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Des mesquineries et des générosités européennes

Face à un problème humain, on a quatre possibilités : l’ignorer, faire en sorte de l’éliminer, essayer de lui trouver une solution, le transformer en ressource. Français et Italiens ne se ressemblent pas vraiment, les premiers se voulant souvent trop rationnels, les seconds versant volontiers dans les excès. Mais pour l’instant ils ont vraiment quatre points en commun : des gouvernements de droite, des petits chefs qui n’aiment pas qu’on leur mette des bâtons dans les roues, leur acharnement contre SDF et sans papiers(1-2-3), et leur radinerie en matière d’Education nationale(1-2-3).

Pour les deux premiers points, chacun reconnaîtra les siens. En ce qui concerne le troisième, on assiste à un concours d’ingéniosité en matière de mesquineries, entre qui veut les parquer, qui veut les expulser, qui veut les ficher, qui veut en faire des délateurs ou qui veut les transformer en objets de délations, etc. Et pour finir, le quatrième point. Là, l’Italie est incontestablement plus mal en point que son voisin transalpin, mais on y retrouve cependant un même mot d’ordre univoque : couper les fonds à l'Education nationale et à la recherche et démanteler le secteur public en faveur du privé…. au nom de la réduction du gâchis, bien entendu, et d’une petite élite… méritante. Si c’est ça gouverner !!!!!


Et pourtant, au sein de l’Union Européenne, il existe un pays où, avec les mêmes problèmes (10% de sa population est composée d’immigrants ou d’enfants d’immigrants), un gouvernement de droite fait exactement le contraire, pariant sur la générosité plutôt que sur la mesquinerie. Une équipe italienne de RAI3 (3ème chaîne publique italienne) est allée jusqu’en Suède pour voir exactement ce qu’il en est. Ceux qui comprennent l’italien peuvent voir la vidéo en allant directement à 42'18'' jusqu’à 1h. Pour les autres, voici un résumé de ce qu’on y découvre.


1) Au niveau des collèges : dans le quartier le plus pauvre de Stockholm où réside une très grande majorité d’immigrés, on a créé le plus beau et le meilleur collège public de toute la Suède. Les élèves, 360 cette année, sont pratiquement tous étrangers et arrivent durant toute l’année et de toutes les parties du monde sans connaître le moindre mot de suédois. Dans les classes plusieurs filles portent le foulard. Pour chaque classe de 35 élèves, il 3 professeurs de suédois qui se divisent les élèves en trois groupes selon leurs connaissances.

Les professeurs ne sont pas nommés par le ministère, mais choisis directement par le proviseur qui ne recrute que les meilleurs parmi tous ceux qui posent leur candidature. Leurs salaires mensuels qui normalement seraient de 2.100 euros, peut, selon leur bravoure, arriver jusqu’à 3.500 euros. Ils disposent d’un très grand salon où la presse arrive tous les jours et d’une cuisine.

Un prof de math interviewé déclare que l’enseignement des maths passe à travers le cœur, le sien et celui de ses élèves. Bien que nous soyons dans un collège, l’enseignement qu’il impartit arrive jusqu’au niveau d’une 1ère de lycée. Car, explique-t-il, vu que, dans la vie, à compétences égales entre un Suédois et un étranger on donnera toujours la préférence au Suédois, si on veut que les étrangers réussissent à s’intégrer, il faut qu’ils aient une formation supérieure à la moyenne.

Ce collège a la bibliothèque la plus fournie de toutes les écoles de Suède, et partant du principe que lire est l'une des méthodes les plus rapides pour apprendre une langue, en moyenne chaque élève lit une vingtaine de livres par an. Et chaque année, le proviseur invite le Prix Nobel de littérature afin que les élèves puissent s’entretenir directement avec lui/elle.

Et ne parlons pas de la salle de sport qui pourrait faire baver d’envie les gymnases les plus riches.

