, bien entendu, hier, il a dit qu'il n'avait jamais rien dit de tel, mais qu'il se faisait du soucis pour les étudiants "sérieux" que les étudiants en grève, donc pas sérieux (et que sa ministre de l'EN accuse de rien de moins que de "terrorisme"!), empêchaient d'étudier. Aujourd'hui, il recommence en disant que sur les places il y a des groupes de "facinorosi" (provocateurs?). Et pendant ce temps le bon peuple....
Il Corriere della Serra (Mondadori, donc de Berlusconi) s'est tout d'abord empressé de passer ses articles en 4ème de Une, après des banalités, mais ensuite il a été obligé de revenir à la première.
Hier soir, j'ai suivi Anno zero, et appris, qu'au moment où le projet financier 2008 coupait les fonds à l'Education nationale, le gouvernement et le parlement approuvait, entre autre, une substentielle augmentation de salaire pour les députés et sénateurs (qui, parlementaires normaux ou Euro-parlementaires sont déjà les plus payés d'Europe) et élargissaient démesurément tous les avantages et privilèges dont ils jouissent.
Enfin, en France on en parle ... vaguement...
Le titre est mauvais, l'article est loin de refléter la réalité et l'ampleur de la mobilisation estudiantine dans toute l'Italie. En outre son auteur mélange tout et les chiffres y sont contestables .... Le correspondant du Monde à Rome, se trouve-t-il vraiment en Italie ? A moins qu'il ne souffre de myopie.
Mais c'est déjà un début, peut-être qu'il aura quelques lecteurs, que ça mettra la puce à l'oreille. Après tout, en France, du côté de l'Education nationale, on n'est pas très content non plus.
Y aurait-il aussi une peur de la contagion, si jamais ça se savait ?