L’article paru à ce sujet dans Libération n’est pas des meilleurs car il est peu fouillé. Il est même antipathique (à dessein ?) à lire, avec ses citations en langage abscons mais aussi vulgaire, porteurs d’une note de mépris évidente à l’égard du consommateur, ce sujet d’étude permanent qu’il faut continuellement redéfinir, classifier, scruter pour mieux l’encadrer à coup de publicité et de symboles-clefs, le diriger, comme du bétail. Quand nous lassera-t-on faire nos courses en paix ? La tendance serait de nous faire croire que le boom économique des années 70 est né suite à une étude de marketing, alors que c’est plutôt le marketing qui s’est développé suite au boom des années 70 issu naturellement de besoins réels. Aujourd’hui, cependant, alors que je n’ai pas tout ce que je désire mais où rien ne me manque, je suis fière d’être une non-consommatrice hors cadre.
Hors cadre, parce qu’en tant que femme, je ne fais pas partie des «techno-réticents»; pour le commerce équitable, je ne suis pas une «alterconsommatrice» inconditionnelle; en ce qui concerne les produits alimentaires, j’émets des doutes sur la vulgarisation trop facile du « biologique ». Je ne suis pas non plus une «smartshoppers» car les bons plans et les bons prix ne m’intéressent qu’à partir du moment où j’ai besoin ou envie de quelque chose, et ni même une «conso-stoppeurs» bien qu’il m’arrive de boycotter des produits suite à des délocalisations scandaleuses ou à l’évidence d’un commerce basé sur l’exploitation des plus faibles. Bref, comme le dit Rémi Sansaloni, je n’achète que ce que je veux, quand je le veux et comme je le veux.
Si je possède un objet fonctionnel, je n’éprouve aucun besoin d’en posséder un second, pratiquement identique, mais qui, comme par hasard, ne rend service qu’à la consommation, me fournissant, à moi, des services payants dont je n’ai ni envie ni besoin. Contrairement à ce qu’on raconte et qu’on voudrait nous faire croire à propos des enfants et des adolescents, je n’ai pas eu grand mal à éviter que mes enfants me prennent la main avec leurs désirs effrénés. Tout cela, c’est comme pour les petits pots. Je n’aime pas tellement cuisiner, et quand j’ai eu mon aîné, j’ai tout d’abord pensé qu’ils allaient résoudre tous mes problèmes. Mais… je les ai goûtés. Ils ont peut-être (et je dis bien peut-être) un pouvoir nutritionnel parfait, mais leur goût est détestable, insipide (ou conditionnant pour le futur ?), et j’ai choisi de m’organiser, fabriquant et congelant des purées à partir de produits frais de bonne qualité. Je n’ai adopté que les compotes de fruit. Idem pour les vêtements griffés. Je suis persuadée que bien avant que leurs enfants aient l’âge de croire qu’ils seront rejetés par leurs copains s’ils ne se plient pas à une « règle » vestimentaire, ce sont les parents qui ont eu des complexes, inculquant eux-mêmes et implicitement le culte de la « griffe » à leurs enfants. Mais est-ce éduquer un enfant que de transformer un vêtement ou un bien de consommation en un critère essentiel de valeur ? Heureusement qu’il y a encore des jeunes (et j’en connais) qui voyagent sur les mêmes bases : ils achètent, sans besoins frénétiques, cher ou pas cher, de qualité ou non, griffés ou non, mais selon leurs moyens. Et si leurs envies les dépassent, ils font la part des choses, confrontant les efforts personnels qu’ils sont obligés de faire pour l'obtenir avec la valeur réelle de l’objet désiré.
Je comprends que pour les « marketeurs » il n’y ait rien de plus désagréable que le raisonnement personnel. Je suis désolée qu’aujourd’hui nous en soyons réduit à consommer pour produire et non plus à produire pour consommer (quand ce n’est pas produire sans consommer comme dans le cas des voitures qu’on empêche de circuler dans les villes, pour l’encombrement et la pollution), mais mon cerveau me dit que j’ai le droit de contester ce système, de le mettre en crise plutôt que de m’y laisser noyer.
Là, je vais sauter du coq à l’âne, par esprit de provocation. Si la peur d’un NON au TCE fait trembler le pouvoir et les industriels français et européens, je ne vois par pourquoi un NON massif à la consommation programmée, forcée, encadrée, stressante et qui vous porte à l’endettement pour le superflu, ne devrait pas faire réfléchir ceux qui, sur un monde de bien-être essentiel pour la plupart, ne pensent qu'à nous pousser vers un monde de bien-être factice, par avidité et par opportunisme, mais qui, à force d’égratigner, de réduire le concept d’utilité (réel et social) qui lui donnait toute sa splendeur et sa solidité, le font craquer de toute part, faisant semblant de ne pas voir que cela cause son affaissement. En tous cas, ce n’est certainement pas en consommant bêtement et sur commande qu’on le redressera. Là, il y a une énorme question à creuser, et pas seulement du côté des décideurs. Nous pouvons tous agir.
Mots-clefs : Société
Commentaires et Mises à jour :
En ce qui concerne les jeunes gens (enfants et adolescents) mon expérience d'enseignante rejoint la tienne. Il y a dans chaque classe un certain nombre d'élèves qui ne sacrifient pas à la mode des marques, et, souvent, ce sont ceux dont la personnalité est la plus affirmée, si bien que personne ne songe à les contester. Là où cela pose problème, c'est quand un habillement trop décalé stigmatise un enfant déjà marginalisé et qui peut devenir alors le bouc émissaire.
Alors que souvent, on prend le problème à l'envers, comme tu le soulignes.
Re: Nous pourrions tous agir mais le voulons nous ?
Re:
Cependant, je n'ai pas l'impression d'y avoir grand mérite. Je ne sais pas si c'est moi, mais depuis quelques temps je trouve qu'on ne vend plus grand chose de nouveau, de tentant (la mode est tellement moche), de véritablement utile ou efficace. Je peux sortir avec un compte bien fourni, au pire, je rentre avec ce que j'étais partie acheter si je l'ai trouvé (en plus grande quantité s'il y a une promotion intéressante) et ... quelques livres, mais pas ceux qu'ont vient de lancer.
Comme si la production elle-même n'avait plus d'idées de fond, innovatrices, mais seulement des idées de pub.
Re:
Je suis d'accord avec toi.
Tu fais allusion aux aides agricoles désormais incompréhensibles, au sort de l'Afrique qu'on continue à enfoncer. Et bien moi, c'est également pour ces mêmes raisons que je suis contre une consommation idiote, car ce n'est pas en achetant à outrance (à condtion d'en avoir les moyens) qu'on va rétablir l'économie ou créer une économie plus équitable. Malheureusement, on ne s'en sortira pas si on ne la revoit pas de fond en comble. Et revoir les choses de fond en comble est pratiquement impossible tant qu'on vit sous l'hégémonie des USA, sans parler de l'ensemble des "monstres" qui sont en train de surgir en Asie, la Chine en premier.
Nous pourrions tous agir mais le voulons nous ?