Tout y est gratuit, complètement gratuit, y compris les cahiers et tout le matériel scolaire. La cantine aussi est gratuite, et sur l’initiative du principal, depuis cette année, on sert un bon petit-déjeuner, gratuit lui aussi, à tous ceux qui, le matin, acceptent d’arriver dix minutes plus tôt. Pour les gens qui ont peu d’argent, une bonne raison de plus pour envoyer leurs enfants à l’école.
Les résultats ? Parce tout cela coût cher, bien évidemment. 70% des élèves sont en mesure de passer directement au lycée. Les 30% restants continuent leur préparation et finissent par entrer au lycée. L’an dernier, sur les 360 élèves, un seul élève a abandonné. Résultat incroyable si on tient compte des conditions de départ.

 

2) Au lycée. Au lycée Hoche Allmant Real, le plus ancien lycée public de Stockholm, en plein centre, la troupe est accueillie par une Italienne, professeure titulaire d’italien depuis 14 ans, et par un « Benvenuti » sur l’écran de la télévision à circuit interne.

Dans chaque classe un ordinateur, un téléviseur avec lecteur de DVD et un tableau lumineux, un vidéoprojecteur de façon à ce que sur le grand écran on puisse voir aussi bien les pages de l’ordinateur que la télévision, un signal Wifi. Le lycée fournit également, en prêt, des ordinateurs portables.

Ensuite il y a trois salles d’ordinateurs pour les élèves, deux bibliothèques avec de nombreux postes Internet avec ordinateurs de table et imprimantes, un laboratoire de sciences superbement équipé, une salle de musique avec 200 places assises ouverte jusqu’à 19 heures. Chacun des 960 élèves a son armoire personnelle, et la cantine est tellement belle qu’on pourrait se croire dans un endroit à la mode.

Du côté des professeurs, ceux-ci disposent d’un grand bureau avec plusieurs postes de travail équipés en ordinateurs de table et imprimantes, d’un très grand salon où ils peuvent se reposer ou recevoir les élèves et les parents d’élèves.

Du côté des cours, les élèves interviewés semblent particulièrement satisfaits. En dehors des cours communs à tous, rien qu’en sciences, par exemple, le lycée offre huit options différentes comme environnement, recherche, informatique, etc… On y recale assez rarement, car on cherche surtout à repêcher tout le monde. A la moindre difficulté, l’élève peut s’adresser à un tuteur qui lui fournira l’aide nécessaire. Bien entendu, on y encourage fortement les excellences qui font la fierté du lycée. Tous les élèves qui sortent de là ont devant eux un éventail très large pour choisir leur avenir. C’est tout du moins le sentiment qu’ils ont.

Le proviseur  déclare que la somme annuelle attribuée par le ministère à son lycée est de 4.700.000 euros, mais, sur demande et pour des raisons bien spécifiques, il peut avoir recours à des fonds supplémentaires. Il avoue en faire la demande tous les ans et tous les ans on les lui accorde.

 

3) Le gouvernement : En Suède, c’est le centre-droite qui gouverne. Mais il ne vient à l’idée de personne de couper les fonds à l’Education nationale ou à la formation. Au contraire, ce parti a gagné les élections en accusant les sociaux-démocrates de dépenser trop peu dans ce domaine.

Au Ministère de l’Education Nationale, la troupe est reçue par le vice-ministre de l’Education nationale de centre-droite en personne. Voici le texte intégral de l’interview :

« - L’éducation est d’une importance prioritaire dans notre gouvernement parce que nous, nous nous faisons vraiment du souci. Nous pensons que les résultats de nos élèves sont encore trop bas.

- Comment cela ?! Vous êtes les premiers en Europe !

- C’est vrai, mais nous, nous voulons être les premiers dans le monde. Etre les premiers en Europe ne suffit pas. Dans un monde globalisé où la compétition est aussi forte, nous avons besoin de personnes compétentes, avec une préparation optimale. Vu que nous ne pouvons pas entrer en compétition aux bas niveaux, nous devons gagner du côté de notre haute compétence. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’un enseignement de bonne qualité, et c’est la raison pour laquelle nous dépensons beaucoup d’argent pour la mise à jour de nos enseignants : nous voulons qu’ils soient les meilleurs.

