Ayant un parent en Guadeloupe, je suis de très près la grève générale qui paralyse l’île depuis plus de trois semaines, depuis le 20 janvier exactement, sans que le président Sarkozy daigne lui accorder, publiquement et personnellement, le moindre signe d'intérêt. Sur la scène internationale, ça fait incontestablement mieux de courir à Bagdad. Les médias métropolitains eux-mêmes, souvent trop complaisants, ont mis bien du temps avant de commencer à en parler.
Département français, l'archipel de la Guadeloupe (tout comme les autres DOM d’ailleurs) semble l'être plus en théorie qu’en pratique puisqu’on laisse qu’y perdure une empreinte de type colonialiste(1-2), parfois séculaire - celle des blancs créoles (ou békés en Martinique) -, mais également récente à travers les multinationales et les monopoles qui dominent l'économie locale(1), imposant un coût de la vie supérieur de 50% à celui de la métropole(1-2), alors que les prix des transports via conteneurs ne cessent de baisser et que le pétrole arrive du Venezuela tout proche(1). Les SMIC et autres minimum sociaux sont du même ordre qu'en métropole, mais aux fonctionnaires qui en arrivent on accorde une indemnité de vie chère de 40% calculée sur leurs salaires de base. Les tarifs bancaires y sont incroyablement exorbitants (1 p.7). Etc. etc. etc… En plus, au moins 90% des postes clefs est dans les mains des Européens, et il y a 27% de chômeurs dont 45% ont moins de 29 ans. De quoi être mécontents, non ?
Jusqu’à présent le comportement des manifestants a été exemplaire, mais les Guadeloupéens sont déterminés et leur mouvement contre la vie chère et la profitation est en train de s'étendre à la Martinique, vers la Guyane, peut-être jusqu'à La Réunion et même à la Nouvelle-Calédonie. Finalement l'ensemble des médias métropolitains s'y intéresse. Le temps d'une plus grande justice arrivera-t-il avant que la situation ne devienne explosive ?
Pour se faire une idée à propos des raisons du mouvement de grève lancé par le collectif LKP (Lyannaj kont pwofitasyon qui regroupe 49 syndicats, associations et organisations politiques, culturelles et sportives) : Guadeloupe, c'est tout un peuple qui affirme sa dignité.
Pour suivre, vu sur place, la progression des évènements : 1, 2, 3, 4
Et pour se tenir au courant à travers les médias locaux : 1, 2, 3
Voilà mon pays qui se lève !
Voilà mon pays qui se lève.
Avec le poing lumineux du soleil
Il a mis aux pieds des sandales de justice
Et sa voix a claironné la vérité des temps
Les oreilles se sont ouvertes
Les yeux ont vu la parole nourricière
Il chante péyi la sé tan nou
Et les feuilles répondent en chœur
Au chant de sa rosée
Les hommes et les femmes marchent d’un pas égal
Chantent d’une voix égale
Les tambours ont traversé la rue
Ils portent le beau temps sur leurs épaules
Ils éclairent la vie malgré la souffrance des ombres
Les jeunes sont venus déterrer leurs rêves
Pays levé
Pays lavé
En marche vers la tendresse des lendemains
En révolte contre les profitations
Entre colère et amour
Ouvrant ses racines comme une main nouvelle
Réconcilié avec son cri
Et sa récolte d’étoiles
Sorti de la torpeur des mangroves
De l’immobilité des statues impuissantes
Mon pays s’est levé d’un seul coup
D’un seul souffle de tornade interdite
D’une seule houle de mémoire murissante
Pays levé
Pays lavé
Et il a dit assez
Laissez passer la Guadeloupe !
Ernest Pépin, le
(emprunté au blog du poète sur Caribe Creole one)
Du côté de la Guadeloupe (2) : le manifeste que j'attends depuis si longtemps
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Commentaires et Mises à jour :
A lire ABSOLUMENT
Le manifeste de neuf intellectuels antillais pour "des sociétés post-capitalistes"
Après 24 jours de grève, à Paris on se réveille...
"Plus que jamais, l'Etat doit être juste, il n'est au service d'aucun groupe, d'aucune catégorie sociale. (...) La société antillaise a le sentiment aujourd'hui qu'elle n'est pas entendue", a déclaré M. Sarkozy. (Voilà bien une phrase à la Berlusconi !!!!)
"Il est surprenant que Nicolas Sarkozy se réveille après quatre semaines de conflit dans un département français, s'est exclamé M. Domota. En métropole, le gouvernement se serait mobilisé dès le lendemain matin."
C'est ce qu'on peut lire ce matin dans Le Monde. Lire ce qu'on en dit en Guadeloupe sur France-Antilles. Le fait est que la situation se durcit et que ça pourrait bien pêter.