Ce film-là, je tenais à ne pas le manquer. Il raconte, sur la toile de fond du génocide au Rwanda qui, en 1994, fit environ 1 million de morts en 100 jours, l’histoire vraie de Paul Rusesabagina, le directeur du luxueux hôtel « Les Milles Collines » à Kigali, la capitale du pays, qui, bien que Hutu, le transforma en lieu de refuge pour des centaines de Tutsi et Hutu modérés, sauvant ainsi plus de 1.200 personnes du massacre grâce à son intelligence et à son immense talent de négociateur.
Un bon film assurément, qui, d'après Monsieur Rusesabagina retrace la vérité à 90 %, mais qui, à mon avis, aurait pu être encore plus fort. Son personnage (Don Cheadle) est vraiment beau, à tous points de vu, sans qu’on en fasse jamais un héros ou un saint. Celui du Colonel Oliver (Nick Nolte) est trop vieillot pour illustrer correctement l'inaction des forces de l'ONU. Quant au génocide, même si le sujet du film justifie une place reléguée en toile de fond de l'« oasis dans le désert » que devient cet hôtel, pour reprendre les mots de Jack, un des journalistes, on ne le perçoit que trop peu, surtout à travers les cris et les hurlements ; les images, bien que terribles, étant trop rares, trop brèves, trop ternes, trop grises, les morts ont l'air de dormir ou sont couverts de poussière : 1 million de morts en 100 jours, à la machette, à la houe, au gourdin clouté, éventrés, violés, peuvent-ils être d’une autre couleur que d'un rouge violent ?! Quand je pense à tout le "sang facile" qu'on fait couler dans les films et téléfilms d'aujourd'hui...
Un film à voir, sans aucun doute (et si possible sans interruptions publicitaires, vraiment ignobles dans ce contexte), d'une part pour se rappeler, hélas, que rien ne change, car après s’être lavée les mains du génocile au Rwanda, presque oublié aujourd'hui, la communauté internationale se désintéresse tout autant de celui qui perdure au Darfour. Face aux images atroces qui nous arrivent de « là-bas », nous nous arrêtons peut-être un instant, puis nous continuons notre repas comme si de rien n'était. C'est plus ou moins ce que répond Jack à Paul qui compte sur son reportage pour décider les grandes puissances à intervenir. De l'autre, (et ici, c'est aux Français que je pense) ce film illustre parfaitement l'immense danger qui se cache derrière les fichages identitaires et ministères de l'identité.
Avant de conclure, j'ajouterai que ce film m'a ramenée, une fois de plus, à une de mes réflexions récurrentes, sur le genre d'êtres humains tels que Paul Rusesabagina dans cette circonstance, Oskar Schindler durant la seconde guerre mondiale et bien d’autres, qui, un beau matin, confrontés à quelque chose d’inacceptable se refusent simplement de l’accepter, et qui, sans idéologie de soutien, influence externe, vanité personnelle ou décision longuement mûrie, se laissent guider par l’intelligence du cœur.
« Intelligence », voilà un mot bien galvaudé, tronqué, dénaturé, réservé à une élite parce que désormais confiné dans un QI dont le calcul se limite à une sélection arbitraire (du moment ?) des comportements humains et prime les réflexes conditionnés les plus rapides. Je ne sais pas pourquoi, mais personnellement je n’ai jamais été épatée ni par les pluri-diplômés, ni par les brillants polytechniciens, ni par les grands pontes ou autorités quelconques. Je pars du principe que si c'est honnêtement qu'ils sont arrivés là où ils sont, c’est sans doute parce qu’ils sont nés dans un milieu favorable (pas forcément riche) et qu'ils possédaient les dons qui leur ont permis d’y arriver. A ce propos, j'aime beaucoup le livre d’Oliver Sacks, « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau », il remet beaucoup de facultés soi-disant supérieures à leurs vraies places.
A mon avis, l'intelligence, c’est autre chose. C'est la façon dont chacun, dans le contexte du moment et selon ses possibilités, utilise ses propres qualités pour le plus grand bien de tous. Sans cette finalité, moi, je ne vois qu’opportunisme, avidité, bêtise, paresse ou lâcheté.
Véritable intelligence, fichages identitaires, pensez-y quand vous irez voter.