- Mais tout ça, ça coûte cher !?

- C’est vrai, nous dépensons vraiment des sommes énormes. »

 

4) L’enseignement supérieur : A l’école Polytechnique (KTH) de Stockholm, une université publique. Non seulement les étudiants ne paient aucun taxe, mais ils peuvent recevoir un subside qui peut arriver jusqu’à 800 euros par mois. Dans les résidences, le loyer mensuel pour un deux pièces/cuisine habitable/salle de bain complètement meublé occupé par deux étudiants est de 250 euros chacun. Le loyer d’un studio meublé pour un étudiant est de 300 euros. Au rez-de-chaussée, un accomodation office s’occupe de la maintenance et des réparations dès qu’on les signale un problème.

Les entreprises du secteur se présentent régulièrement au KTH, chacune d’elle avec son programme et son besoin d’étudiants en doctorats ou directement pour proposer un/des postes. Le passage des études au monde du travail est facile.

 

5) La recherche : Malgré la crise financière internationale le gouvernement de centre-droite vient juste de voter un financement supplémentaire de 500 millions d’euros pour la recherche et le développement. La Présidente du Karolinska, l’institut public de médecine célèbre dans le monde entier pour ses recherches, est particulièrement enthousiaste : « En pleine crise économique internationale ! Notre gouvernement a dit : « D’accord, nous sommes en pleine crise, mais nous, nous sommes décidés à voir loin et à investir dans la recherche. » Il s’agit vraiment d’une bonne décision qui nous réjouit. (…) Non, ce n’est pas du gâchis, parce que c’est ce qu’un petit pays comme la Suède doit faire. Investir dans ce que nous avons de mieux pour être compétents au niveau international. »

 

6) Quelques données récentes : La Suède a déjà atteint, avec un an d’avance, l’objectif que s’étaient fixé tous les pays de l’UE à Lisbonne, de destiner 3% de leur PIB au développement et à la recherche. Grâce à tous les fonds qu’elle dépense en formation, aujourd’hui la Suède est un des pays les plus compétitifs au monde, un de ceux qui attirent le plus d’investissements, c’est le leader européen dans l’innovation et la recherche, et 85% de ses habitants parle un très bon anglais.

 

 

Que chacun en tire ses conclusions. Dans ce pays, l’éducation et la formation sont une priorité publique pour tout le monde, qu’il s’agisse du centre-droite ou du centre-gauche, qu’il s’agisse d’autochtones ou d’immigrés. Les Suédois semblent avoir compris qu'il s'agit d'un sujet sérieux, que c’est sur lui que se joue l’avenir de leur pays. Ils refusent que le sujet « éducation nationale » entre dans la polémique contingente comme c’est le cas en France et en Italie, et ils réclament des projets à long terme. Chiffres à l'appui, la politique suédoise en matières de formation « pour tous » et de développement de la recherche semble donc être la démonstration que la générosité publique est non seulement parfaitement rentable, mais qu'elle est avantageuse.

 

Quels que soient les temps que l’on traverse, comment peut-on croire en quelqu’un qui promet de construire un monde meilleur sur de la mesquinerie ? En ce qui me concerne, je suis persuadée qu’elle ne génère qu'une plus grande dose de mesquinerie, libérant même les pires instincts de méchanceté, d’égoïsme, d’envie, de jalousie, de vengeance, et crée de telles frustrations qu’elle mute en incitation à la délinquance et au crime. Quand on a recours à la politique de la mesquinerie, c’est toujours pour éluder ce qui gêne et privilégier une minorité. Il y a quelque chose de profondément indécent dans cette façon de faire, il y a quelque chose de profondément indécent dans le fait d’accepter, de cautionner cette mesquinerie gouvernementale. La générosité, au contraire et même si parfois elle donne lieu à des dérives (auxquelles il suffit de mettre immédiatement un frein) ouvre de nombreuses portes, est source de grands projets, et, en période de crise comme aujourd’hui, fait renaître l’espoir nécessaire pour s’en sortir.


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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 16 Février 2009, 15:29 dans la rubrique "Actualité".

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