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Hatzfeld Jean, « Dans le nu de la vie » (2000)
--> Il y a juste quinze ans au Rwanda

Quinze ans exactement se sont écoulés depuis le génocide du Rwanda, commencé le 10 avril 1994. C’est par hasard que, il y quelques semaines justement, je suis tombée sur ce livre, recueil des témoignages de quatorze rescapés Tutsis de la commune de Nyamata où cinq Tutsis sur six ont été massacrés ; quatorze rescapés des marais qui ont lentement accepté de parler à un étranger, Jean Hatzfeld. L'introduction en dit déjà long. « Je crois que jamais les Blancs, ni même les Noirs des pays avoisinants, ne vont croire ce qui s’est passé chez nous ».

 

Ici, il s'agit d'un livre qui vous laisse sans voix, dont on a même le plus grand mal à parler à ses proches sauf pour leur dire : Lis-le ! Alors je me bornerai à deux citations :

« J’ai lu qu’après chaque génocide les historiens expliquent que ce sera le dernier. Parce que plus personne ne pourra accepter une pareille infamie. Voilà une blague étonnante. Les responsables du génocide au Rwanda ne sont pas les cultivateurs pauvres et ignorants, pas plus que les interahamwe féroces et alcooliques ; ce sont des gens instruits. Ce sont les professeurs, les politiciens, les journalistes qui se sont expatriés en Europe étudier la Révolution française et les sciences humaines. Ceux qui ont voyagé, qui sont invités dans les colloques et qui ont reçus les Blancs à manger dans leurs villas. Les intellectuels qui ont acheté des bibliothèques hautes jusqu’au plafond. Eux-mêmes n’ont guère tué de leur propres mains, mais ils ont envoyé les gens faire le travail sur les collines. (…)

« Le génocide n’est pas vraiment affaire de misère ou d’un manque d’instruction, et je m’explique. Je suis enseignant, donc je pense que l’instruction est nécessaire pour nous éclairer sur le monde. Mais elle ne rend pas l’homme meilleur, elle le rend plus efficace. Celui qui veut insuffler le mal, il sera avantagé s’il connaît les manies de l’homme, s’il apprend sa morale, s’il étudie la sociologie. L’homme instruit, si son cœur est mal conçu, s’il déborde de haine, il sera plus malfaisant. En 1959, les Hutus avaient tué, chassé, pillé sans relâche les Tutsis, mais ils n’avaient pas imaginé un seul jour les exterminer. Ce sont les intellectuels qui les ont émancipés, si je puis dire, en leur inculquant l’idée de génocide et en les débarrassant de leurs hésitations. » Innocent Rwililiza (p. 105-106.)

 

« Si on revient de là-bas, on a voyagé dans le nu de la vie. » Sylvie Umubyeyi, assistante sociale (p 202).

 

Une tuerie systématique et orchestrée, du 11 avril au 14 mai 1994, tous les jours de 9 heures à 16 heures, à la machette et en chantant, avec les pires cruautés, ce n’est pas le fruit de la colère, mais bien celui d’une opération froidement planifiée, quelque chose de totalement incompréhensible, quel que soit le côté où on l'aborde. Comment ai-je fait pour oublier si vite "Hotel Rwanda" ? Parce qu'on y perçoit mal l'indicible de l'horreur ? Et puis comment ne pas faire le rapprochement avec le Darfour, où une fois de plus on laisse faire tout en sachant ? Ce billet, « Génocide Rwandais, quinze ans d’impunité », et les vidéos qu'on y a mis en liens, élucide bien le mystère.


Dans ce livre, seuls les rescapés ont la parole. Dans Une saison de machette, Jean Hatzfeld la donne aux tueurs. Il faudra que je le lise... même si je sais déjà que je continuerai à ne pas comprendre.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 2 Avril 2009, 17:51 dans la rubrique "J'ai lu".